By water and blood

25 avril 2015 à 17:00

Désormais, outre les networks et les chaînes câblées, il faut compter sur Netflix & Amazon aussi pour s’incruster dans la programmation américaine de Séries Mania. Ainsi, cette année, Marvel’s Daredevil, Transparent et Mozart in the Jungle font partie des séries projetées, tout comme Bloodline.

Bloodline est le genre de projet dont on entend beaucoup parler, en grande partie à cause de son cast, mais que pas grand’monde n’a vraiment envie de regarder. C’est plutôt l’idée de la série que la série elle-même qui séduit. On peut caresser l’idée de voir tous ces acteurs se croiser dans un drama sombre à la réalisation soignée, mais dans le fond, importe-t-il vraiment de voir le résultat final ? Que peut-il vraiment s’y dire, dans le fond, une fois qu’on a vendu l’idéal d’une telle série ?
Là où des Transparent et des Orange is the black s’appliquent à dire des choses, raconter des histoires peu ou pas du tout vues auparavant, et à tirer partie d’un support encore malléable pour repousser les limites de la fiction feuilletonnante, Bloodline au contraire ne veut surtout pas innover et n’a que faire d’un éventuel propos de fond. On la regarde pour une ambiance, et surtout des performances. Que l’histoire soit totalement bateau (pardon) et que la structure-même du premier épisode soit terriblement commune (avec ses flash forwards), ne compte finalement pas dans sa note finale. Se risquer à attendre de Bloodline quelque chose de ce type reviendrait à espérer une réalisation léchée dans The Big Bang Theory, pour visiter l’extrémité inverse du spectre téléphagique.

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Les Rayburn s’apprêtent à célébrer l’accomplissement de leur vie de travail dans les Keys, la partie de la Floride située à son Sud le plus extrême. Depuis 45 ans, ils ont fait de la destination de vacances la plus ensoleillée de la région une affaire familiale, et à ce titre, leur nom va être posé sur une plaque quelconque des environs. Toute la famille se réunit pour fêter ça : Sally et Robert, les fondateurs ; leurs enfants Danny, John, Kevin et Meg ; et les familles de chacun, lorsqu’il y a lieu.
Le problème étant que l’aîné, Danny, est ingérable depuis toujours, et que son retour met tout le monde à cran. Techniquement c’est plus un paumé et un raté qu’autre chose, pas vraiment un mauvais gars, et pas dangereux pour son entourage a priori. Mais la majeure partie de sa fratrie le voit plutôt comme une bombe avec retardateur ; seul John, frappé du classique middle child syndrome, tente de rabibocher tout le monde : de son grand frère à vif, jusqu’à son jeune frère impitoyable, en passant par son père un peu blasé et sa mère trop permissive. Très rapidement il apparaît que le retour de Danny dans les Keys va être la goutte qui fait déborder le vase Rayburn.

Conçu comme une lente accroche plus qu’une exposition, quasiment une préface, le premier épisode de Bloodline a surtout pour vocation de faire des allusions : à la tragédie qui se jouera dans un avenir lointain (c’est l’objet des flash forwards), et à la tragédie qui s’est peut-être jouée jadis (la mystérieuse femme au collier hippocampe, qui a l’air d’être un peu morte ; le fugace souvenir d’une pré-adolescente sur une plage dont on n’arrive pas à identifier qui elle pourrait bien être). Pour en savoir plus, évidemment, il ne faut pas compter sur, oh comment ça s’appelle déjà ? Oui : la narration. La seule explication qu’on aura se trouve sans aucun doute dans les épisodes suivants.
Bien-sûr, ce serait formidable si les dramas de cette année sur Netflix ne pensaient pas qu’il faut piéger le spectateur pour l’obliger à voir les 712 épisodes suivants, et si, à la place, lesdits dramas donnaient d’emblée des raisons de le faire. Mais ce n’est pas le cas alors autant s’y faire. Je suppose que quand on investit autant dans de la fiction écrite pour le binge watching, on ne veut pas prendre le risque de laisser du libre-arbitre aux spectateurs en question. Parfois j’ai l’impression que même Netflix ne comprend pas pourquoi un spectateur binge watche, mais enfin… On reste sur sa faim à l’issue du premier épisode de Bloodline, et c’est sûrement le but, mais je persiste à penser que ce n’est pas comme cela qu’il devrait être atteint.

Bloodline n’est pas un thriller, n’en déplaise à ce premier épisode qui tente d’introduire sur la fin un crime. Une fois dépouillée de ses effets de style, et en mettant de côté sa photographie effectivement irréprochable, on obtient un drama familial très plan-plan où un évènement est supposé faire remonter à la surface (ha ha) les secrets de chacun. C’est un peu comme si Secrets & Lies et Parenthood s’envoyaient en l’air sur le sable fin de la Floride, en gros. On pourrait aussi ranger Bloodline dans le même rayon téléphagique que les dramas familiaux scandinaves… hélas plus Tjockare än Vatten (pas nécessairement un compliment) qu’Arvingerne (ça, ç’aurait été un compliment).

Dire que je ne suis pas enchantée par Bloodline est, vous l’aurez compris, un euphémisme. Mais je crois que le tort n’en revient pas exclusivement à la série.
Je suis, et vous le savez pour voir les 800 et quelques reviews de pilote que comptent ces colonnes, férue d’épisodes introductifs. J’aime l’idée d’être plongée dans un univers, d’en tester les limites, d’en palper le potentiel. Des techniques comme celles de Bloodline (appâter le chaland pour qu’il commence à regarder, mais ne même pas lui jeter un os à ronger dans le premier épisode pour s’assurer qu’il s’enfile les douze suivants sans sourciller) sont absolument contraires à ce qui me fait plaisir lorsque je me glisse dans une nouvelle fiction comme dans un bain moussant. Et si je suis curieuse de voir comment les séries de pure players comme Netflix, Amazon et compagnie, peuvent tirer partie d’un support qui n’impose pas une diffusion hebdomadaire, favorisant une consommation à la carte, je persiste quand même à penser qu’un premier épisode devrait, vous savez, exposer des choses, et pas juste ressembler à un trailer de trois quarts d’heure. Je suis vieux jeu, ne nous mentons pas. Mais il m’aurait fallu un peu plus que des miettes de scénario dans un écrin de performances pour me faire apprécier Bloodline. Et, ironiquement, je n’ai du coup pas du tout envie de regarder la suite.
De toute façon Séries Mania ne proposait pas un marathon des 13 épisodes, alors vous voyez, il n’y a pas que moi.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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