10 créatrices de séries qui gagnent à être connues de par le monde

8 mars 2014 à 7:22

Tous les 8 mars, c’est la même chose : on est soudain pris de l’envie irrépressible de parler des femmes. Pas trop des Droits des femmes, parce que euh arrêtez de poser des questions comme ça, mais des femmes. Rappelons que, non, la télévision ne fait pas forcément la part belle aux femmes, ni devant, ni derrière la camera…

WomeninActionOnePrimetimeTV-300Amy Poehler’s depressed girls (cliquer pour agrandir et détester l’univers).

Mais le 8 mars est une fête, après tout, non ? Et la tradition veut que le 8 mars, on parle de femmes en soulignant le moins possible les inégalités du reste de l’année, pour pas passer pour des féministes vindicatives. Ne pourrissons donc pas l’ambiance : célébrons la fâme !

AlexisBledel-Feminist-300Féministe vindicative déguisée en actrice de Gilmore Girls.

Alors soit. Aujourd’hui, je vous propose le profil de 10 créatrices de séries à travers le monde, que vous ne connaissiez pas forcément. Ou que vous connaissiez mais uniquement de nom. Ou que vous connaissiez mais n’aviez pas eu l’idée de discuter récemment. Très franchement, de vous à moi, aujourd’hui, toutes les excuses sont bonnes à prendre.

Aujourd’hui, juste aujourd’hui, essayons au moins de célébrer quelqu’un d’autre que Lucille Ball, Susan Harris, Jane Espenson, Tina Fey ou Shonda Rhimes. Ou même Rebel Wilson, tiens. Bon sang j’aurais dû faire une liste de 20 items. Ou 50. Rha, trop tard.

 

CecileAubry-300Cécile Aubry (France)
Ah, vous ne vous y attendiez pas, à celle-là. Il est rare que je parle de séries françaises, mais là attention, on parle de classiques. Cécile Aubry débute sa carrière comme actrice, à la toute fin des années 40, et décroche rapidement un contrat aux USA avec les studios Fox. Bien qu’assez peu prolifique, car elle tourne peu de films pendant cette période, cette carrière outre-Atlantique lui apportera une reconnaissance… et surtout lui offrira la possibilité de rencontrer son futur mari. En peu de temps, elle décide de mettre sa carrière entre parenthèses pour son époux, fils d’un noble marocain. Elle donne naissance à un petit garçon, Mehdi, et se consacre à sa vie familiale.
Je lis l’incompréhension sur vos visages. Ne vous inquiétez pas, l’histoire n’est pas finie : pendant la seconde moitié des années 50, elle rentre en France avec son fils, et entame cette fois une carrière de romancière ; de fil en aiguille, elle finit par adapter ses propres livres pour la télévision. C’est ainsi que naîtra Poly, diffusée par l’ORTF. Suivra ensuite Belle et Sébastien, d’abord en noir et blanc pendant sa première saison, puis en couleurs. A la fin des années 70, une troisième série, moins connue, verra également le jour, Le Jeune Fabre. A chaque fois, Cécile Aubry officiera comme réalisatrice sur de nombreux épisodes.
Oh, et le petit Mehdi, vous savez ce qu’il est devenu ? Un jeune acteur qui a occupé un rôle dans les trois séries de Cécile Aubry, et notamment, a incarné le célèbre Sébastien.

TraceyForbes-300Tracey Forbes (Canada)
Comme beaucoup de scénaristes canadiens des deux dernières décennies, Tracey Forbes a fait ses premières armes dans des séries de genre, et a une carrière au moins aussi remplie aux États-Unis que dans son pays natal.
Elle a ainsi écrit 3 épisodes de Buffy (je vois que j’ai votre attention maintenant) et collaboré à des séries comme Code Eternity ou ReGenesis. Plus récemment elle a travaillé sur des séries canadiennes bien plus renommées, comme Flashpoint ou The Bridge, toutes deux diffusées aux USA. Finalement, elle a co-créé l’an dernier la série policière Cracked, que vous avez peut-être vue et qui en est pour l’heure rendue à deux saisons.

