Finnish Gothic

18 avril 2016 à 10:00

Difficile de décrire Lola Uppochner à qui ne l’a pas vue. Disons que c’est avant tout une expérience. La démarche de la série est à mille lieues de la fiction nordique policée qui nous parvient si souvent ; l’esthétique oscille entre le macabre et l’absurde, les scènes très courtes se succèdent, la musique donne un côté lunaire ou ridicule à l’ensemble, et on n’est pas toujours très sûr de là où on met les pieds.
Mais c’est aussi ce qui fait foncièrement le charme de cette étrange série finlandaise.

LolaUppochner-SeriesMania-650

Ca Bäck vit à Flatnäs, une petite ville où le seul espoir de développement vient du tout nouveau centre commercial sur le point d’être inauguré ; adolescente à l’esprit indépendant et à l’intelligence aiguë, Ca n’est cependant pas émue pour si peu. Ce qui l’intéresse, c’est surtout de passer du temps avec Ib, son beau-père, un artiste anglophone qui l’embarque dans des projets de performance, parle pendant des heures de processus créatif, ou lui raconte ses transes spirituelles avec des oiseaux. Dans le moulin familial vivent aussi sa mère Ulrika, une poète, et sa sœur Anita, désormais rivée à son fauteuil roulant à cause d’une maladie dégénérative. Mais même si ce n’est pas tous les jours très simple (et que la très snob Minnie Backlund lui casse souvent les pieds), Ca est une jeune fille heureuse, et équilibrée. Du moins, elle a su en convaincre Martin, l’administrateur de la ville avec lequel elle entretient une relation secrète.

Mais tout cela bascule lorsque le pourtant si fiable Ib perd le contrôle pendant une performance publique. Son comportement erratique pousse la police à le faire interner ; et lorsqu’il sort de l’hôpital le jour de Noël, les choses ne se sont arrangées qu’en apparence…
La vie de Ca est changée à jamais.

Au-delà de ce sujet en apparence simpliste, Lola Uppochner, c’est pour l’essentiel une succession de pastilles mettant en scène tantôt Ca, tantôt des habitants de Flatnäs. Certaines scènes sont profondément morbides (d’autant qu’une autre adolescente est morte récemment, et que son deuil préoccupe encore toute la bourgade), d’autres oscillent à l’extrême opposé du spectre. Parfois Ca se suspend aux paroles d’Ib pour l’écouter parler pendant une longue scène, parfois on voit deux hommes danser dans les locaux de la mairie, parfois on a droit à une séquence de rêve d’Anita qui voudrait avoir de nouveau l’usage de ses jambes et que toutes les autres ados du marching band local tombent raides (…littéralement).

L’étrangeté semble régner et pourtant tout fait sens, l’air de rien. Lola Uppochner a beaucoup à dire sur ce microcosme sexiste, ou bien sur la démarche artistique, ou encore sur le deuil. Elle a envie de parler du cynisme de certains, et de l’innocence difficile à préserver d’autres. C’est une série qui déborde de thématiques et qui, pour cela, a trouvé la structure et la réalisation qu’il lui fallait. Tant pis si ce n’est pas exactement de la série prête à consommer.

Je n’ai eu le temps de voir que le premier épisode de Lola Uppochner. Je regrette déjà un peu de n’avoir pas de temps pour le second, car ce n’est pas le genre de série qui voyage facilement jusqu’à nous (déjà que la Finlande n’est pas exactement dans la ligne de mire de la plupart des diffuseurs français…). C’est une expérience, oui ; et une expérience que j’aurais voulu pouvoir renouveler aux côtés de sa formidable héroïne, Ca.
Mais parfois il faut savoir faire son deuil, n’est-ce pas ?

par

, , ,

Pin It

Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.