Start a revolution

23 mars 2015 à 12:05

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Puisque c’est de là que tout est parti dans cette histoire de semaine spécialement dédiée aux comics, commençons donc par jeter un oeil à Birds of Prey ! A l’heure où les Flash, les Arrow, les Gotham, les Constantine envahissent la télévision américaine, mais où Wonder Woman a par deux fois raté ses tentatives de comeback, on a bien besoin de se rappeler qu’une superhéroïne peut faire régner l’ordre et la justice… Au moins en attendant Supergirl et Jessica Jones.

En fait, dans le cas de Birds of Prey, elles sont même au nombre de trois ! Huntress, Oracle, et Dinah, laquelle apparaît dans le premier épisode.

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L’action se déroule dans un futur proche, à New Gotham. Après avoir été blessée par le Joker, Batgirl est désormais vissée à un fauteuil roulant et opère sous le nom d’Oracle depuis leur repère secret. Huntress, qui est la fille de Batman et de Catwoman, se rend sur le terrain pour intervenir face aux criminels ; elle est un peu les bras d’Oracle, tandis que celle-ci, grâce à ses compétences informatiques, la dirige à distance et lui transmet toutes sortes d’informations.
Le tandem fonctionne plutôt bien de cette façon, chacune composant avec les blessures de l’autre. Pour Oracle, de son vrai nom Barbara Gordon, il faut composer avec la paralysie et le souvenir d’un temps où elle était une superhéroïne aux côtés de Batman, au lieu d’assurer le support. Et si elle maîtrise désormais un grand nombre de paramètres dans sa vie (le fauteuil, son rôle de veilleuse, et son métier d’enseignante), certains points restent douloureux, y compris sa vie amoureuse, encore maladroite. Quant à Huntress, elle a grandi aux côtés de sa mère avant que celle-ci ne soit assassinée en pleine rue. Ce n’est qu’alors que Helena a découvert que son père était Bruce Wayne, mais celui-ci a disparu sans laisser de traces depuis. Suite à un petit accrochage avec la police, Helena est en outre condamnée à suivre une thérapie pour gérer son agressivité, ce qu’elle fait à contre-cœur (quand elle le fait) tout en gagnant sa vie comme barmaid, et en ajoutant à cela ses activités nocturnes en tant que Huntress. C’est grâce aux pouvoirs « métahumains » de sa mère qu’elle peut en effet démontrer une force surhumaine, ainsi que des pouvoirs félins qui lui feront dire, à un moment du pilote, qu’elle n’a pas besoin de porter d’armes : elle EST l’arme.
Pendant le pilote, elle vont faire la connaissance de Dinah, une adolescente arrivée à New Gotham à la poursuite d’un rêve. Non, littéralement : elle a vu deux femmes en rêve, et espère les trouver dans la grande ville bien qu’elle ne sache rien d’elles si ce n’est qu’elles ont vécu un drame personnel. Il s’avère que ces deux femmes ne sont nulles autres que Huntress et Oracle, et que Dinah est elle aussi une métahumaine, capable à la fois de visions, de rêves prémonitoires, et d’entrer dans la tête de ceux qu’elle touche.

La backstory de chacune est introduite en début d’épisode par un autre personnage familier, un certain… Alfred Pennyworth, qui continue de travailler dans l’immeuble imposant que possède Bruce Wayne en l’absence de celui-ci ; c’est précisément là que se trouve l’antre d’Oracle et Huntress.

Le premier épisode sert donc en grande partie d’introduction pour ces personnages et leur situation, qu’elle soit individuelle (puisque chacune a clairement un passé à gérer) ou de groupe, avec la découverte de meurtres maquillés en suicides. Derrière cette intrigue, on l’apprendra à la toute fin de l’épisode, se cache encore un autre personnage bien connu des fans de DC… Ai-je pensé à mentionner que la psychiatre qui suit Helena se nomme Dr Harleen Quinzel ? Ouaip.

