Indigestion

14 février 2013 à 23:58

On peut se demander si une série qui en plagie une autre ostensiblement est coupable d’emblée de haute trahison téléphagique. Parce que, de la même façon qu’un remake peut parfois être de grande qualité, condamner d’avance une série simplement parce que son pitch est très largement inspiré d’un autre semble un peu extrême. Dans le fond, il est tout-à-fait possible qu’un même pitch soit traité de façon différente par deux séries, et il est possible qu’un scénariste, inspiré par une série à succès donnée, se dise qu’il pourrait dire quelque chose de totalement différent à partir des mêmes éléments. C’est, à bien y réfléchir, une question qui nous pousse à nous interroger sur ce qu’est vraiment l’originalité en télévision !
On peut se le demander… mais ça reste purement théorique. Parce que dans la pratique, prétendre qu’une série qui part d’un pitch sans imagination peut faire preuve de trésors d’originalité reste quand même une jolie façon de se mentir : ça ne donne jamais rien de bon.

Le recyclage, c’est honteux, quand bien même on voudrait parfois avoir l’esprit ouvert et donner leur chance aux séries qui semblent le mériter le moins. Et je m’apprête aujourd’hui à vous en donner la preuve par l’exemple avec Nobunaga no Chef.

Si vous avez déjà un peu trainé dans le coin, ou tout simplement qu’il vous arrive de vous intéresser aux séries nippones, vous ne pouvez pas ignorer l’existence de JIN, une série qui, l’espace de ses deux saisons de diffusion, a connu un immense engouement dans son pays natal, et s’est attiré énormément de récompenses et de critiques élogieuses. Méritées, d’ailleurs.
JIN, c’est l’histoire d’un neurochirurgien qui se retrouve soudain envoyé dans le Japon féodal, et qui va rencontrer des personnages historiques, notamment le fameux Ryouma Sakamoto. A charge pour Jin à la fois de survivre dans le passé, et de tenter de trouver un moyen de revenir dans son présent, tout cela en continuant, dans l’intervalle, de pratiquer la médecine telle qu’il la connaît, à la grande surprise de ses nouveaux contemporains. Heureusement, il peut compter sur l’aide de de Saki, une jeune femme qui, bravant les conventions, va l’assister.

Avec ces éléments en tête, voici maintenant le pitch de Nobunaga no Chef, et je vous propose de jouer aux jeu des 7 erreurs.
Nobunaga no Chef, c’est l’histoire d’un chef cuisinier qui se retrouve soudain envoyé dans le Japon féodal, et qui va rencontrer des personnages historiques, notamment le fameux Nobunaga Oda. A charge pour Ken à la fois de survivre dans le passé, et de tenter de trouver un moyen de revenir dans son présent, tout cela en continuant, dans l’intervalle, de pratiquer la cuisine telle qu’il la connaît, à la grande surprise de ses nouveaux contemporains. Heureusement, il peut compter sur l’aide de de Natsu, une jeune femme qui, bravant les conventions, va l’assister.
…Ne cherchez pas sept erreurs, il n’y en a qu’une : l’existence-même de Nobunaga no Chef.

Car non contente de pomper allègrement le pitch d’une des séries japonaises les plus aimées et les plus regardées de son temps, Nobunaga no Chef a aussi résolu de le faire avec aussi peu de finesse et d’intelligence que possible. C’est bien simple : en moins de quatre minutes, Ken va se retrouver dans le passé (en fait ça se produit même en moins de trente secondes), va assister à un combat du grand Nobunaga, devoir sauver sa peau, découvrir qu’il n’est pas le seul à être dans cette situation, réaliser qu’il a perdu la mémoire, apprendre qu’il vient du futur, rencontrer une jeune femme qui va lui sauver la vie, et… et non, quand même, on s’arrête là, ça fait cinq minutes.
La finesse de la succession de ces évènements a de quoi laisser pantois. C’est clair qu’on a affaire à un scénariste qui ignore le mot « exposition », et ce n’est rien de le dire. Et le pire, c’est qu’en fait ils sont deux à avoir écrit ce torchon.

Mais non content de balancer leur histoire avec le plus grand des naturels (après tout, ça va, hein, pourquoi se faire chier à mettre les choses en place, puisque tout le monde connait JIN !), on a aussi affaire à des scénaristes qui écrivent avec un bandeau sur les yeux. Ainsi, les personnages sont totalement inconsistants (et le pire c’est que même les autres personnages s’en rendent compte), disant une chose puis son contraire juste parce que comme ça, ça fait vaguement avancer l’intrigue, ça façonne un suspense artificiel, ou ça crée des retournements de situation quand le public commence à s’endormir. Leur réaction n’ont aucune logique, aucun fil rouge, ce qui s’assortit plutôt bien avec leur manque total de personnalité, notamment pour le personnage principal, Ken, qui ne pourrait être plus transparent. A cela encore faut-il ajouter un cast absolument pénible, soit dans le surjeu, soit dans l’apathie la plus totale.

Le pire n’est pourtant pas là. Car outre la question du retour dans le passé, désormais un gros cliché, et le cours magistral d’histoire que cela implique (oui, Nobunaga no Chef se veut pédagogique par-dessus le marché), le pire dans toute cette sombre affaire, c’est que la cuisine s’en mêle.
On assistera donc à un concours entre Ken et le chef de Nobunaga (sans grande raison si ce n’est qu’il fallait meubler dix minutes d’épisode) qui consiste à cuisiner le meilleur plat ; le perdant y perd quand même la vie, hein. C’est absolument ridicule, bien-sûr, mais bon. Alors pendant cette séquence, les personnages secondaires vont commenter l’action un peu comme dans un match de foot : « oh non, il a cuisiné un plat étrange, il va perdre ! »/ »non, attendez, le seigneur Nobunaga a l’air d’aimer ») et l’interprète de Nobunaga va faire toutes sortes de grimaces tout en mastiquant. C’est absolument captivant.
Et c’est supposé être la plus-value de Nobunaga no Chef, visiblement, puisqu’une fois que Ken va faire ses preuves sur un plan culinaire, il devient évidemment le nouveau chef des cuisines du grand Nobunaga (qui n’a visiblement pas grand’chose à penser à part choisir le chef de ses cuisines), et doit réitérer ses exploits culinaires avec un invité de marque, parce que, je cite, cela peut être déterminant pour les affaires de Nobunaga. Punaise, c’est du lourd ! D’après le trailer de fin d’épisode, les conneries continuent sur le même mode dans l’épisode suivant, sauf que cette fois Nobunaga et son armée partent en campagne (…avec le chef sous le bras, donc ; normal).

Vraiment, les mots peinent à décrire le marasme scénaristique que tout cela représente. Et je vous dis ça, sachant que j’ai quand même un énorme biais envers les séries culinaires, quand même ; on a eu le temps de l’évoquer avec dinner il y a quelques jours.
Donc quand je vous dis que Nobunaga no Chef est une poussive merde télévisuelle, je ne le dis pas à la légère. Il n’y aucune excuse pour son existence, et dorénavant j’utiliserai les références à Nobunaga no Chef uniquement pour l’utiliser comme exemple absolu du pitch paresseux, copié sur un succès qui n’avait pas mérité pareil déshonneur, et servi par un scénario honteux. Pour que nous n’oublions jamais qu’une série qui en plagie une autre ostensiblement est coupable de haute trahison téléphagique…

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