It’s the same new story

1 mars 2015 à 19:37

La plus célèbre des séries pakistanaises est Humsafar… oui, vous savez, pour autant qu’une série pakistanaise soit connue dans le monde.
Ce drama familial et romantique, à ne pas confondre avec la série indienne Humsafars qui a démarré voilà quelques mois, est adapté d’un roman éponyme. Humsafar a dépassé ses frontières comme rarement pour une fiction du Pakistan, au point de réussir à être diffusée au Royaume-Uni, quoique sur une chaîne câblée à destination de la diaspora… indienne. Je vous accorde que ça n’aide pas à éviter la confusion, mais qu’importe.
En outre, Humsafar a dans son pays été un véritable phénomène, la presse soulignant ses qualités intrinsèques comme une preuve du début d’un âge d’or pour les fictions locales. Bien que jugée conservatrice, voire régressive sur le plan social par les critiques, en revanche la qualité d’écriture, de jeu et de réalisation semblaient marquer un tournant dans la production locale.

Hélas il ne m’est pas possible de regarder Humsafar avec ces yeux-là : c’est ma première série pakistanaise, et je n’ai guère d’outils de comparaison, sur le fond comme sur la forme. Alors tentons de voir ce que Humsafar dit à une spectatrice européenne, si vous le voulez bien.

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Car après tout, il est possible d’y trouver quelques repères, ne serait-ce que dans son pitch : l’histoire est celle de Khirad, une jeune femme douce dont la mère Maimona, une enseignante et une veuve, est mourante en raison d’un cancer ; or, le dernier vœu de la vieille femme est de marier Khirad avant de mourir. Cela tombe relativement bien : Baseerat, le riche frère de Maimona, a justement un fils d’un nom d’Asher, un brillant jeune homme. Le mariage est donc soudain convenu entre les deux parents, dans la précipitation devant l’état de Maimona. Et oui, vous avez bien lu, ils vont marier deux cousins germains. Passons.
Le nerf de la guerre, comme l’annonce la photo de promo ci-dessus, c’est qu’Asher a une cousine du côté de sa mère, la pétillante Sarah, avec laquelle il a grandi et dont il est beaucoup plus proche… Vous le sentez venir, le triangle amoureux ?

Et pourtant, devant le premier épisode de Humsafar, point de soupirs excédés de ma part, ce qui, en matière de romance, en dit long.

D’abord parce que la série est à la hauteur de sa réputation : visuellement et musicalement, il émane une simplicité élégante, et la lenteur de l’ouvrage joue, étrangement, en sa faveur. L’accompagnement instrumental oscille entre tranquillité des jours paisibles, au début de la série, et mélancolie, à mesure que la maladie se taille une place de choix dans l’intrigue. Comme l’épisode se ménage des pauses sans dialogues (notamment en ouverture d’épisode, mais pas seulement), on trouve aussi une ambiance parfois contemplative, avec des plans simples sur la vie de tous les jours, permettant de faire respirer Humsafar d’un souffle authentique, ancré dans le réel. Des gestes simples deviennent beaux, presque sublimes. Le quotidien n’est pas snobé par la réalisation au profit de faire avancer la narration, et c’est une qualité appréciable. De la même façon, la mise en scène de la condition sociale de chacun, essentielle dans ce type de fiction, se fait par petites touches, sans surenchère. La vie humble de Khirad et Maimona est montrée sans misérabilisme ; le statut cossu de Baseerat, Asher et Sarah se traduit avant tout par une occidentalisation des vêtements et le mélange d’anglais à leurs propos (rappelons que la langue du Pakistan est avant tout l’urdu).

Mais surtout ce premier volet de Humsafar convainc parce que l’exposition est méticuleuse, posant plus les bases de la structure familiale que d’autre chose. Là où tant de séries du genre (pour celles que j’ai vues à l’étranger, et notamment en Inde où l’on trouve une atmosphère similaire, rites musulmans en moins) préfèrent mettre en valeur leur tragique héroïne, ici on regarde vraiment le paysage familial dans son ensemble, et pour cause puisque l’intrigue se joue vraiment au sein d’un même arbre généalogique. Dans cette introduction, Khirad est au contraire en retrait, n’apparaissait que pour définir dans les grandes lignes son rôle dans le drame qui va se jouer (elle aime sa mère, elle est étudiante, elle est pieuse), tandis que l’écriture étend progressivement notre perspective à sa mère, à son oncle, à son cousin, et ainsi de suite. Le premier épisode met d’ailleurs l’accent sur les rapports entre Baseerat et Maimona, qui même s’ils sont séparés par leur niveau de vie radicalement différent, sont très proches ; on insistera énormément sur les émotions de Baseerat après l’annonce du cancer, par exemple.

Le résultat c’est qu’au terme du premier épisode, on a l’impression de ne pas être prêt à prendre partie, et dans une structure narrative de ce genre, c’est rarissime.
Humsafar parvient à ne faire passer personne, au stade de ce premier épisode, pour quelqu’un de foncièrement mauvais et mal intentionné, ce qui relève de la gageure étant donné que l’intrigue de la jeune femme pauvre qui se marie dans une famille riche est normalement jalonnée de ce type de personnages. Ici il est clair que ce n’est pas la nature des personnages qui vont faire d’eux des obstacles au bonheur de Khirad, mais les dynamiques entre les personnages, et ça change absolument tout… en ne changeant finalement rien. C’est ce qui permet à Humsafar d’être avant tout un drama familial, et non une simple romance.
Il ne fait aucun doute que, si Baseerat s’est empressé de proposer Asher en mariage, ce sera assez modérément le cas de son épouse qui a déjà ses espoirs vis-à-vis de Sarah. Il est évident que ce mariage n’est pas non plus dans l’intérêt de Sarah, qui flirte avec Asher en permanence dans ce premier épisode. Cela ne fait aucun doute, MAIS c’est expliqué, et non vu comme une évidence.
Un rappel parfois nécessaire que ce qui fait la différence entre une bonne et une mauvaise série, ce n’est pas souvent l’histoire, mais le ton.

Après, regarderais-je toute la saison de Humsafar ? Non, très franchement, même avec un bon traitement, une romance tragique est une romance tragique (dans ce cas précis, l’accessibilité n’est pas en question, puisque les 23 épisodes sont disponibles sur Viki). Mais je suis agréablement surprise par le niveau de production, et intriguée par ce que la télévision pakistanaise peut receler comme trésors que je n’ai pas découverts…
Correction : pas encore découverts.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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