En souvenir

1 avril 2014 à 8:00

Kids, you can’t cling to the past. Because no matter how tightly you hold on… it’s already gone.

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Voici donc ma review de How I met your mother, saisons 1 à 9. Très sincèrement, il y a un an de ça, vous m’auriez dit que je serais en train de faire un marathon de la série, je vous aurais ri au nez. Mais parce que je voulais, pour une fois, regarder une série populaire (au lieu, de, vous savez, une série polonaise), parce que je m’ennuyais et que je cherchais une comédie à regarder « en gros », et parce que, oh, bof, quelques facteurs toujours un peu aléatoires, j’ai fini par rattraper les épisodes et me mettre en rythme pour la saison 9, que j’ai regardé de façon synchronisée avec sa diffusion.
Alors voilà la review de l’impossible, avec quelques morceaux de spoilers pour ceux qui n’ont pas encore vu la saison 9 et, uniquement après le parapluie jaune, des spoilers sur le series finale.

Ted Mosby aura passé 9 années de sa vie à raconter comment il a rencontré la femme qui a changé le cours de son existence ; à ses côtés, nous aurons appris qu’il n’y a aucun hasard dans la vie, que tout est toujours lié, que chaque chose a une raison, et que même si l’on ne perçoit pas les signes (ou si on les perçoit et qu’on les interprète de façon erronée), tout s’enchaîne pour trouver une fin parfaite : rencontrer celle qui sera parfaite et nous rendra heureux. Robin, Barney, Lily et Marshall ont tenté de le soutenir, le dissuader, le détourner de sa route ; ils ne savaient pas alors, comme Old Ted le sait maintenant, vers quoi tout cela conduisait. How I met your mother, l’histoire de l’amour inéluctable.

Robin, Barney, Lily et Marshall nous auront aussi démontré pendant ces 9 années combien l’amour est important dans la vie, si jamais nous l’ignorions.
Les siamois Lily et Marshall, exemples de codépendance supposée romantique, conte idyllique sur l’amour qui dure toujours même quand ce « toujours » commence à être long, auront été le but à atteindre, le modèle à imiter, quoi qu’il en coûte. Vouloir la même chose que Lily et Marshall est absurde, et pourtant combien de fois Ted sacrifiera-t-il ce qu’il a parce qu’il veut ce qu’ils ont ?
Quant au dissident Barney, tout le monde espère qu’il finira bien par rentrer dans le droit chemin, par avoir du plomb dans le crâne (ou le prendre dans la tête, whichever comes first), que les velléités de célibat et d’indépendance prendront fin un jour, parce que personne n’a le droit de rester célibataire, jamais. Se « fixer » est une obsession, être volage une tare. Il est à la fois ce que Ted veut et ce que Ted craint, et sa tâche est de prouver que ce mode de vie n’est pas viable sur le long terme, pour rassurer Ted dans sa quête obstinée. Barney nous apprend qu’une vie de luxe et de luxure ne vaut rien sans amour, et on fait mine d’accepter que ce n’est pas un cliché parce que, quelle est l’alternative, rire aux blagues sexistes et à la constante chosification des femmes que ce personnage rencontre ? Allons donc.
Et Robin. Robin est une leçon elle aussi, à elle seule. Parce que pendant à peu près 712 saisons, Ted rêve d’elle. Son joli sourire, sa franchise « exotique », sa solidité vulnérable, font d’elle une comparaison permanente pour toutes les filles que Ted fréquente. Elle est parfaite et idéale, et donc insaisissable. Elle est le but à atteindre… et quand ce n’est pas elle, c’est quelqu’un qui aurait alors pour mission d’être cent fois mieux qu’elle pour réussir à la faire oublier à Ted. Et ça n’arrive jamais, comme le prouvera la ribambelle de conquêtes de l’architecte, et comme le prouvera aussi l’échec de l’ultimatum de l’une d’entre elles. Robin n’existe que par et pour le regard de Ted, elle n’existe que pour que, lorsqu’ils sont tous les deux célibataires (…ou même pas forcément les deux), il puisse se rappeler qu’il est en train de retomber amoureux d’elle, en poire pour la soif. Cela tourne systématiquement au fiasco et on repart pour un tour, jusqu’à la tentative suivante, tout aussi lamentable, parce que Ted ne se sent jamais assez bien pour elle, mais les autres hommes qu’elle fréquente ne sont jamais vraiment assez bien non plus. Et finalement Robin devrait toujours être un peu inaccessible ; pas tout-à-fait amoureuse de Ted, mais surtout pas libre de ses mouvements non plus. Robin nous aura aussi appris que les scénaristes n’ont pas d’imagination qu’une fois qu’on a trouvé une fille parfaite, on ne la laisse plus jamais vivre sa vie, et que c’est complètement ok.

