Bras droit

29 février 2016 à 23:00

Ancien majordome (de la série Soap, en fait), Benson DuBois est envoyé dans la maison du Gouverneur Eugene Gatling afin d’aider celui-ci à s’installer suite à son élection : il sera en charge de l’organisation de la demeure gouvernorale. Mais les compétences de Benson ne se limitent pas, loin s’en faut, à des tâches de supervision domestique ; qui plus est, Gatling a besoin d’aide bien au-delà de la gestion de son budget alimentaire. Voilà donc Benson DuBois devenu conseiller de fait dudit politicien.

Je ne sais pas pourquoi j’avais tant traîné avant de tester Benson. Peut-être parce que les quelques épisodes de Soap que j’avais vus il y a une éternité (sur Série Club il me semble ?) ne m’avaient pas laissé un souvenir indélébile. Pourtant j’aurais dû tenter le coup il y a des lustres, ne serait-ce parce que Niles dans Une Nounou d’Enfer fait plusieurs fois références à Benson (il faut dire qu’il ne regarde que les séries où le majordome est plus intelligent que son patron). Toujours est-il qu’on y est : j’ai finalement sauté le pas après une session studieuse en espérant me détendre avec un sitcom un peu vieillot, et je suis bien obligée d’admettre que, même si Benson m’a fait rire, elle m’a aussi surprise par son degré d’intelligence.

Dans ce premier épisode, Benson DuBois débarque donc dans la résidence gouvernorale, et rencontre les divers subalternes de Gatling, la fille de celui-ci, et finalement le Gouverneur lui-même, qui n’est pas une lumière.
Benson ne fait aucun mystère de sa réaction face à la découverte de la, hm, comment le formuler ? disons la simplicité charmante de son employeur temporaire. Loin de se contenter de faire des moues à l’attention du spectateur (ce qu’il fait aussi, ne vous méprenez pas !), il ne va pas hésiter à ouvertement railler son patron, mais aussi les employés qu’il ne prend pas forcément au sérieux. C’est vrai en particulier pour la cheffe Gretchen Kraus, qui cuisine pour les Gouverneurs de l’État à peu près depuis que le monde est monde et est donc, du coup, totalement indéboulonnable (elle est, accessoirement, la seule à savoir maîtriser les impressionnants dobermans qui hantent les pelouses de la maison gouvernorale). Il y a aussi John Taylor, le chef de cabinet méprisant et rôdé à la pratique de la politique politicienne, à propos duquel Benson a d’ores et déjà une opinion très claire. Fort heureusement tout n’est pas totalement désespéré : Marcy Hill, la secrétaire du Gouverneur, est une alliée précieuse, tout comme, de façon totalement inattendue, la fille de l’élu, Katie (qui doit avoir 10 ans à tout péter), et qui s’avère d’une grande précocité intellectuelle, même si pas forcément émotionnelle.
Dans tout ça, Benson a un peu du mal à avoir accès au Gouverneur Gatling lui-même, mais lorsque c’est le cas, il découvre un homme qui n’est pas brillant, certes, mais est cependant animé d’un désir de bien faire. Gatling souhaite mettre son mandat au service de ses citoyens, et il aura une conversation à cœur ouvert avec Benson en ce sens qui est vraiment saisissante, et mérite à elle seule que vous jetiez un oeil au premier épisode de Benson.

En fait c’est à cette conversation, et une ou deux autres similaires qui lui font suite, que ce pilote doit ses plus grands moments de bravoure. Benson est effectivement une série où l’employé de maison (et un employé noir, d’ailleurs) est plus intelligent que son patron. Mais il est très vite clair que Benson, s’il ne va pas remiser entièrement son talent pour le sarcasme, n’est pas là pour être cynique : sa critique se veut constructive, autant que faire se peut.
En fait, la raison pour laquelle il reste au service des Gatling après la période initiale de son embauche (il ne devait au départ qu’aider le Gouverneur à mettre sa maison sur les rails pendant une semaine) est qu’il a sincèrement envie d’aider Gatling à faire de son mieux, et que Gatling, sachant que son mieux est peu, a toute confiance en Benson pour faire avancer ses affaires. Les succès de Benson ne sont donc pas conditionnés par la façon dont il va mettre en valeur auprès des spectateurs sa supériorité intellectuelle en dépit de son infériorité sociale, mais au contraire, dépendent principalement de sa capacité à travailler de concert avec son patron, à écouter la fille de celui-ci quand elle a de bonnes idées (ça a l’air d’être souvent, si ce pilote est un indice), à faire équipe avec une assistante pleine d’énergie et de franchise, et à ne pas laisser les personnages négatifs entraîner le Gouverneur dans leur dynamique stérile. Et ça, c’est très fort pour une série qui se présente quand même comme un sitcom très classique par ailleurs.

Benson-650J’ai pas mis une photo de promo de la bonne saison parce que… DIDI CONN !

Par certains aspects, Benson me rappelle un peu Yes, Minister, avec son personnage décisionnaire pas très fin, et la mise en avant des dysfonctionnements ou freins d’un gouvernement encroûté dans les habitudes (notamment à travers les personnages de Taylor et Kraus qui tentent de préserver un certain statu quo). Mais ici, la dynamique de Benson, qui refuse ouvertement de se limiter à des moqueries sur un politicien pour au contraire lui donner les moyens de dépasser son incompétence, est une richesse unique.

Mais au-delà du propos sur la politique, Benson est aussi une série intéressante pour sa signification politique : il n’est pas anodin que le rôle-titre soit incarné par un homme noir. Et il faut en outre souligner, parce que ça me semble au moins aussi important, que Benson est une série qui a duré en tout 7 saisons (soit plus que Soap, la série qui lui a donné naissance), qui ont vu le héros passer d’un rôle subalterne domestique à un rôle de politicien : la série s’achève en effet alors que Benson DuBois s’est présenté aux élections gouvernorales face à son ex-patron Gatling, après avoir entretemps progressé dans l’organigramme, faisant en somme l’acquisition d’un statut qui correspond de plus en plus à ses compétences réelles. Alors certes, on parle d’un gouvernement local ici, c’est pas encore la Maison Blanche, mais Benson date quand même de 1979. Et même si la question raciale n’est pas nécessairement explicitée (le premier épisode offre un commentaire, sûrement le premier d’une longue liste, à ce sujet, lorsque le Gouverneur s’empresse de saluer Benson qu’il a pris pour le révérend Jesse Jackson… parce qu’il est le seul noir sur son agenda cette semaine-là), elle est réelle, et significative.

Vous l’aurez compris, Benson a fait forte impression sur moi, peut-être en partie parce que lorsque je l’ai lancée je m’attendais à une série assez anecdotique, mais surtout parce que son écriture est attentive, et son propos mûrement réfléchi. Il ne s’agit pas simplement de faire rire pour meubler une case horaire à peu de frais (je vous assure que je fais tous les efforts du monde pour ne pas vous donner le nom de sitcoms modernes qui pourraient en prendre de la graine ! Vraiment, ça me coûte de ne pas jeter un regard en biais à The Big Bang Theo-… ooops). Ce sitcom en a dans la caboche et c’est un délice de le regarder.
En fait le coup de foudre est tellement intense, qu’en prévision je me suis mise en quête de l’intégrale des 7 saisons en DVD

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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