Le ciel n’est pas bleu pour tout le monde

19 avril 2016 à 10:00

Springfloden commence sur une mort atroce ; près de 20 années plus tard, elle n’est toujours pas élucidée, et une jeune femme en école de police décide de rouvrir le doss-…. STOP ! On arrête tout, on recommence.
Springfloden a une intrigue policière en son centre, c’est l’évidence. Mais elle n’est pas que cela, et c’est ce qui se passe autour de cette enquête qui a de la valeur. Une valeur immense, et rare. Progressivement, le premier épisode de Springfloden va reléguer cette intrigue de meurtre au second plan, et s’intéresser au quotidien de SDF suédois avec brio. Et c’est de cela dont j’ai envie de vous parler aujourd’hui.

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Au-delà de l’obsession de son héroïne Olivia Rönning pour la réouverture du dossier criminel (qui est sordide : une femme enceinte a été enterrée dans le sable sur une plage, et c’est la marée qui a fait le reste), motivée par les souvenirs qu’elle a de son propre père travaillant sur cette même affaire deux décennies plus tôt, Springfloden s’intéresse à une vague d’agressions contre des populations marginales de la ville. Deux jeunes cagoulés sévissent en effet depuis quelques temps, qui attaquent spécifiquement les SDF, aussi bien dans des lieux publics que dans leur habitation de fortune. Le comble du mauvais goût est atteint quand il apparaît qu’ils se filment pendant qu’ils commettent ces exactions.
Toute l’abomination de Springfloden, pourtant, n’est pas entièrement contenue dans ces simples faits. Non, ce qui achève de rendre malade, c’est la façon que les SDF ont d’être seuls avec ces problématiques. Avec TOUTES leurs problématiques, d’ailleurs : le manque d’argent, les moyens de subsistance, la nourriture… et donc cette violence en sus.

Le premier épisode de Springfloden tape durement sur le moral parce qu’il repose sur la juxtaposition (en apparence sans lien) de ces deux intrigues.
A l’intérieur de ces intrigues, le contraste s’accentue encore. Olivia est fille de flic, et n’a aucun problème pour poser des questions à d’autres policiers, pour entrer dans les locaux de la police sur la simple présentation de son sourire, pour s’adresser à la cheffe des affaires criminelles qu’elle ne connaît même pas, pour essayer, certes avec un peu de culot, mais toujours bien reçue, de remuer un peu cette affaire qui la passionne. A l’inverse, il est douloureux d’observer combien les SDF sont seuls avec leurs soucis. Ils vendent des magazines et s’organisent entre eux pour s’entraider et partager les points les plus lucratifs de la ville. Ils se soutiennent moralement, se témoignent de l’affection, sont les seuls à remarquer que des SDF existent dans la ville. Ils sont, aussi, rudement refoulés par les autorités (la scène où Vera est mise à la porte de l’hôpital où elle visitait un ami victime d’une agression anti-SDF est parlante). Les SDF n’ont que leur communauté sur laquelle compter, simplement parce qu’ils vivent en marge. Ce que Springfloden décrit (certes en creux) de la spirale de marginalisation est révoltante.
Ce contraste va se loger jusque dans des détails, comme par exemple le fait que Vera ait pour tout repas une boîte de sardines, quand Olivia donne négligemment une boîte identique à manger à son chat (…qui, trop difficile, refuse de manger les sardines). Il y a clairement dans Springfloden ceux qui existent au grand jour, avec tous les privilèges imaginables qui pourtant semblent tomber sous le sens, et les autres.
Observer Springfloden sous cet angle est fascinant, car peu de séries s’y essayent, surtout avec autant d’humanité. Le personnage de Vera, la SDF que l’on voit le plus dans ce premier épisode, est d’ailleurs un mélange de qualités touchantes et de défauts brouillons. Ce que prépare la fin de l’épisode sur cette intrigue (notamment par rapport aux deux ados agresseurs) laisse augurer de développements puissants pour la suite.

Il faut aussi ajouter que Springfloden n’est pas, visuellement, le type de séries scandinaves que l’on importe d’ordinaire. Elle est pleine de verdure, de ciel bleu, de couleurs vives, il y a même des chants d’oiseaux (ce sont souvent les scènes avec Olivia qui s’avèrent les plus démonstratives dans ce domaine, naturellement). La bonne humeur quasi-constante d’Olivia, en outre, tranche radicalement avec les personnages plus austères d’intrigues policières similaires dans d’autres séries. J’ai tendance à penser que cela ne fait qu’accentuer la fracture entre la position d’Olivia et celle des SDF comme Vera, et je trouve donc que ça joue en faveur de la série et de son discours sociétal.

Elle est donc pleine de qualités, cette Springfloden. Je n’ai pas encore compris les motivations qui ont poussé ses scénaristes Rolf et Cilla Börjlind à juxtaposer les deux intrigues pour le moment (celle d’Olivia, l’ai-je mentionné ? me désintéresse totalement à l’heure actuelle). Cela peut signifier que la série est très inégale, ou au contraire que son plan sur le long terme est particulièrement fin.
Pour s’en assurer, devinez quoi ? Il faudrait qu’elle passe en France.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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