Nous aurons aussi appris de nombreuses leçons de vie qu’il aura tenté d’inculquer à ses enfants au long de ces mêmes 9 années ; sur l’importance de l’amitié, notamment. Parce qu’évidemment, nous avons besoin de toute la sagesse de Ted Mosby pour comprendre qu’avoir des amis, c’est important. Fort heureusement nous avons eu droit à quelques autres grandes envolées philosophiques au moins aussi anarchistes qu’un épisode de 7 à la Maison, du genre « il faut accepter nos propres défauts pour avancer », « il est important de rester fidèle à soi-même » ou « parfois il faut prendre le risque de suivre son cœur ». Même sur des cartes postales on n’en imprime plus des comme ça, mais on nous l’aura dit et répété : Ted Mosby est papy rétro dans l’âme. Après tout, n’est-ce pas ce vieux bonhomme qui ouvre et ferme la plupart des épisodes ?

9 années passées à apporter plus de détails sur les minuscules hasards de la vie qui l’ont conduit à cette femme, plutôt qu’à raconter à ses enfants pourquoi leur mère est une femme tellement formidable. Ou peut-être a-t-il essayé de le raconter en creux, en leur énumérant toutes les relations amoureuses de sa vie adulte qui avaient foiré ? C’est concept, mais admettons. N’empêche que raconter toutes ses aventures sexuelles à ses enfants (y compris les plus explicites ; Dieu merci on n’a jamais eu l’explication pour l’ananas), c’est quand même légèrement borderline. Mais nous aurons aussi appris qu’en 2030, c’est devenu totalement acceptable. Et c’est bon à savoir, quand même.

Pendant 9 années, Ted Mosby nous a raconté non seulement qui il a cherché, désespérément, souvent en dépit du bon sens, mais surtout comment il s’est trouvé. Assez littéralement d’ailleurs puisque, si on en croit les quelques interactions entre Ted et la Mother dans la saison 9, tous deux sont faits du même bois et sont dans une relation tellement fusionnelle qu’il n’est pas impossible que Ted n’ait jamais cherché quoi que ce soit si ce n’est un miroir.

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Et puis évidemment, on veut connaître cette histoire de rencontre. Alors bien-sûr, pendant tout ce temps, Ted nous a méchamment baladés.
A l’heure de Lost, ce qui avait commencé comme un concept extrêmement malin, voire carrément une innovation unique (une comédie de network feuilletonnante !), aurait pu être une série intelligente et minutieuse. L’astuce consistant à utiliser les flashbacks et flashforwards, en les imbriquant, et en plus en les insérant dans une narration, tenait du pari osé, qui a d’ailleurs été remporté dans plusieurs épisodes. On peut le dire : il y a quelques épisodes de How I met your mother qui sont des petits bijoux d’articulation entre époques. Quand bien même il ne se passe pas grand’chose (on attend quand même le season premiere de la saison 9 pour voir la Mother… et Ted ne l’a toujours pas rencontrée !), l’écriture est suffisamment inventive pour que, dans certains épisodes, les spectateurs soient complètement volontaires pour être dupes 25 minutes de plus. On ne sait rien de plus sur la rencontre ou la Mother ? Pire, Ted a décidé une fois de plus de tomber amoureux de Robin ? Pas grave ! C’est si bien raconté.

Mais son désir de surfer sur la vague du succès aussi longtemps que possible aura ruiné tout espoir que How I met your mother devienne réellement légendaire. En dépit de certains tours de force (et encore heureux qu’il y en ait eu en 9 années !), la série peine à faire évoluer ses personnages. Quant à sa situation, il est de notoriété publique que les scénaristes sont physiquement incapables d’insérer plus d’un « indice » tous les dix épisodes, les intervalles étant de plus en plus grossièrement remplis à mesure que le temps passe. Old Ted multiplie les « et je ne savais que ce serait important plus tard », remettant sempiternellement à plus tard ce qui a désespérément besoin d’être dit maintenant. Parce qu’à un moment ça va bien. Mais quand c’est finalement explicité, c’est pour nous dire en réalité que ce n’était pas important, ou, au mieux, que ce n’était qu’un maillon de la chaîne qui nous emmène inexorablement vers la Mother.
Alors du coup, même en luttant de tout notre être, nous finissons obsédés par l’identité de ladite Mother (dont la seule chose qu’on puisse dire avec certitude, c’est qu’elle est blanche et de taille moyenne, ça restreint les possibilités). Au point d’en oublier que, du moment où Ted la rencontrera, ce sera fini : on ne saura pas ce qui la rend tellement unique. On ignorera à jamais pourquoi ça a marché avec elle et pas une autre. On saura juste qu’il l’a enfin rencontrée. Mais c’est normal, dans le fond, la Mother est le prix de la tombola. On se moque bien de savoir ce qui se passe après, pourvu qu’enfin Ted décroche le gros lot.