EktaKapoor-300Ekta Kapoor (Inde)
Placer Ekta Kapoor dans cette liste relève quasiment de la concurrence déloyale. Là où la plupart des autres femmes que je cite ont créé une, deux, parfois une vingtaine de séries maximum (et c’est déjà un chouette maximum !), Ekta en est actuellement à peu près à une centaine depuis le début des années 90. A peu près, parce qu’on va pas commencer à être mesquins et faire les comptes. Pour elle, tout a commencé en 1995 lorsqu’elle a co-créé un sitcom extrêmement populaire, Hum Paanch, avec son père. Grâce à la série, ils fondent ensemble Balaji Telefilms, une société extrêmement lucrative qui est aujourd’hui devenue la plus grande maison de production de la région. Et quand je dis « région », je veux dire : l’Asie… et le Moyen-Orient. Ça fait une région très large, donc.
Bien qu’elle soit aujourd’hui créditée comme créatrice de la plupart des séries qui sortent de chez Balaji, Ekta Kapoor est cependant très rarement scénariste des séries qu’elle imagine. Et on la comprend : au moment où je vous écris, elle a une demi-douzaine de productions à l’antenne, sur 5 chaînes différentes (parmi lesquelles Bade Achhe Lagte Hain ou Pavitra Rishta) ; récemment elle a d’ailleurs décidé de tenter l’expérience de la télé réalité en plus du reste. Ah oui parce que je ne vous ai pas dit : elle produit et parfois co-écrit des films aussi.
Une dernière anecdote sur Ekta Kapoor : elle est convaincue que la lettre « K » lui porte chance. Du coup, la plupart des séries qu’elle a créées/produites commencent par la lettre K ; ce qui fait que statistiquement, elle a raison, du coup. Mais quand on règne sur le marché audiovisuel de toute une région, c’est le genre d’excentricités qu’on peut se permettre.

ErikoKitagawa-300Eriko Kitagawa (Japon)
Dans un milieu éminemment masculin, ce n’est pas sans fierté que je vous parle aujourd’hui d’Eriko Kitagawa. Je pourrais vous dire qu’elle a écrit et réalisé trois films. Je pourrais vous dire qu’elle a créé un peu moins d’une vingtaine de séries. Ce serait en fait déjà pas mal.
Mais Eriko Kitagawa est aussi entrée dans l’Histoire de la télévision japonaise pour un fait bien précis : elle est la créatrice de Beautiful Life, une série qui a maintenant 15 ans et dont les records, notamment en matière de récompenses, restent encore à battre à ce jour. Je vous ai remis le fun fact que j’avais écrit sur le sujet, pour vous rafraîchir la mémoire. Parmi les autres séries qu’elle a créées, on compte également Orange Days, que je dois à moi-même de ne pas omettre de mentionner, ou Sunao ni Narenakute.
Et pour finir, depuis le début de sa carrière de scénariste au début des années 90, elle a aussi été récompensée 5 fois lors des Television Drama Academy Awards.

JeanMarsh-300Jean Marsh (Royaume-Uni)
L’actrice imagine un jour, avec son amie et collègue Eileen Atkins, une série du nom de Behind the Green Baize Door dans laquelle elles sont supposées jouer deux servantes ; mais l’idée évolue au fil de son développement et devient Upstairs, Downstairs, apparue pour la première fois sur les écrans britanniques en 1971. Finalement, des deux amies, seule Jean Marsh apparaitra au générique de la série, qui lui permettra de recevoir plusieurs récompenses, y compris des Primetime Emmy Awards.
Vous l’aurez compris, dans cette modeste liste, le parcours de Jean Marsh est atypique car ce n’est pas celui d’une scénariste. Pourtant elle ne s’arrêtera pas là, et co-créera en 1991 une deuxième série, The House of Eliott… cette fois encore avec Eileen Atkins.

KathleenMcGheeAnderson-300Kathleen McGhee-Anderson (USA)
Alors ok, je triche un peu. Techniquement, Kathleen McGhee-Anderson n’a jamais créé de série. Sérieusement. Elle est créditée comme étant la première scénariste noire de la télévision US, mais elle n’a jamais réussi à vendre une seule série (quant à décider qu’il y a un lien de cause à effet, je vous en laisse l’appréciation).
Elle a fait ses débuts grâce à Michael Landon sur un scénario de La petite maison dans la prairie, a également travaillé sur le Cosby Show, Soul Food ou encore Les Ahem du Bonheur, mais elle n’a jamais créé sa propre série.
En interview, Kathleen McGhee-Anderson explique que depuis sa première expérience à la télévision, elle a toujours rêvé d’écrire un drama familial. Elle finit par obtenir gain de cause lorsque le créateur de Lincoln Heights a décidé de quitter la série avant même le début du tournage du pilote, lui laissant alors la place de showrunner, qu’elle tiendra jusqu’à la fin de la série quatre saisons plus tard.

