Honesty doesn’t run in the family

23 avril 2016 à 12:00

Arrivée quasiment au terme de Séries Mania (je vous rassure, j’ai encore plein de choses à vous rapporter de mes aventures téléphagiques !), j’ai un peu l’impression de vous avoir beaucoup parlé de séries qui n’étaient pas projetées, et ça me déconcerte un peu. Il faut dire que je me suis ruée avec un appétit insatiable sur les séries proposées en visionnage uniquement pour les accrédités, parce que j’ai conscience que la plupart d’entre elles ne repasseront jamais par la France, ni sur un de mes écrans, à plus forte raison si l’on tient compte du problème des sous-titres. J’ai confusément le sentiment qu’il faut un peu que je m’en excuse : même si j’ai aussi parlé de séries projetées publiquement, je vous ai serinés avec des productions obscures. Certes vous ne seriez pas là si vous vouliez lire des reviews sur The Big Bang Theory, hein, on le sait tous, mais voilà : mes excuses. Je sais combien c’est frustrant que je ne fasse pas spécialement dans l’abordable pendant cette édition de Séries Mania.

En cause ? Eh bien, honnêtement, j’ai aussi l’impression que les choix du festival jouent leur rôle. Je pense n’avoir jamais autant pensé que Séries Mania devrait diversifier ses séances que cette année ; et à voir les séries réservées aux professionnels, je constate que ce n’est pas seulement un problème d’accès, mais un véritable choix éditorial que de restreindre nos découvertes. Et comme vous le savez, restreindre les découvertes, c’est un peu aux antipodes de ma démarche.

Ces excuses ayant été faites, il me faut avouer que j’ai encore plein de séries dans ma besace dont je veux vous parler, et qui, là encore, n’étaient disponibles que pour les personnes munies d’un badge magique. Aranyélet, une série hongroise de HBO Europe, est dans ce cas. Je vous l’ai mentionnée plus tôt cette semaine, d’ailleurs : il s’agit de l’un des nombreux remakes mis en branle par la branche européenne de HBO afin d’asseoir sa marque dans la région. Les séries de HBO Europe n’ont pas toujours l’originalité qu’on trouve en Amérique du Sud ou en Asie (où, pour le moment, les remakes sont inexistants), mais elles suivent le cahier des charges estampillé HBO et demeurent des réussites en termes, a minima, de production. Ce qu’on n’y trouve pas d’innovant est en tous cas solide, en somme.
Aranyélet, par chance, est l’adaptation d’une série finlandaise que ni vous ni moi n’avons vue, ce qui permet de l’aborder avec un regard plus neuf que pour les remakes de Mammon qu’on évoquait plus tôt cette semaine.

Alors laissez-moi vous embarquer en Hongrie, pour ce qui est, d’ailleurs, ma toute première review de pilote hongrois. J’ajoute, amis téléphages, que cette publication est doublement un temps fort pour moi, puisqu’elle marque la 1000e review de pilote de séries publiée dans ces colonnes…

Aranyelet-SeriesMania-650

La famille Miklósi vit au cœur d’un quartier pavillonnaire très cossu, et plus précisément dans une villa moderne richement décorée. Derrière le faste se cache pourtant une réalité soigneusement masquée : le petit clan vit en fait bien au-dessus de ses moyens.
Seul le patriarche, Attila (dit « Atti »), ramène de l’argent au foyer… et il n’a même pas de travail.
Alors comment peuvent-ils se loger dans un endroit aussi huppé ? Tout simplement en se reposant sur un système fait de coups foireux en tous genres. Ainsi, Atti joue-t-il les agents immobiliers grâce à un art consommé du déguisement : il contacte des locataires potentiels, leur fait visiter un appartement, se fait payer les 3 premiers mois d’avance en cash… et disparaît rapidement dans la nature alors qu’il vient en fait de leur louer un appartement déjà occupé (surpriiiise !). Attila a également la possibilité de réaliser un peu de trafic grâce à un ami de la famille, Endre, qui mène un business pas toujours très propre et lui confie parfois de « petites courses » à la dangerosité aléatoire, mais rentables. Enfin, notre père de famille a également développé toutes sortes de techniques pour se faire de l’argent facile ; on le voit par exemple dans le premier épisode aller voir un ami garagiste qui lui confie un double de clés d’une voiture récemment réparée, qu’il n’a plus qu’à aller voler aux propriétaires ! Et même si toutes ces combines ne suffisent pas à assumer les dépenses du ménage, il y a toujours la possibilité de graisser la patte d’un employé de banque pour qu’il ferme les yeux sur les mensualités de la famille ; Atti paye donc régulièrement des avantages en nature, telles que des vacances tous frais payés dans les Alpes, à l’employé de banque complaisant Imre Strasszer. Ça fait un peu chier de payer des vacances à ce connard, mais c’est mieux que l’alternative.

