Fais-moi peur

6 juillet 2015 à 14:22

Avec la résurgence du gore à la télévision, et la passion hollywoodienne actuelle, d’une façon générale, pour les reboots, remakes et resucées diverses, ce n’était qu’une question de temps avant que les séries de type slasher reviennent sur les écrans… cette fois en priant pour obtenir un peu plus de succès. Rappelons en effet que Harper’s Island (elle aussi lancée à peu près à la même période il y a quelques années, par un temps ensoleillé supposément propice à se donner des frissons) n’avait pas exactement été une réussite, et on ne parlera même pas de la version télé de Friday the 13th, dans les années 80, qui bien qu’ayant vécu 3 saisons en syndication n’a marqué les esprits d’absolument personne.
Comme le démontre assez bien le premier épisode de Scream, pour apprécier le concept de slasher television, il vaut mieux avoir la mémoire courte. Je ne connais pas beaucoup de chaînes qui mieux que MTV pouvaient donc s’aventurer dans l’expérience.

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L’histoire, on la connaît tous, mais le pilote de Scream tient quand même à nous la rappeler in extenso : une héroïne jeune, belle, intelligente, innocente et gentille, se retrouve plongée au milieu d’une série de meurtres atroces qui frappent son entourage, en particulier tous les ados un peu moins beaux, un peu moins intelligents, un peu moins innocents et/ou un peu moins gentils, qu’elle fréquente. Tout ça sur fond d’une série de meurtres antérieure, qui hante encore quelques personnes de la génération précédente, et fournissent un peu de matière à cancaner entre deux boucheries.

Le scénario de Scream tient sur du papier à cigarettes, essentiellement parce qu’il repose sur les clichés du genre. Et ça n’est pas grave en soi. C’est après tout dans l’ADN de la franchise Scream.

Ce qui est grave c’est que la série semble se refuser obstinément à construire sur l’existant pour imposer un angle, un ton ou un sujet inédit. Ici on est dans le recyclage le plus putassier possible de la culture des djeunz : portables, réseaux sociaux, Youtube… bref, une vision toujours aussi superficielle, caricaturale, de ce que c’est que d’être ado aujourd’hui. Tout est pur gimmick sans aspérité. Rien n’offre de prise à l’esprit en attendant le meurtre suivant.
Il aurait été intéressant de pousser le propos plus loin sur les questions d’intimité et d’exhibition liées à ces outils (à plus forte raison parce que les slashers ont une longue tradition de jugement moral derrière eux, notamment sur la sexualité), sur la géométrie variable de l’estime de soi à l’heure où le jugement par ses pairs peut se chiffrer en centaines voire en milliers de personnes, au lieu de simplement se confronter à l’entourage direct, ou à peu près n’importe quoi d’autre. Mais non : Scream évoque mollement ces pistes comme de simples prétextes à soupçonner tout le monde et personne, pas comme de vrais thèmes.

Pourtant, s’il y a bien une chose que peut se permettre Scream par opposition à la franchise ciné qui l’a précédée, c’est de prendre le temps d’ajouter des idées à sa simple intrigue. La série prétend dans ce premier épisode que les meurtres ne sont pas une fin en soi, et que suivre les problématiques des personnages est sa véritable vocation pour mettre ces meurtre en contexte (en se comparant humblement à Friday Night Lights, référence qu’a du comprendre un jeune spectateur de MTV et demi). Mais en cantonnant chacun de ses protagonistes à un stéréotype, en persistant à créer des situations où la question est plus « qui est le tueur ? » que « qui est le personnage ? », Scream se plante totalement et devient une simple fiction sans ambition, pour passer le temps et vaguement se faire peur. Très vaguement. Je ne sais simplement pas si la recette prend sur des ados qui jouent à se défier à regarder The Human Centipede.

Il ne reste plus qu’à faire l’impasse sur Scream, et éventuellement espérer que les prochaines séries du genre sauront faire mieux. Parce qu’il y en aura : au-delà de Scream Queens à la rentrée, la chaîne spécialiser Chiller produit actuellement une série prévue avant la fin de l’année, et bien nommée Slasher ; sans parler du développement d’une nouvelle version pour Friday the 13th.
La tendance mourra-t-elle comme ses personnages : jeune, et par excès d’arrogance ? On le saura très vite.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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