IrnaPhillips-300Irna Phillips (USA)
Non contente d’avoir créé Painted Dreams, considéré comme le premier soap radiophonique de l’histoire, alors qu’elle n’avait même pas encore 30 ans, Irna Phillips est aussi et surtout la créatrice de grands noms du soap opera télévisuel (une transition logique pour l’époque). En 1937, elle crée une fiction qui entrera dans l’Histoire : il s’agit de Guiding Light, alors au format radio, puis au format télé à partir de 1952, et qui deviendra la série la plus longue, en termes de nombre d’épisodes, de toute la planète. Avec ses deux formats cumulés, Guiding Light compte en effet un total de 18 262 épisodes, qui dit mieux ?
Irna Phillips ne s’arrêtera pas là et créera de nombreux autres soaps, dont As The World Turns ou Another World, et officiera à divers postes sur d’autres tels que Peyton Place, ou Days of our Lives. Le genre lui doit tellement qu’elle a formé la scénariste Agnes Nixon, qui elle-même créera plusieurs soap operas américains emblématiques comme All My Children et One Life to Live.
Toutefois, au début de sa carrière, Irna Phillips, qui était avant tout une enseignante et une actrice à ses heures perdues, n’écrivait pas elle-même ses scénarios : elle jouait chaque personnage devant sa secrétaire, laquelle rédigeait des notes qui étaient ensuite transformées en scripts.
Irna Phillips ne s’est jamais mariée (elle a en revanche adopté une fille avec laquelle elle a plus tard co-créé un soap), et a laissé cette phrase à la postérité : « Pourquoi voudrais-je me marier ? Si je veux me battre, je peux toujours le faire à propos des séries ! ». Une téléphage selon mon cœur.

JiNaSong-300Ji Na Song (Corée du Sud)
A la sortie de ses études, au tout début des années 80, elle commence à travailler sur des documentaires et des émissions pour la jeunesse ; il faut préciser que Ji Na est à l’origine diplômée en journalisme et communication. C’est sa rencontre avec le réalisateur Jong Hak Kim qui va tout changer. Ensemble, ils travailleront sur plusieurs séries, généralement s’intéressant à l’histoire contemporaine de la Corée, un domaine dans lequel le tandem se spécialise.
Sur la quinzaine de séries que Ji Na Song a créées, deux d’entre elles marqueront particulièrement sa carrière, toutes deux avec son binôme. La première est Yeomyungui Noondongja, une super-production commandée à l’occasion des 30 ans de la chaîne MBC, au budget jamais vu à l’époque. Ses audiences seront formidables, mais ce ne sera rien en comparaison avec Moraesigye, en 1995, cette fois pour SBS puisque le duo était passé chez la concurrence. Là encore, la série est une fresque historique se déroulant entre les années 70 et 80 dans une Corée déchirée. Le drama reprend même des images d’archives pour traiter d’un sujet très sensible, le massacre de Gwangju, encore très peu abordé dans des médias. Le raz-de-marée dépassera largement les limites de la télévision ; choqués, les spectateurs se découvrirent un intérêt pour cette page de leur histoire peu évoquée, et Moraesigye ouvrira la voie à d’autres fictions sur le sujet. L’éveil de l’opinion publique sur les tragédies de cette période conduira à la condamnation de l’ex-dictateur Doo Hwan Chun.
Bien que les séries créées par Ji Na Song aient trouvé le succès, aucune n’a eu l’importance sociale de Moraesigye. Plus récemment, on lui doit aussi Namja Iyagi que j’ai pu évoquer par le passé. En 2012, Ji Na song et Jong Hak Kim ont collaboré sur une nouvelle série pour SBS, Shinui, une fiction extrêmement onéreuse… et extrêmement peu regardée. Ce sera malheureusement leur dernière collaboration, le réalisateur s’était suicidé l’été dernier suite à diverses controverse entourant les coulisses de Shinui. La distribution de la série a cependant reçu de nombreuses récompenses.