Mais même comme ça, les cordons de la bourse étranglent un peu la famille Miklósi. Il faut dire que l’épouse d’Atti, Janka, est obsédée par son statut social. En outre, dans le premier épisode, son anniversaire approche et elle a fait promettre à Atti de lui offrir une Mercedez, excusez du peu. Janka est quelqu’un d’assez mesquin, qui, quand elle n’obtient pas ce qu’elle veut, n’hésite absolument pas à se venger, comme sa voisine pourra le constater dans ce premier épisode (Janka fait un raid nocturne dans le jardin de sa voisine, armée d’un sécateur…). Márk, leur fils aîné, est fait du même bois ; ses astuces sont moins abouties que celles de son père, et concrètement on peut dire qu’il y a une part de jeu adolescent dans sa façon de resquiller, mais il est clair qu’il est plein de ressources, et a hérité au moins en partie des goûts de luxe de sa mère. En ce moment, sa priorité, c’est de passer le permis ; malheureusement il échoue pour la 4e fois, et apprend qu’en réalité il faut graisser la patte de l’inspecteur pour avoir une chance d’obtenir le précieux sésame. Étant donné son obsession pour les voitures, Márk n’est pas près de s’arrêter à ce détail…
Dans ce panorama, la seule exception semble être leur jeune fille Mira, une adolescente sage, bosseuse et réservée, qui est d’ailleurs la seule à manifester de l’intérêt pour ce qui arrive à d’autres membres de la famille, et sur laquelle reposent certaines responsabilités domestiques (dans le pilote, elle sert une pizza parce qu’elle n’a jamais appris à cuisiner, mais aussi parce que le dîner est sa responsabilité).

Aranyélet ne veut pas raconter les petits larcins et les grosses escroqueries, toutefois. La série s’intéresse au contraire à Atti alors qu’il souffre de plus en plus de ses choix de vie. Des choix qui ont causé une grande fracture entre son propre père et lui ; or, son père décède au cours de ce premier épisode, et ses derniers mots sur son lit d’hôpital seront de renier Attila, honte de la famille.
La série a toutefois à cœur de ne pas nous laisser penser que ce seul évènement est à l’origine des doutes d’Atti : il parle souvent, par exemple à Janka qui ne l’écoute pas vraiment, de ce qui se passerait s’il était pris, et qu’il devait faire de la prison. Dans le premier épisode, il vit aussi un moment d’effroi, lorsqu’une visite d’appartement de routine tourne mal : le propriétaire de l’appartement est rentré trop tôt (s’en suit une brève course-poursuite dont Attila se tire, mais pas sans quelques bleus et une grosse frayeur). Pour finir, il se demande si la fatigue, en particulier nerveuse, ne va pas finir par lui faire commettre une erreur potentiellement fatale…

Il apparaît donc que le besoin de changement d’Atti est profond, motivé par de nombreux facteurs, et commence à se faire urgent. Après avoir refusé une mission obscure mais lucrative d’Endre, il confie donc à Janka son intention de raccrocher la moustache factice… or ce n’est pas quelque chose que Janka est prête à entendre.

Ce n’est pas non plus quelque chose qu’il a le temps de communiquer à Márk. Celui-ci a secrètement accepté la mission qu’Attila a refusée à Endre, et il est sur le point de découvrir pourquoi ce genre d’expédition paye bien : c’est hautement dangereux, bien-sûr ! L’adolescent est bon pour une dose massive de sens des réalités.

Honnêtement, la majeure partie du premier épisode d’Aranyélet m’a décontenancée : on ne comprend pas très bien à quoi rime cette succession de coups de la part d’Atti, de mesquineries de la part de Janka, de démonstration d’arrogance de Márk, et encore moins les quelques scènes de Mira-la-gentille-en-toutes-circonstances. Aucune idée si c’est dans le premier épisode de la série finlandaise d’origine, Helppo Elämä. En tous cas on se demande où veut en venir la série, jusqu’à ce que, naturellement, l’accumulation prenne du sens dans le cas d’Attila, et qu’on comprenne que c’est son passage du côté légal de la Force qui va avoir des conséquences sur tout le monde (a priori, on peut en conclure que Mira sera plus satisfaite que les autres !).
Les dernières scènes sont en revanche d’un tout autre niveau. On ressent la poussée d’adrénaline de Márk, qui se transforme, quand tout cela tourne au vinaigre, en énorme panique. On comprend qu’Atti raccroche les gants un peu trop vite vu qu’il faudra gérer les conséquences de la mission de l’adolescent. Et on comprend sans peine, parce que vraiment pour le moment le personnage ne sert qu’à ça, que Janka ne va pas se laisser mettre au régime (financièrement, j’entends) sans broncher. Si les épisodes suivants d’Aranyélet sont capables d’un meilleur équilibre entre les tons et les rythmes, ce qui n’est sûrement pas exclu vu qu’on n’a ici qu’un épisode d’exposition, la série peut s’avérer truculente.

J’apprécie en outre que ce drama (lequel est doté de quelques pointes de dramédie, qui jouent plus sur de cruelles ironies que de vrais gags, mais reste quand même assez sombre) ait la latitude suffisante pour critiquer aussi tout une galaxie de problèmes : les Miklósi, certes, vivent au-dessus de leurs moyens, mais ils existent aussi dans un système. Et entre Endre (patron d’une entreprise qui sert de couverture à ses deals foireux), le banquier Strasszer (qui prouve que même les banquiers s’achètent), et l’inspecteur du permis de conduire (dont la corruption est apparemment une vérité universelle en Hongrie, si j’en crois les dialogues), le consumérisme et la cupidité sont des traits loin d’être exclusifs à nos héros… c’est jusque que ces derniers considèrent que la fin justifie les moyens. Ce n’est pas uniquement parce que la famille Miklósi veuille absolument vivre de larcins et de plans malhonnêtes.

Encore une fois, pardon de vous parler d’une série que vous ne verrez probablement jamais ; je sais que même moi, ça m’a un peu attristée : j’aurais vraiment voulu pouvoir juger Aranyélet sur la longueur. Il n’empêche que pour une première série hongroise, je suis conquise ; en plus l’image est vraiment soignée (il y a un survol du quartier des Miklósi au début de l’épisode de toute beauté, par exemple), preuve que la série ne porte pas le label HBO pour rien.
Mais fréquenter un festival comme Séries Mania, c’est aussi apprendre à vivre avec la frustration, après tout…!

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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