Devious masters

17 février 2015 à 9:51

S’il y a bien une chose à retenir des séries historiques, c’est qu’être riche, c’est confortable… mais être pauvre, c’est pire que la mort. Ou quasiment.
Pour nous raconter une fois de plus le combat perdu d’avance des démunis contre ceux qui possèdent tout, y compris les démunis en question, voilà Hanyeodeul. La série sud-coréenne a démarré en décembre dernier pour nous proposer une saga de fortunes perdues ou gagnées, de destins contrariés, et de fleur qui est forte et qui restera bien levée, levée.

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La série démarre sur ce qui est désormais devenu la norme : une séquence émouvante… puis un cliffhanger suivi d’un retour en arrière. Ah c’est la loi maintenant, vous n’y couperez pas. Il faut dire que c’est bien pratique pour poser les enjeux d’une histoire dans le premier épisode sans, vous savez, se faire chier à écrire des trucs et des machins. Mais bon c’est la loi, c’est la loi hein, autant s’y faire.
Ici l’épisode inaugural s’ouvre sur In Yub, une jeune femme marchant pieds nus dans la neige, pressée derrière elle par un homme visiblement peu affable ; vêtue de beaux vêtements, elle va progressivement révéler au spectateur qu’elle était la veille encore une jeune femme de noble ascendance, et que celui dont elle est, en fait, la captive, est un servant qui est désormais en position de lui donner des ordres. Et plutôt que de porter les chaussures en cordes des pauvres, elle préfère encore s’arracher la peau des pieds… ou, comme va le révéler la fin de la scène, se jeter du haut d’une falaise dans l’eau gelée.
Et donc, on revient sur nos pas pour parler de l’époque où In Yub était riche. Et ça va durer tout l’épisode, alors ne retenez pas votre souffle pour voir si vous pouvez rester sous l’eau aussi longtemps qu’elle.

In Yub est la fille unique d’une famille d’importance ; elle expliquera que sa famille a participé à la mise sur le trône de la dynastie Joseon, et a donc plus ou moins créé le royaume. Hélas ces jours glorieux appartiennent désormais au passé, puisque le père d’In Yub a été assigné à une tâche ingrate, et qui équivaut diplomatiquement au suicide : on lui a demandé d’intercéder pour que cesse la lutte de pouvoir au sein de la famille du roi Taejong, où tous veulent hériter du trône… In Yub, qui est restée seule dans leur demeure (et qui est déjà orpheline de mère), n’a pas eu de nouvelles depuis son départ, et ignore, en fait, s’il est toujours en vie. Or, puisque c’est aujourd’hui l’anniversaire du ministre de la Défense de Taejong, elle décide de se rendre à la fête avec d’extraordinaires présents, espérant obtenir quelque faveur ; l’un de ces cadeaux, lui fait remarquer sa servante, est initialement prévu pour son mariage, mais In Yub est bien consciente que si son père ne se tire pas de sa mission, elle ne sera jamais mariée et son avenir sera de toute façon en péril.
La voilà donc, l’intrigue de Hanyeodeul dans ce premier épisode : suivre In Yub alors qu’elle se rend à la fête, interrompt celle-ci ce qui n’est évidemment pas pour plaire, cause quelques petites irritations aux nobles présents… sur le papier c’est captivant.

Ah, mais vous ne savez pas la meilleure : il y a aussi de la romance ! Car In Yub est éprise depuis toujours d’un certain Eun Gi, fils d’un dignitaire et jeune homme prometteur sous tous rapports ; ils se sont jurés voilà longtemps de se marier l’un à l’autre, mais évidemment, les mariages d’amour dans la Corée du 14e siècle, vous pensez bien que ce n’est pas à l’ordre du jour. Or Eun Gi vient précisément d’être introduit à Yoon Ok, la fille du ministre de la Défense, comme un époux potentiel. Awkward ! Et même si initialement Yoon Ok et In Yub sont amies, les perspectives de mariage vont venir entacher leurs relations.
Mais que serait une série sud-coréenne sans un quadrilatère amoureux ? Hanyeodeul introduit donc un autre enjeu romantique en la personne de Moo Myeong, le serviteur le plus important de la maison du ministre de la Défense. Sa rencontre avec In Yub se produit évidemment dans des circonstances qui vont mener les deux personnages à ne pas s’apprécier, mais à quand même s’embrasser malgré eux (les contorsions des séries romantiques pour faire échanger des bisous chastes à des personnages pourtant prêts à se cracher à la gueule pourraient remplir des volumes entiers…). Et évidemment, le twist est que Moo Myeong est l’homme qui traitait In Yub sans ménagement dans la scène d’ouverture, sinon ce n’est pas drôle.

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Je pourrais vous dire beaucoup de mal de cet épisode inaugural de Hanyeodeul. BEAUCOUP. Mais il faut noter que la série fait des efforts par ailleurs, en dépit de son intrigue générale peu excitante, et de ses scènes tout aussi peu palpitantes sur le fond.

