Adults only

2 avril 2015 à 11:48

On a connu notre lot de comédies ou de dramédies suivant des femmes chercher l’amour. Ou l’Amour avec vraiment beaucoup de chances. La plupart se ramassaient lamentablement, rapport au fait que sinon, il n’y avait plus de série. Les phases de félicité étaient brèves, généralement suivies de déceptions ou, pire, d’indifférence, et on reprenait notre route. C’était un cliché insondable, très franchement : la femme cherche l’amour dans tous les recoins, ne le trouve pas, poursuit laborieusement sa quête malgré les échecs, garde espoir. Fort bien.
Jusque récemment, les hommes étaient épargnés par cet atroce cliché, eût égard au fait que chercher l’amour quand on est un homme, ça ne se fait pas. D’abord l’amour n’a pas de sens quand on est un homme, un vrai : le cliché veut que la belle jeune femme qu’on convoite (qui a aussi l’insigne honneur d’être la seule femme au générique cette semaine) finisse toujours par tomber dans les bras du mâle sitôt que celui-ci a accompli sa mission. L’homme ne cherche pas l’amour parce que sa virilité lui garantit une pluie de femmes disponibles, c’est magique.

Et puis lentement, on a commencé à se sortir la tête de l’eau. Et quelques séries commencent à interroger la recherche de l’âme sœur d’un point de vue masculin. Hélas pour le moment, ces séries le font aussi avec des clichés en tête. Man Seeking Woman, comme Hello Ladies, s’intéresse ainsi à un homme que la popculture ambiante qualifie vulgairement de « beta » : un homme pas très viril, pas très costaud, pas très sexy, en tous cas certainement pas d’après les critères conventionnels étriqués de la télévision américaine. A sa silhouette frêle faut-il encore ajouter le pire des défauts : le héros de romcom masculine n’est pas très affirmé.
Cela conduit notre homme à se prendre des vestes en permanence. Hélas, cela conduit aussi la série à adopter une posture victimisante assez irritante. Nous sommes supposés compatir au moins autant que rire de ses déboire, mais je n’arrive jamais à adhérer à ces positions. Pour ma défense, je trouve également la posture d’Ally McBeal, proche de celle de Man Seeking Woman (y compris dans ses effets surréalistes), parfaitement pitoyable, mais enfin, ma foi, à l’heure actuelle, Ally McBeal est moins d’actualité que Man Seeking Woman.

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Josh, le héros de Man Seeking Woman, sort d’une relation longue dans laquelle il a tout investi. Sur-investi, soyons honnêtes, comme le prouve la scène de séparation qui ouvre la série. Mais il va pourtant bien falloir aller de l’avant, aussi tente-t-il de recommencer à fréquenter, comme on dit par chez moi quand on ne sait pas comment traduire « dating » sans utiliser des mots désuets.
A priori jusque là, rien de très grave. C’est la forme que prennent ces tentatives, forcément couronnée d’insuccès, que je tique beaucoup plus.

Les situations qui se produisent dans Man Seeking Woman sont du plus haut absurde : c’est tout l’intérêt de la série. Josh aborde une problématique de sa vie de célibataire, et systématiquement, cela tourne au rêve éveillé : sa sœur lui arrange un rendez-vous avec un troll, son ex a déjà trouvé un compagnon et est désormais en couple avec Hitler, Josh parvient dans le métro à accomplir l’impossible à savoir dégoter le numéro de téléphone d’une jeune femme.
Au juste, je n’arrive pas à décider si Man Seeking Woman veut nous faire rire en prenant au pied de la lettre ces passages quasi-obligés de la vie amoureuse, ou si elle veut nous faire rire en illustrant la métaphore par une véritable femme-troll, un véritable Hitler, et un véritable record de l’impossible salué même par Barack Obama. Sommes-nous invités à rire des représentations que Josh se fait de sa vie ? Ou devons-nous avoir la gentillesse de croire qu’il lui arrive vraiment des choses que nous qualifions d’habitude de façon exagérée ? Le jury délibère encore.

Mais dans tous les cas, le problème reste son comportement : Josh se pose toujours en victime chétive, en outsider qui part en position de perdant. Le spectateur devrait être de son côté : après tout, il a eu un rendez-vous avec une trolle ! Sa petite-amie l’a remplacé par Adolf Hitler, du haut de ses 126 ans… et il finit même par devoir lui présenter des excuses ! Et quand même, c’est hyper chouette, le monde entier le félicite pour avoir réussi à obtenir un numéro de téléphone ! Awww, ce Josh.
Et pourtant le comportement de Josh n’a rien de drôle, il ne me fait pas du tout rire en tous cas. Systématiquement idiot, insensible aux sentiments des autres (mais sur-entraîné pour se complaire dans la maussaderie en ce qui le concerne), et surtout, incapable de maturité, tel est le personnage qu’on voudrait nous vendre comme un pauvre type manquant résolument de veine et partant avec des handicaps dans la vie amoureuse. Mais le handicap, c’est lui ! Et il ignore copieusement que ce qui qualifie les gens pour une relation, plus encore si elle est longue et stable, c’est d’être… comment ça s’appelle déjà ? Ah oui, un adulte. Et je refuse de prendre en pitié un petit garçon qui attend d’être aimé comme une évidence, et qui ressent comme une injustice profonde que ce ne soit pas le cas. Que Man Seeking Woman soit une métaphore de sa disposition d’esprit, ou qu’elle soit le résumé de ses aventures de célibataire, le résultat est le même : le comportement de Josh est généralement condamnable et/ou infantile, et ça ne me fait pas rire. Je n’ai pas envie de le voir se ridiculiser, j’ai envie de le voir apprendre ; sauf que rien dans le premier épisode de Man Seeking Woman n’indique qu’il y ait une marge de manœuvre de ce côté-là. Josh espère que le monde finira par marcher comme il l’entend, mais ne se propose pas d’évoluer pour en arriver là.
L’amour lui est quasiment dû, parce qu’il est une pauvre chose et qu’il est triste et pas conventionnellement viril. Ally McBeal avait beau se plaindre à longueur de temps dans les rue de Boston, elle n’en est jamais arrivée au point de décréter que le monde lui devait l’amour.

Je reconnais que d’une manière générale, il a fallu longtemps aux romcoms [américaines] pour faire évoluer ses ressorts. Et il y a encore des ratées (hello, Manhattan Love Story). Je reconnais également être très, très mauvais public en matière de romances (j’ai d’ailleurs tenu un centième de milliseconde devant Hello Ladies). Je reconnais, enfin, n’avoir aucune sorte d’expertise dans le domaine de ces séries qui me hérissent souvent le poil (pour une multitude infinie de raisons).
Mais le coup de se porter en victime en jouant la fantaisie ? Non, c’est une première, ya pas à dire. C’est, euh… déjà ça ?

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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