HeidiThomas-300Heidi Thomas (Royaume-Uni)
La spécialité de Heidi Thomas, c’est l’adaptation. De formation essentiellement classique et théâtrale, elle écrit ses propres pièces, mais se fait aussi remarquer pour son travail sur des œuvres connues, comme avec le téléfilm Madame Bovary en 2000. Il lui faudra attendre 2007 pour créer sa propre série, Lilies, pour la BBC. La série retrace en 8 épisodes le destin de femmes dans l’après-guerre, dans le Liverpool pauvre des années 20. La série n’est malheureusement pas un succès d’audiences, et n’est pas renouvelée.
En revanche, le succès tant critique que public de Cranford puis la mini-série Return to Cranford lui ouvrira en grand les portes de la chaîne publique.
Le revival d’Upstairs, Downstairs lui est confié en 2010, et pour finir, elle se voit offrir l’opportunité d’adapter les livres de Jennifer Worth, qui deviendront la série Call the Midwife… sur le destin de femmes dans l’après-guerre, dans le East London pauvre des années 50. Un exercice qui lui sied comme un gant, vous l’aurez compris. Il y a peu, on apprenait que la série avait décroché une quatrième saison pour 2015.

DanielleTrottier-300Danielle Trottier (Québec)
Le scénarisme est une deuxième vie pour Danielle Trottier, qui dans sa première carrière s’est consacrée à la muséologie. Fort heureusement pour nous, elle ne s’est pas arrêtée là. Au début des années 2000, elle se tourne vers l’écriture, au hasard d’une formation, ce qui permettra au téléroman Emma de faire son apparition en janvier 2001 sur TVA. La série est encore à l’antenne (elle durera un total de 4 saisons) que Danielle Trottier développe une autre série, qui deviendra La promesse. Très populaire, La promesse dure cette fois sept saisons, s’intéressant à une famille tenant une chocolaterie ; un contexte tout-à-fait accidentel puisqu’au départ, la série devait se passer dans une ferme, mais le développement d’une série concurrente dans un décor similaire (Providence) fera changer d’avis à Danielle Trottier au dernier moment.
Mais évidemment, si le nom de Danielle Trottier vous dit quelque chose, à vous, simple mortel français, c’est parce que vous avez eu l’excellente idée de commencer à regarder Unité 9, que la scénariste a développée pendant 5 années au fil de recherches et d’interviews dans l’univers carcéral. En dépit du sujet, l’une des deux dialoguistes avec lesquelles elle travaille sur Unité 9, Geneviève Baril, est sa fille, encore étudiante. Le flambeau est passé.

Je vous l’accorde, j’aurais pu en citer beaucoup, beaucoup d’autres, et franchement le choix a été difficile. L’avantage c’est que dans le cas présent, on aura voyagé à travers les pays et les époques.
Et puis, l’intérêt d’une liste de 10 noms… c’est que c’est un début, pas une liste exhaustive. Qui plus est, vous vous êtes sûrement aperçus avec cette liste que vous connaissiez plus de noms que vous ne le pensiez. On pourrait aussi faire une intéressante liste sur les créatrices de séries « black », comme Meg DeLoatch pour Eve, Kellie Griffin pour Reed between the Lines, Stacy A. Littlejohn (bien que suite à l’annulation récente de Single Ladies, elle soit maintenant au chômage), Mara Brock Akil pour Girlfriends, The Game et Being Mary Jane, et j’en passe. Vraiment, les idées ne manquent pas.

Mais vous savez quoi ? Ohlàlà ! Surtout ne vous arrêtez pas pour moi : poursuivez la liste des illustres inconnues de la télévision ci-dessous, en commentaires ! Faut vraiment pas vous priver. C’est la bonne journée pour ça, après tout.
Et puis promis : demain on revient à la normale.

par

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. illiac dit :

    Moi j’aurais mis Linda Schuyler et Winnie Holzman (même si elle a assez peu écrit pour la télévision).
    Après pour continuer la liste, je dirais aussi Amy Sherman-Palladino (pour gilmore girl et bunheads), Jenji Kohan (même si elle a eu du mal à finir weeds), c’est des noms plus connu mais pas tant que ça contrairement à Shonda Rimes ou Janes Espenson.
    A l’inverse si on pouvait faire Julie Plec n’écrive ou ne produise plus pour la télé, ça serait bien aussi (ok je sors)

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