La série bénéficie, en premier lieu, d’une réalisation très dynamique. J’allais dire « très dynamique pour une série historique sud-coréenne », mais ce serait de mauvaise foi, car j’ai vu Chuno (et il est bien difficile de ne pas penser à Chuno ne serait-ce que pendant la scène d’ouverture de Hanyeodeul). La camera de Hanyeodeul s’attache à rendre certaines scènes extrêmement vivantes ; il suffit de jeter un oeil aux plans nous présentant la vie dans la cour et les cuisines de la maison du ministre de la Défense, pour constater qu’il y a un effort fantastique à la fois pour montrer un microcosme foisonnant, mais aussi pour faire bon usage de décors épatants. Une deuxième scène de foule, dans les rues de la ville, un peu plus tard, reproduira la même énergie, bien que de façon beaucoup plus courte.
Il est juste un peu dommage que toute cette bonne volonté soit si peu palpable pendant certaines scènes plus bavardes ; les longueurs de certains échanges, pleins de politesses, de mots couverts et de paroles policées tentant de ne pas trahir les émotions des personnages à ceux qui les entourent, portent d’autant plus préjudice à Hanyeodeul qu’elles n’y sont pas la norme, et sonnent donc d’autant plus creux (les musiques cliché sans doute empruntées à d’autres séries, et les ponctuels problèmes de son n’arrangeant rien à ces passages). Fort heureusement on peut se repaître, comme toujours dans les séries historiques sud-coréennes, des superbes costumes et des couleurs vives, à défaut de mieux, pendant les échanges les plus longuets.

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Il faut aussi noter, et ce n’est pas anodin dans le contexte des séries sud-coréennes, que la série est assez libérale quant aux mœurs de certains de ses personnages. On aura même droit une scène de coït moins de 10 minutes après le démarrage de l’épisode ! Bon alors, je ne dis pas que c’est une scène de sexe à proprement parler, ne commencez pas à vous ruer sur votre client de torrent préféré en espérant faire les coquins, c’est pas 50 Shades of Bleh ici. Les protagonistes s’adonnant aux plaisirs de la chair restent habillés à l’écran ET derrière des pots de terre cuite. Mais enfin, le simple fait de montrer des personnages folâtrer alors qu’ils n’ont d’engagement d’aucune sorte est rarissime pour une série sud-coréenne. Plus tard on assistera à une conversation libidineuse d’hommes regardant danser une gisaeng (l’équivalent coréen de la geisha), et bien qu’une fois encore la jeune femme soit vêtue de la tête aux pieds, la situation n’a rien d’habituel à la télévision sud-coréenne.
Il faut dire que Hanyeodeul est une série de JTBC, une chaîne du câble ; et si une chaîne du câble en Corée du Sud n’est pas encore au point de nous servir du Game of Thrones, il faut quand même admettre que la différence est nette avec une série de network, et les libertés un peu plus grandes.

Le mélange de la bonne réalisation et du ton un peu moins guindé donne, en tous cas, un côté plutôt impertinent sur la vie de tout ce beau monde, pas nécessairement très propre, et pas nécessairement aussi guindée qu’il n’y paraît.
Le pitch de Hanyeodeul étant qu’In Yub va être contrainte à devenir une servante pour la maison du ministre de la Défense, j’ai à vrai dire hâte qu’on passe plus de temps dans les coulisses des riches, plutôt qu’on s’appesantisse sur leurs petites bisbilles inutiles. Il est clair au terme de ce premier épisode que les riches (surtout s’ils sont de la famille du ministre de la Défense) sont détestables, et que les pauvres sont… un peu moins détestables, mais en tous cas intéressants. Au milieu de tout ça, Princesse Sarah In Yub est un peu transparente, mais c’est un prix que je suis prête à payer.

C’est en tous cas quand l’épisode lâche le décorum habituel des séries historiques que Hanyeodeul s’avère la plus engageante, la plus intéressante, et la plus drôle aussi. Et à défaut de regorger d’histoires originales pour sa protagoniste centrale In Yub, c’est plutôt sympathique.

Je ne peux hélas pas vous parler de Hanyeodeul sans vous dire qu’après cet épisode, son sort a été bien compromis. Le lendemain de son lancement sur JTBC, un incendie dans les décors a coûté la vie d’un membre de l’équipe, et a sérieusement remis en question l’avenir de la série, toujours en tournage (on est en Corée du Sud, les délais sont toujours serrés). Après une période d’incertitude quant à son avenir, la série a repris le tournage et sa diffusion a été reprise fin janvier ; le premier épisode a pour cet occasion été remonté, symbole d’un nouveau départ, avant que les inédits n’apparaissent à l’écran. Je me dois à ce titre de vous préciser que je n’ai regardé que la version datant de début décembre ; il est possible que la série ait depuis fait quelques progrès dans les domaines qui péchaient au départ, grâce à cette nouvelle chance imprévue de plaire aux spectateurs.
Mais vu que j’ai décidé d’essayer de tenter de m’efforcer de peut-être faire le début d’un effort pour regarder la suite de Hanyeodeul, on devrait de toute façon parler de ses évolutions dans un avenir proche. Sauf si je m’ennuie, bien-sûr. Si je m’ennuie, vous êtes tous seuls.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Emmanuelle dit :

    « Mais vu que j’ai décidé d’essayer de tenter de m’efforcer de peut-être faire le début d’un effort… »
    Ahaha! Bonne chance!!!!

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