Life is (beautifully) unfair

31 décembre 2015 à 18:41

Il vous souvient peut-être qu’il y a un an de ça, à peu de choses près, nous parlions de Nouvelle adresse, une série québécoise au fort potentiel émotionnel. Diffusée par la chaîne publique ICI Radio-Canada, elle a désormais son adaptation sur l’autre chaîne publique canadienne, anglophone cette fois, à savoir CBC. Prenant le nom (hélas un peu bateau) de This Life, cette version semble conforme en tous points… et pourtant.

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Dans cette adaptation, Nathalie Lapointe est devenue Natalie Lawson ; le principe est sensiblement le même : après une période de rémission, une femme découvre que son cancer l’attaque à nouveau… et que cette fois ses chances de survie sont très minces. Or, Nathalie/Natalie est mère célibataire de trois enfants, dont elle s’occupe seule depuis que le père a mis les voiles. Comment préparer les douloureux mois à venir… et comment penser aux suivants ?
En fait, dans This Life, on ne retrouve pas que le principe : de pilote à pilote, on retrouve aussi la plupart des scènes, filmées de façon très similaire. En fait This Life a poussé le mimétisme jusqu’à tourner à Montréal, et ses décors sont remplis de panneaux bilingues voire strictement francophones, comme pour mieux nous rappeler que ce qu’elle a, elle le droit entièrement à Nouvelle adresse. Cela fait quelques temps maintenant que j’ai vu le premier épisode de Nouvelle adresse, et pourtant j’ai l’impression de tout retrouver. J’ai même cru que l’équipe avait tourné exactement dans le même bureau du proviseur ! (mais non)

Et pourtant, quelque chose a changé. Car une fois que l’on dépasse les menus détails, ce qui fait l’essence de la personnalité d’une série, cela reste sa distribution.
This Life est l’expérimentation qui confirme que le casting fait toute la différence : sa Natalie est une femme qui, bien que d’un tempérament calme, a quelque chose d’une battante. C’est une force vive dont l’énergie se manifeste de façon mesurée, mais dont on ne peut pas douter qu’elle soit en effervescence à l’intérieur. C’est l’interprétation de Torri Higginson qui fait ce travail, et sûrement aussi un peu sa personnalité qui irradie involontairement ses réactions. Mais lorsque je repense à ce qui m’avait touchée dans Nouvelle adresse, la façon dont la Nathalie de Macha Grenon s’effaçait si volontairement au début de la série, et ce que cela portait de signifiant sur son combat à venir pour préserver ses enfants tout en les préparant à un avenir forcément tragique, je mesure le fossé qui sépare ces deux femmes pourtant conçues à partir d’un même canevas.
Je vous assure que c’est un sacré spectacle que d’assister à ces différences, d’en sentir les légères modification de texture. C’est tout de même une chose magnifique, la force d’un acteur.

Au moment du pilote, il est impossible de prédire si cela aura une influence sur le déroulement des évènements à venir. Écrit-on différemment pour Macha et pour Torri ? La seule présence d’une personnalité radicalement différente pour incarner le même personnage peut-elle infléchir différemment l’issue d’une série ?
A vrai dire ce n’est même pas la question : cette différence d’interprétation, qui se loge dans des nuances n’ayant rien à voir avec les dialogues mais plutôt avec la façon dont ils sont dit, rappelle tout l’intérêt d’une adaptation, et surtout de s’autoriser à découvrir une adaptation, même pour une série qu’on pensait connaître. Plus que la simple transposition dans une langue différente (ce qui est, rappelons-le, la raison essentielle de la plupart des adaptations en Amérique du Nord anglophone), le remake permet de jouer avec une palette de ressentis différents (serais-je plus triste pour la vie de Natalie, qui en déborde, ou pour celle de Nathalie, qui semble en avoir manqué ?). C’est une opportunité de comprendre quels choix ont été faits au moment de faire la série, d’en assembler les différents éléments ; au premier visionnage, ces choix semblaient évidents, comme découlant de l’histoire, mais non : il est possible de raconter la même histoire avec des nuances différentes, et ça se joue à rien ! C’est une chance, enfin, d’expérimenter les nuances possibles autour d’une même histoire.
Regarder This Life après avoir appréhendé Nouvelle adresse (peut-être parce que les deux séries sont écrites avec une démarche d’authenticité, aussi), c’est peut-être même s’autoriser à se rappeler que cette expérience du cancer, si elle peut être la même, varie pour chaque malade. C’est injuste. Mais là tout de suite, c’est aussi une très, très jolie expérience de téléphagie.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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