A décharge

24 avril 2015 à 9:00

Ne cherchez pas Bankerot (ni même Broke, son titre international) dans le planning des projections de Séries Mania, le visionnage de son premier épisode est réservé à quelques élus armés du badge sacré. Mais vous savez quoi ? Suivez-moi, je vais vous faire passer discrètement en coulisses, et vous permettre de découvrir cette dramédie danoise. Ça reste entre nous, hein, je veux pas d’ennuis.

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Le problème du premier épisode de Bankerot, c’est que c’est surtout une exposition d’une demi-heure, et encore, seulement partielle puisque trois des personnages apparaissent vraiment de façon prolongée, les autres n’étant en gros que des visages, quand ils apparaissent tout court.
L’un de ces personnages mis en avant, c’est Thomas, un veuf dont la femme Rie est morte renversée par une voiture, deux ans plus tôt. Pour lui et son fils Niklas, on peut dire que la vie s’est arrêtée depuis ce drame : Thomas vivote vaguement de la revente d’électro-ménager qu’il récupère et retape (vaguement), et passe surtout l’essentiel de son temps à dormir ; quand au petit Niklas, il ne parle tout bonnement plus du tout. Tous deux ont emménagé dans une maison qui semble être au cœur d’une zone industrielle, des frigos jonchant la cour à l’arrière, et avec une décoration d’intérieur se rapprochant plus d’une décharge qu’autre chose, à en faire pâlir d’envie les personnes de l’émission Hoarders. Inutile de dire que la situation a alerté la psychologue de l’école de Niklas, qui menace désormais de prévenir les services sociaux et potentiellement placer le petit garçon pour le sortir de ce débarras. Thomas réagit à cette menace en… allant pioncer.
Pendant ce temps, Niklas, bien que ne prononçant pas un mot, est la personne la plus responsable de la maison (c’est lui qui prépare le café de son père le matin, lui indique qu’il est l’heure d’être emmené à l’école ou même, lui corrige le mot d’excuse griffonné à la va-vite dans la voiture), en dépit de ses terribles cauchemars. Rie est en effet morte sous ses yeux, ce qui explique qu’il soit autant traumatisé.

Le troisième de ces personnages est Dion, qui purgeait une peine de prison mais qui, ce même jour, est libéré sur parole. Pour éviter soigneusement les personnes qui l’attendent à la sortie, Dion a un plan : il a mis un peu d’argent de côté (dans les prisons danoises, les prisonniers peuvent apparemment se faire un peu de liquide en remplissant des Julkalendar à la chaîne) et s’achète un nouveau passeport et un billet pour la Thaïlande auprès d’un type un peu louche qui tient également une sorte de casino du pauvre. Ce n’est pas vraiment du grand art : son passeport le rebaptise Hans Christian Andersen, pas le top de la discrétion donc.
L’idée est de toute façon moins de se trouver une légende de qualité, que de partir aussi loin possible de la personne qui en a après lui : son propre père. Car ce qui a valu de la prison à Dion, c’est d’avoir foutu le feu au resto du pater familias… qui n’était pas assuré. Dion doit donc maintenant au terrible paternel, qui trempe également dans des affaires louches, la valeur dudit resto.
Puisque son vol pour la Thaïlande n’est que le lendemain de sa sortie de prison, Dion cherche désespérément un endroit discret où passer la nuit. Après avoir, sans succès, frappé à plusieurs portes, il se retrouve chez Thomas dont il découvre le mode de vie. Alors pour dépanner ce soir-là, avec les restes du frigo, il cuisine ce qui est sûrement le premier repas consistant de Niklas depuis des mois. Autour de leurs assiettes, ils parent nourriture, vin et projets.

C’est là qu’enfin, à la, allez, 21e minute (sur un épisode qui en dure environ 25), on apprend l’objectif de Bankerot : Thomas et Dion avaient, il y a quelques années, pour objectif d’ouvrir leur propre restaurant. Thomas, qui était sommelier (avant de tomber dans l’alcoolisme ; mais il est à sec depuis 8 ans) aurait créé une carte complémentaire parfaite à celle de Dion qui est un excellent cuisinier ; et ce rêve semble très loin, sans doute parce que Rie n’est plus.
Mais au petit matin, quand Dion est intercepté par le bras droit de son père avant de pouvoir partir en Thaïlande, et qu’il est sommé de rembourser les dommages causés par l’incendie, cette idée de créer leur propre restaurant devient d’autant plus pressante. Après s’être fait confisquer son passeport et son billet d’avion, et surtout, après avoir eu un doigt cassé au pied de biche par le gorille de son père (c’est considéré comme un paiement en plusieurs fois !), Dion « décide » de rester et propose à Thomas de lancer, enfin, leur propre restaurant, même si c’est sans Rie. En même temps il n’a pas le choix : il a déjà juré ses grands dieux à l’envoyé de son père que c’était en projet !
…Enfin, leur père, parce qu’en fait, Dion et Thomas sont frères.

Comme vous le voyez, Bankerot cherche surtout à établir la backstory de ses protagonistes essentiels avant de faire quoi que ce soit. Au terme de ce premier épisode, on a la sensation de déjà bien les connaître… mais ça se fait au détriment d’autres choses, comme par exemple l’histoire, qui ne prend forme qu’à la toute fin de l’épisode.
Par contre, au niveau du ton, c’est encore un peu tiède. On voit bien ce que Bankerot dit sur ces personnages, mais par contre, c’est difficile de vraiment déterminer sur quel ton elle le dit. Comme beaucoup de dramédies, l’idée n’est pas vraiment d’insérer des moments comiques ou des blagues, mais simplement de jouer sur l’absurde ou aller vers des extrêmes (comme la scène du pied de biche). Sauf que même ces passages, Bankerot les fait de façon très peu appuyée, très timide, très minimaliste finalement. Et on n’a pas vraiment envie de rire ni même sourire, du coup. Sans pour autant se répandre en larmes.
Au terme de cet épisode purement introductif, il est difficile de prédire si Bankerot va se trouver une émotion ou deux. C’est à souhaiter, car cette histoire de restaurant sortant des décombres de la « maison » de Thomas ressemble à s’y méprendre à une quête intérieure pleine d’espoirs. Et puis, l’atmosphère ambiante de pauvreté, de rouille et de débrouille, est trop rare à la télévision, donc il faudrait qu’on ressente quelque chose. Mais au terme de cette mise en bouche, je ne peux pas promettre que cela se produira.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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