J’ai sûrement l’air de critiquer amèrement How I met your mother. C’est essentiellement parce que je voue une haine féroce à Ted Mosby, et que c’est à cause de lui que tout ce sucre dégouline régulièrement de la série. Il n’est pas coupable des blagues sexistes insupportables de Barney, mais de tout le reste, sans conteste. Mais comme Ted le dirait lui-même : « You know, it’s big comedy, but you also really care about these characters ». C’est rageant mais c’est vrai.
C’est d’autant plus vrai que plus le temps passe, plus le syndrome de Stockholm typique du visionnage à long terme d’une série fait son effet. Pris en otage par les techniques narratives, la surabondance de gags récurrents, et l’enjeu final agité comme une carotte, on se prend quand même d’affection pour ces 5 piliers de bar. Il en émane quelque chose de chaleureux, probablement parce qu’ils sont à la fois tellement hauts en couleurs, et tellement peu importants, préoccupés qu’ils sont de façon quasi-exclusive par leurs amours (et souvent en cercle fermé, en plus).

Quand vient enfin la délivrance, en saison 9, on se surprend à l’apprécier, cette Mother. On se surprend à avoir envie de la voir s’intégrer au groupe (ce sera fait de façon particulièrement perverse et, comme d’habitude, selon la croyance des scénaristes qu’il n’y a que des coïncidences dans la vie), de la voir évoluer avec Ted, de la voir être. On veut la connaître. On sait qu’on n’a que 24 heures pour cela, avec cette histoire de mariage à la Big Day (ha vous l’aviez oubliée celle-là, eh bien pas ces flemmards de How I met your mother).

Attention, à partir de là je commence les spoilers sur l’épisode final.

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C’était bien la peine. Après avoir, pendant 9 années, fait monter la pression pour qu’on sache qui était la Mother (problématique centrale d’une série qui se refusait même à s’avancer sur sa couleur de cheveux !) ou comment Ted l’avait rencontrée (…c’était dans le, euh, titre), la Mother s’avère être une créature ravissante, drôle, compréhensive, un peu fofolle… mais totalement inutile.

« Kids, I’m gonna tell you an incredible story. The story of how I met your mother » ouvre la série, mais en réalité, on avait tous mal compris : Ted raconte à ses enfants comment il a rencontré leur mère… pas l’amour de sa vie. Stupide malentendu qui pendant 9 années nous aura fait chercher à ses côtés un vagin sur pattes, alors que l’amour de sa vie, il l’avait rencontré dans le pilote ! Mais comme la femme de ses rêves ne veut ni ne peut avoir d’enfants, Ted a donc eu besoin de chercher pendant 9 années une reproductrice qui, bien qu’adorable et totalement compatible avec lui, est un objet totalement jetable.

Les errances de Ted ne peuvent prendre fin qu’une fois qu’il a eu des enfants, qu’ils ont été élevés par une femme génétiquement et psychologiquement compatible avec cette vocation, et qu’ensuite il peut retourner… avec Robin. Je ne sais même pas comment vous exprimer toute la colère que j’ai ressentie devant ce series finale. Bien que réussissant, comme à son habitude, à rendre ses personnages attachants, voire même ponctuellement touchants, et bien qu’explorant une problématique qui a été omniprésente pendant toute la saison (et passablement explicitée dans l’épisode précédent), le double-épisode de conclusion rate complètement la sortie de How I met your mother, à cause de cette maudite obsession pour Robin.