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Birds of Prey ne brille pas par son élégance narrative : qu’Alfred raconte l’histoire de chacune en guise d’introduction du pilote est d’un manque de subtilité total, pour commencer.
Mais à l’absence de finesse du scénario, il faut qui plus est ajouter celle des dialogues. Huntress ne s’exprime quasiment que par one-liners, ce qui ne manque pas d’agacer. Son obstination à jouer à la mauvaise fille un peu rebelle est une chose, mais quand on la voit si peu faire montre de ses talents par ailleurs (à part dans une scène où elle manque de dévisser la tête à Aaron Paul), on ne voit pas trop cela comme un trait de caractère que de la vantardise insupportable. Elle a plus de gueule que d’énergie comme les scénaristes voudraient nous le faire croire, et son cynisme n’a rien d’attachant. Il ne fait qu’insister sur quelque chose qui a pourtant été établi d’entrée : elle est torturée. Mais ça passe plutôt mal.
Quant à Oracle, elle est pour ainsi dire transparente. Son rôle de gardienne du mythe de Batman, son travail en tant que support informatique, et sa patience de bonze, pourraient être la marque d’une force de caractère, mais, aussi bien à cause des dialogues plats que de l’interprétation, elle ne prend aucun relief. Elle n’existe que pour renvoyer un miroir à Huntress ou, par la suite, à Dinah, et très peu pour elle-même, si ce n’est un dialogue plaqué dans la toute dernière scène du pilote, où tout d’un coup elle semble éprouver une peine qu’on n’a pas vraiment palpée jusque là.
Pour finir, Dinah est tout ce que vous détestez chez les adolescentes de télévision. Elle pourrait être mignonne dans son obstination, mais elle tape vite sur les nerfs ; lorsqu’elle s’invite dans le repère de Huntress et Oracle, quand elle s’impose dans l’une de leurs missions, on ne comprend pas trop pourquoi elles ne la mettent pas à la porte manu militari. Enfin, si, c’est expliqué dans le scénario, mais ça n’explique pas que personne ne l’étrangle sur place, au moins.

Un résultat catastrophique, alors ?
Eh bien de prime abord je vous aurais dit oui, là comme ça. C’est d’ailleurs ce que je vous en disais il y a quelques années. Mais à la lumière d’un revisionnage, je réalise que beaucoup des défauts de Birds of Prey sont dus à son extrême fidélité au matériau d’origine.

Car esthétiquement, le résultat est là, et il est même largement supérieur à celui obtenu par la majorité des séries de superhéros. Sur beaucoup de séries de ce type, l’esthétique n’était pas assez léchée, pas assez sombre ; c’est une mission que remplit Birds of Prey au-delà de toute espérance.
L’hommage à la légende de Batman au cinéma est patent : dans les éclairages, dans les décors, dans les plans, dans le montage même. Et niveau musique, une fois qu’on écarte les titres pop qui jalonnent l’épisode (inévitables étant donné que c’est une série de la défunte The WB), on trouve un fond musical qui s’inscrit également dans la même lignée, même si passer derrière Shirley Walker continue de relever de l’impossible.

En fait, Birds of Prey pousse la logique jusqu’à réutiliser des costumes (nommément ceux de Catwoman, vue un bref instant, et celui de Batman, vu de dos dans ce premier épisode) apparus dans d’autres films de l’univers, dont Batman Forever. Une scène du film qui avait été coupée au montage apparaît même à un bref moment. Dans la façon de présenter la backstory de chacune des trois héroïnes, le rappel des éléments préexistants est total ; par la suite, la réalisation se donne énormément de mal pour faire perdurer ce lien.
Le résultat c’est que, même si les changements et arrangements dans Birds of Prey sont nombreux (ainsi, la jeune adolescente s’appelle Dinah… Lance ! Sauf qu’elle n’est pas Black Canary, mais, comme on l’apprendra dans un épisode ultérieur, sa fille), Birds of Prey parvient à avoir l’air fidèle. Elle s’inscrit parfaitement dans l’univers tel que peuvent le connaître les spectateurs, en particulier s’ils ont vu les films des années 90 (Birds of Prey date de 2002).

