Mise à nu

26 septembre 2014 à 0:44

Quand on mélange un mockumentary avec une fausse émission de télé réalité… mais aussi du fan service pur et dur, ça donne quoi ? En réalisant que les sous-titres de Toranai de Kudasai!! Gravure Idol Ura Butsu étaient apparus, je me suis dit qu’il n’y avait qu’une façon de le savoir, à plus forte raison parce que le mockumentary n’a que très peu attiré les fictions japonaises.

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Le principe de Toranai de Kudasai!! Gravure Idol Ura Butsu est de prétendre être un documentaire tourné à l’occasion d’un concours organisé par TV Tokyo, chaîne qui a déjà plusieurs fois par le passé prouvé qu’elle adorait les gravure idols, pour les avoir employées dans des séries passées, genre Shimokita GLORY DAYS, Cupid no Itazura, Jouou VirginJoutei Kaoruko et tout le bazar. Dans ce concours fictif, TV Tokyo cherche 9 gravure idols qui deviendront un groupe qui sera extrêmement promu. C’est le concours de toutes les chances ! Des jeunes femmes se bousculent en masse pour essayer de remporter le concours et, quand commence le pilote, il ne reste que 19 gravure idols en lice.
Le documentaire filme donc les 19 candidates restantes alors qu’elles passent les dernières étapes de la compétition, les yeux plein d’espoir. Il est bon de souligner que Toranai de Kudasai!! Gravure Idol Ura Butsu n’est pas une fausse émission de télé réalité, comme l’est, par exemple, Siberia ; on se focalise vraiment sur les interviews des différentes gravure idols qui sont semi-finalistes du concours de TV Tokyo.

Rappelons que la gravure idol est une jeune femme qui pose en tenue sexy et minimaliste (généralement bikini ou lingerie) dans des positions suggestives mais jamais explicitement sexuelles. Au Japon, c’est une industrie à part entière, même si en-dehors de sa cible directe, elle n’est pas vue d’un bon oeil en raison de sa proximité avec l’industrie du porno. Bien que les gravure idols soient juste « un cran au-dessus », elles restent quand même pas mal méprisées par l’industrie du divertissement au sens large.
Certaines, cependant, parviennent à aller au-delà des limites de leur métier. Elles se trouvent une rédemption en tournant dans des séries ou des films, en sortant des chansons, en devenant mannequins pour des magazines (beaucoup de magazines de mode/pour jeunes femmes ont des mannequins qui signent des contrats exclusifs), se trouvent une carrière de talento (apparaissant dans des émissions où elles servent de potiches), et s’extirpent alors de leur condition un peu miteuse pour une autre condition un peu miteuse.
Mais le plus souvent, elles finissent par tomber le haut puis le bas, sortir un film AV (« adult video ») ou deux, ou bien se marient et foutent le camps vite fait, ou encore deviennent trop vieilles de toutes façons et alors là c’est démerde-toi ma fille.
Ah, que de belles perspectives d’avenir. Mais pourtant, il y a toujours, chaque année, des centaines de jeunes filles ou jeunes femmes qui font de leur mieux pour devenir des gravure idols, qui se présentent à des concours, des auditions, qui tentent à tout prix d’être l’une de celles qui aura l’immense chance de se dénuer sur du papier glacé mais attention, pas totalement. Exactement comme les protagonistes de Toranai de Kudasai!! Gravure Idol Ura Butsu le font.

Alors avec un pédigrée pareil, Toranai de Kudasai!! Gravure Idol Ura Butsu pouvait faire peur. Pourtant, la série ne tombe pas dans l’écueil auquel elle semblait toute destinée.