D’autant que rien ne l’explique plus aujourd’hui qu’hier. Pourquoi Ted veut-il tant être avec Robin alors qu’il a trouvé une femme réellement compatible, en la personne de Tracy ? On en aura progressivement la démonstration : jadis héroïne invisible de la série, la Mother devient totalement fantomatique. Une fois rencontrée, elle n’a plus vraiment d’attrait dans ce final (ce qui est terrible vu l’excellente alchimie avec Ted, démontrée dans plusieurs épisodes de la saison 9), devient un joli faire-valoir. Lors des réunions entre la bande, elle est soit quasiment muette, soit totalement absente sans que personne ne se pique de l’expliquer. C’est bon, elle a rempli sa mission, elle est tombée enceinte et a expulsé une fille puis un fils, elle peut disparaître dans le néant maintenant. C’est totalement incompatible avec ce qui a été la quête de la série pendant 9 années, mais qui s’en soucie ?

Comme ça, la Mother peut laisser Ted retourner à ses amis, et surtout à Robin. Chaque absence de Robin est lourdement soulignée là où celle de la Mother est totalement ignorée. Certes, il y a une question d’ancienneté dans la série, mais au lieu d’admettre que le groupe d’ami change avec le temps, le groupe d’ami n’intègre jamais totalement Tracy et souffre de l’absence de Robin. Qui est pourtant absente parce qu’elle le décide, et non par la force des choses !

Mais pour un dernier petit twist pseudo-romantique de fin, que ne ferait-on pas ?
Et puis comme finalement, on ne sait vraiment pas quoi faire d’elle et que les scénaristes sont tous amoureux de Robin, Tracy casse sa pipe (hors camera), et Ted se voit alors donné l’autorisation par ses enfants de retourner faire la cour à Robin. Au juste, pourquoi ça marcherait cette fois plus que les autres ? Parce que Robin n’a plus besoin de pondre de la marmaille pour Ted ? Il y a sûrement une autre explication… mais elle ne sera certainement pas donnée par les scénaristes de How I met your mother.

Comme tout le monde, j’avais une théorie sur cette fin. Les dénégations énergiques (et désespérées) de l’équipe de la série à l’idée que la Mother serait morte m’avaient orientée vers un plan B : Ted est en fait en train de perdre la mémoire pour une quelconque raison, et s’il raconte tous ses souvenirs à ses enfants dans les détails, c’est parce qu’il veut que ces souvenirs vivent même quand il les aura oubliés, surtout la rencontre avec la femme qui a changé sa vie à jamais, la Mother. Théorie qui m’est venue à cause de la fameuse scène du dîner dans le 19e épisode de la saison 9, alors que Ted énumère des anecdotes que son épouse connaît déjà par coeur (« I’m so sorry, I know this story too »), ou qu’il s’émeut à l’idée de rater un mariage, ou encore qu’elle le rassure à l’idée de ne pas avoir de souvenir à raconter (« I don’t want you to be the guy who lives in his stories »).
Je ne dis pas que ç’aurait été une meilleure fin ipso facto, mais ç’aurait autorisé une certaine cohérence, au lieu de plaquer un revirement de dernière minute dont pourtant tout nous avait éloigné pendant la saison 9. How I met your mother, qui avait déjà souffert de nombreux problèmes de continuité, a ici fait son plus grand affront à son public.

En dépit des apparences, je ne regrette pas totalement d’avoir vu How I met your mother, mais je suis contente de ne pas avoir passé 9 ans à la regarder ! Que de frustrations je me suis ainsi évitées.
C’est, à vrai dire, le plus simple résumé que je puisse en faire. Mais vous avez quand même lu les 2700 autres mots, mwahaha.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. François dit :

    Sans être diamétralement opposés, nos avis divergent (et c’est heureux). Je n’ai pas la sensation que la mère est un personnage « jetable » comme tu le dis.
    Tout le monde l’a apprécié, les spectateurs bien sûr, mais les scénaristes aussi, pour moi cette histoire est celle d’un père qui demande l’approbation à ses enfants pour aller rejoindre, finalement, la femme qu’il aime depuis toujours – car il est seul depuis la mort de leur mère, suppose-je.
    Je n’ai pas l’impression de voir en Tracy un utérus sur patte à seul but reproductif. L’amour entre Ted et la mère est réel et aurait dû être éternel, la vie en a fait autrement.

    Je suis d’accord sur la série en général, elle ne sera pas légendaire comme sa grande soeur (Friends pour ne pas la citée), mais elle aura laissé une trace et marqué une génération (la mienne, celle des 25-30 ans) et peut-être n’y reviendrons nous pas, comme on revient encore sur Scrubs ou Friends (encore une fois), mais on ne l’oubliera pas, j’en suis sûr.

    Et puis bigre, diantre et sapristi, tout était prévu depuis le début, quand même ! 🙂

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