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Birds of Prey est indirectement revenue récemment sur le tapis suite à la couverture de comics ci-dessus. Destinée à une illustration en édition limitée d’un comics Batgirl, elle fait directement référence aux supplices que le Joker fait subir à Batgirl en vue de nuire à Batman.
Le problème c’est que cette référence, voulue plus comme un hommage à une période marquante pour Barbara Gordon à l’occasion d’un tirage limité, met une fois de plus une femme dans une position de victime, alors que celle-ci est une superhéroïne, aussi bien sous son identité de Batgirl que plus tard comme Oracle (plus de détails sur le problème autour de cette couverture, dont l’auteur lui-même a souhaité le retrait par la suite, ici en anglais).

On l’a vu dans cette review : perdre l’usage de ses jambes a effectivement atteint Barbara Gordon sur un plan psychologique également. Et c’est naturel !
Mais on la voit dans la série, pour torturée qu’elle soit par son passé, prendre les choses en main. Se prendre en main. Elle apparaît dans Birds of Prey comme un personnage actif de sa propre vie, et non passif. Le fait que Batman ne soit jamais montré de face dans le pilote, que la séquence dans laquelle elle perd sa motricité soit concentré sur elle et son souvenir du Joker, et que ses réactions à elles soient explorées (alors que le but du Joker était en la blessant d’atteindre en fait Batman personnellement), montrent qu’ici il s’agit d’elle, de ses sentiments, de ses décisions (pour mal écrites qu’elles soient, elles ont le mérite d’être là). De ses hésitations, aussi. Mais pas de torture porn. Et pas d’éléments destinés à développer l’histoire d’un autre personnage qu’elle.

De façon plus large, les personnages féminins dans Birds of Prey sont responsables d’elles-mêmes (la seule chose pour laquelle elles dépendent d’un homme ? Le petit-déjeuner et le remplissage du frigo par Alfred !).
Les hommes apparaissent dans cet épisode le font comme des méchants à arrêter, des victimes à protéger, des flics à éviter (pour Huntress ; le flic en question étant incarné par Shemar Moore donc avec le potentiel de plus si affinités), des collègues avec lesquels flirter (pour Barbara) des confidents avec lesquels parler (Alfred). Ils ne sont pas, au moins dans ce premier épisode, des superhéros. Ils ne sont d’ailleurs, quand ils sont armés de mauvaises intentions, que des méchants de seconde zone, éliminés en moins d’un épisode, parfois en une scène pour celui d’Aaron Paul. Les vraies forces de Birds of Prey sont féminines, y compris dans le camps des « villains »… Car le pilote se conclut sur la révélation qu’on sentait planer dés qu’on a vu apparaitre le nom de Harleen Quinzel : ce qui se trame à New Gotham est le fait de la tordue Harley Quinn. Encore une femme en charge, donc.

D’ailleurs Birds of Prey remplit plutôt bien le Bechdel test, à plusieurs reprises de son pilote. Les interactions entre Huntress et Oracle, bien-sûr, qui portent sur l’une ou l’autre du duo et pas seulement sur les personnes malfaisantes à arrêter ; les séances de thérapie de Helena dans le cabinet du Dr Quinzel, où il n’est pas question que de son père ; ou encore la façon dont les deux femmes s’adressent à Dinah. Tout cela forme toutes sortes de conversations qui ne font que renforcer la conviction que Birds of Prey n’est pas qu’une série avec 4 femmes dans les rôles majeurs, c’est une série sur au moins 3 de ces femmes (Quinzel est pour le moment moins approfondie). Sur elles, et sur leur histoire.
Et c’est un résultat rarissime, dans le monde des superhéroïnes de télévision… ou de la télévision au sens large. Quels que soient les défauts de Birds of Prey et, ah ah, mon Dieu, il y en a, on ne peut pas lui enlever qu’elle nous présente des héroïnes et qu’elle les traite en tant que telles.

Revenez demain, on va parler d’une autre héroïne de comics !

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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