Le pilote de la série met ainsi en scène les 19 candidates qui se préparent pour une nouvelle épreuve, un photoshoot en bikini. L’épisode passe ainsi du temps à observer les jeunes femmes alors qu’elles attendent dans la pièce prévue à cet effet, guettant leurs réactions, mais le réalisateur du documentaire va aussi à la rencontre des idols pour leur poser des questions, et ce sont ces périodes d’interviews qui font vraiment tout le sel de l’épisode, et par extension de la série.
Les questions posées sont en effet dérangeantes, aussi bien pour les gravure idols elles-mêmes que pour leur industrie. Le réalisateur leur pose des questions sur leur salaire, leur ambition, leur âge, si elles ont eu recours à la chirurgie esthétique, combien elles accepteraient pour faire des photos nues, etc., et ses interlocutrices sont très souvent interloquées. Essayant de répondre poliment, elles se retrouvent régulièrement acculées ; l’une d’entre elles ira demander, sur un ton faussement poli et aimable, que les images de son entretien soient carrément effacer. Une autre s’agacera progressivement devant l’insistance du documentariste à trouver LE prix qui la fera se déshabiller.
A ces images se mélangent aussi des pseudo « images volées » des jeunes femmes parlant à leur manager au téléphone ou de visu, et explicitant ainsi certaines contraintes (le manager qui ne veut pas qu’elle mange, par exemple), ou bien à leurs activités en-dehors du cadre professionnel, par exemple lors d’une soirée où elles sont payées pour boire en compagnie d’hommes… mais où clairement il est attendu d’elles plus que ça.

Finalement, entre le documentariste qui n’a absolument aucun respect pour les jeunes femmes qu’il filme et interroge, les managers qui font peu de cas de leurs protégées, les jeunes femmes qui sentent peser sur elles des attentes qu’elles ne pensaient pas faire partie de leur métier, et tout le reste, Toranai de Kudasai!! Gravure Idol Ura Butsu n’est pas du tout un monument à la gloire de l’industrie des gravure idols, mais plutôt une façon détournée, très japonaise finalement, de critiquer une industrie médiatique en faisant semblant de répondre à ses codes. Oui, les jeunes femmes en bikini rembourré sont légion dans ce premier épisode ; elles sont pour la plupart polies, souriantes et font ce qu’on leur dit. Mais derrière les images de jolies jeunes femmes dociles se dévoilent de nombreux aspects bien moins recommandables.

Si cette mission est bien remplie, bien que de façon détournée, Toranai de Kudasai!! Gravure Idol Ura Butsu a quand même un grand défaut, vraiment pas des moindres : en essayant d’être hyper meta, elle perd le spectateur.
Là où une série comme Siberia, par exemple, reprennait des codes clairs connus par le spectateur, Toranai de Kudasai!! Gravure Idol Ura Butsu mélange à la fois les codes de la télé réalité (les images tournées pendant que les filles sont dans la salle d’attente, par exemple, qui se concluront d’ailleurs par un clash entre deux candidates), du documentaire (qui montrent des images du concours mais aussi des images tirées… de scènes des épisodes suivants, comme par exemple l’une des candidates qui craque et lance au documentariste qu’il ne la suit que depuis une semaine et ne sait rien d’elle…), des interviews, des scènes « volées »… et tout ça alors que c’est une fiction qui fait son possible pour ne pas montrer qu’elle est une fiction. Sérieusement, ça fait beaucoup, et c’est difficile de garder des repères pendant l’épisode.
Je sais que les séries japonaises font généralement leur possible pour ne pas égratigner leur propre industrie, et ainsi ne pas mordre la main qui les nourrit ; réussir à tout de même poser un regard critique reste difficile dans ces conditions (The Quiz Show y parvenait avec plus de fluidité, par exemple, mais parce que ce n’était pas son propos central). Toranai de Kudasai!! Gravure Idol Ura Butsu fait vraiment des contorsions impossibles pour en arriver là.

Mais la série récolte résolument des points pour l’effort, et je serais curieuse de savoir combien de spectateurs initialement alléchés par son pitch ont fini par brûler tout leur papier glacé après visionnage.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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