La vallée des panthères

3 mai 2015 à 22:00

Puisqu’un seul épisode de Shkufim pouvait être montré au public pendant Séries Mania (et pour une fois, les professionnels n’ont pas été beaucoup mieux lôtis, croyez-moi j’ai fouillé les ordinateurs !), c’étaient deux séries d’espionnage pour le prix d’une qu’on pouvait trouver dans la programmation, avec un aperçu de la série Fauda.

Ici, pas de high concept, juste une ligne narrative très simple : suivre l’intervention d’agents spéciaux qui sont en mission pour éliminer un Arabe martyr qui s’est fait passer pour mort après des attentats, mais qui en fait ne l’est pas.
Dénué de flashbacks, de fast forwards, et en grande partie, de backstory pour les personnages, Fauda est plus une série d’action qu’un thriller d’espionnage comme on a pu en voir pendant le festival cette année. Personne, dans le premier épisode, ne va voir sa loyauté remise en question, par exemple, ou se questionner sur… en fait, sur quoi que ce soit. Ce qui ne veut pas dire que Fauda est une série décérébrée, mais plutôt que le conflit dramatique n’y réside pas dans les tribulations des personnages, ou alors pas au stade de sa première heure.

Lorsqu’il apparaît que Taufiq Khammed (alias Abu Ahmad ou encore « la Panthère ») est encore en vie, alors qu’il a eu des funérailles 18 mois plus tôt, le chef d’un groupe de Mista’arvim décide d’aller chercher l’agent qui pensait l’avoir assassiné, Doron. Bien que celui-ci se soit désormais retiré, et entretienne un vignoble avec sa femme et leurs enfants, Doron décide de reprendre du service pour régler son compte, une bonne fois pour toute, à la Panthère ; il a l’avantage d’être le seul agent à avoir jamais vu son visage, un atout indéniable.
Le plan est simple : profiter du mariage de Bashir Ahmad, le jeune frère du terroriste (et où ce dernier va forcément faire une apparition), pour s’infiltrer à la cérémonie et tuer pour de bon Abu Ahmad, sans autre forme de procès. Vu que le terroriste est responsable indirectement de la mort de plus d’une centaine d’Israéliens, et qu’il en a tué une douzaine lui-même, il n’y a pas vraiment de cas de conscience à avoir.

Coupons court au suspense : je n’ai pas du tout accroché à Fauda. Justement parce que le cas de conscience est totalement balayé d’un revers de la main, aussi bien par les personnages que par la série, et même le spectateur : j’avais peine à croire que le premier épisode ne soit que cela, une incitation à observer cette opération, sous-entendu en espérant qu’elle réussisse.
Comprenons-nous bien : je n’ai pas de sympathie pour les terroristes. Et je suis consciente qu’il existe en Israël un climat géo-politique (que le générique, bilingue hébreu/arabe, illustre bien) dans lequel ce type d’évènements n’est pas exceptionnel, et peut-être même pas contesté par la majorité des gens. Mais je trouve très contestable en revanche qu’une série, ayant le loisir de pouvoir discuter à tête reposée, de gratter la surface et de poser des questions sur plusieurs heures, ne s’en pose pas une seule pendant la première. Si le seul enjeu de Fauda est le meurtre, alors j’ai du mal à m’asseoir tranquillement devant. Tout justifié semble-t-il aux protagonistes.

Rien dans le premier épisode de Fauda n’interroge, en réalité, le fond de cette intervention, à absolument aucun égard, ni dans un sens ni dans l’autre : c’est juste une opération dont on doit espérer qu’elle soit réalisée jusqu’au bout, sans entraves ni dommages. Je pourrais jouer les optimistes et me dire que c’est courageux de la part d’une série d’inviter le spectateur à avoir a propre réflexion, mais si je veux être honnête, je ne vois rien dans le premier épisode de Fauda qui incite à réfléchir. L’idée est vraiment de transpirer aux côtés de Doron et ses frères d’armes, quand ils risquent d’être découverts ou qu’Abu Ahmad est sur le point de leur échapper ; un peu comme quand on regardait Sydney Bristow dans des circonstances similaires à chaque épisode d’ALIAS (mais sans artefact mystérieux, ça va de soi).
En-dehors de ça, je vous l’ai dit, Fauda ne cherche pas à accomplir grand’chose au niveau des personnages. C’est peut-être le seul angle susceptible de changer avec le temps, alors qu’on voit Doron passer de « non merci j’ai raccroché la kalach » à « je dois à tout prix tuer la Panthère » pendant l’épisode. Peut-être que Fauda décrira, au long de ses 12 épisodes, comment le héros devient (à nouveau) obsédé par le terroriste du Hamas qu’il pensait déjà avoir exécuté une fois, et chroniquera ainsi son passage dans les ténèbres. Mais de quelles ténèbres parlons-nous quand la série ne maintient presque pas de distance avec son sujet ?

Je n’étais pas, je le confesse, dans la salle pendant la projection de Fauda, ni à son issue, alors que la productrice Maria Feldman était dans la salle. Peut-être qu’un éclairage m’aurait été apporté sur l’intention de Fauda, sur son propos dans les épisodes suivants, sur ce qui fait de la série autre chose qu’un 24 israélien. Parce que dans les faits, je ne suis pas sûre de pouvoir me réjouir que les Israéliens (ou quiconque, à vrai dire) aient leur 24. Ou, pire, leur Kurtlar Vadisi Pusu.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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