Une épouse peut en cacher une autre

13 juillet 2016 à 20:57

On est en 2016, et jusqu’à ce mois de juillet, aucune chaîne sud-coréenne n’avait jamais commandé de remake de série américaine. Il n’y avait qu’une seule femme capable de changer cela : Alicia Florrick a réussi à faire plier la télévision de la péninsule. Depuis quelques jours, les spectateurs de la chaîne câblée tvN goûtent donc l’amère trahison vécue par Hye Kyung Kim, épouse bafouée et avocate.
Bienvenue à la nouvelle Good Wife.

Est-ce que je vous fais l’affront de présenter l’intrigue ? Voilà qui ne me semble pas vraiment nécessaire, d’autant que Good Wife reprend assez fidèlement l’introduction des situations et des personnages pratiquées par son modèle américain. De façon assez surprenante, par exemple, dés le premier épisode, il est clairement établi que Dan Kim est bisexuelle, ce qui est intéressant parce que les personnages LGBT ne sont franchement pas légion à la télévision sud-coréenne. Bref, on y retrouve vraiment l’essentiel.
…Et un peu plus. Il n’était pas absolument nécessaire par exemple que Dan Kim porte un blouson en cuir, et pourtant c’est le cas (pas de mini-jupe cependant), et rien ne forçait Myung Hee Seo à arborer un carré élégant. Objectivement, ces éléments ne font pas partie de l’identité de la série originale, ce sont des choix stylistiques indépendants du cœur de The Good Wife, bien qu’ils puissent sembler emblématiques pour ses fans a posteriori. Ces détails, comme des clins d’œil, sont présents dans Good Wife, pas vraiment traités comme des gimmicks imposés, mais fonctionnant presque comme des hommages à The Good Wife. Parce qu’on sait qu’on est dans un remake, et qu’on ne cherche à tromper personne.

GoodWife-Wives-650Cependant, comme souvent dans le cas d’adaptations, et plus encore si elles sont réussies (spoiler alert : c’est le cas ici), ce qui compte dans la nouvelle version, c’est moins les ressemblances que les petites différences. Celles-ci se divisent en deux catégories.
Il y a des modifications qui naissent de l’adaptation elle-même : la Corée du Sud et les USA, newsflash, c’est pas pareil ! Le monde du travail sud-coréen est plus hiérarchisé, plus codifié que son homologue américain, par exemple, et dans Good Wife, les premiers jours de Hye Kyung dans son nouveau cabinet la montrent encore plus docile, effacée et hésitante que dans la série originale. D’ailleurs ce changement culturel implique une légère modulation du personnage qui ne fait qu’ajouter aux perspectives d’évolution de notre épouse modèle, c’est enrichissant au bout du compte. Parmi ces changements dus au déménagement, on trouve aussi les décisions prises pour coller aux attentes du public coréen en matière de structure : le premier épisode de Good Wife comporte donc les quasi-incontournables flashbacks, ce qui à ma grande surprise fonctionne très bien alors que pourtant le procédé est usé jusqu’à la corde. On accompagne ainsi Hye Kyung Kim le jour de la découverte du scandale, avec une scène ajoutant un peu superficiellement du suspense (son mari l’appelle depuis sa voiture, et lui demande de n’ouvrir à personne et de ne pas parler aux journalistes, sans lui expliquer ce qui se passe), et clairement ce choix a été fait pour susciter l’empathie. Tout cela est totalement logique de mon point de vue, quand bien même il peut désarçonner quiconque s’attendrait à une copie conforme.
Et puis… eh bien, il y a les changements qui tombent un peu d’on-ne-sait-où ; très franchement, je n’y suis pas opposée, par contre je voudrais juste comprendre le raisonnement derrière. Le plus impressionnant à mon sens est que dans Good Wife, le cabinet où Hye Kyung Kim commence sa carrière d’avocate est co-géré par Joong Won Seo et Myung Hee Seo, qui sont… frère et sœur. Oui, c’est exactement ce que vous avez compris : en Corée du Sud (peut-être pour justifier le fait qu’il n’y ait jamais l’ombre d’un rapport amoureux entre eux ?), Will et Diane deviennent membres de la même famille. Comme je le disais, on ne peut pas parler de transgression, cela étant je veux bien qu’on m’explique le comment du pourquoi, par curiosité.
Je termine avec mon changement préféré : le personnage de David Lee (qui a conservé le même nom dans la version sud-coréenne, comme c’est délicieux). David Lee vous le connaissez par cœur, c’est un manipulateur, un ambitieux, et à l’occasion un véritable connard. Bref, à l’échelle de la série, il est quasiment l’incarnation du Diable. Eh bien, dans le premier épisode de Good Wife, le David Lee coréen se présente pour la première fois dans la série… comme ça :

Mouarf. En fait il expliquera qu’il joue dans une pièce de théâtre… Inutile de préciser que c’est le genre de clin d’œil qui m’a fait pouffer bruyamment et que du thé m’est sorti par le nez (ce qui est moyen pratique vu qu’en ce moment je consomme mes séries dans mon lit…). Bon, à ce stade, il semble gravé dans le marbre que David Lee a été transformé en comic relief, mais comme les dialogues m’ont semblé ne pas être trop lourds, ça peut être une meilleure chose que prévue.
Il me faut en outre préciser qu’à ce stade, la version sud-coréenne n’a pas d’Eli, lequel était à mon sens le personnage le plus drôle de The Good Wife. Il fallait bien compenser quelque part. En soi le choix ne choque donc pas, il est juste marrant.

Mais au-delà de l’exercice de comparaison sur un épisode, forcément tentant en matière de remakes (mais plus encore lorsque, comme ici, il s’agit d’une grande première pour un pays tout entier), ce qui m’intéresse dans Good Wife, c’est comment l’adaptation va gérer la suite.
Pour le moment elle a suivi de près son modèle, mais elle va tôt ou tard devoir prendre une décision pour une raison toute bête : très peu de séries sud-coréennes ont plusieurs saisons (certes, cela a tendance à se produire un peu plus souvent sur la câble et notamment sur tvN, justemment : Vampire Geomsa en a deux par exemple, Shinui Quiz est allée jusqu’à quatre). Mais il n’y a aucune garantie que Good Wife vive plus d’une saison et si elle est écrite et produite comme toutes les autres séries coréennes, normalement la fin de saison est plus ou moins bouclée, à défaut d’être déjà dans la boîte.
En outre il faut rappeler que les séries sud-coréennes sont extrêmement feuilletonnantes : le procédural n’existe presque pas. Ce qui est donc quasi-certain, c’est qu’on ne va pas avoir d’épisodes « meublant » la saison avec uniquement des affaires judiciaires, comme ça peut être le cas pour une série américaine.

Alors que va-t-il se passer ? Devant elle, plusieurs options : accélérer le mouvement pour essayer de couvrir plus d’intrigue de la série originale (cela impliquerait de s’intéresser plus au relationnel qu’aux affaires elle-même ; comme, oh, disons, je sais pas moi, un triangle amoureux peut-être ?), ou au contraire, et de façon plus radicale, bifurquer totalement du modèle sud-coréen et vraiment tenter le procédural, et tenter d’obtenir des prolongations. Après tout, Good Wife est le premier remake de série américaine, à ce stade rien ne l’empêche d’innover sous couvert de suivre le cahier des charges original.
Bref je suis curieuse, et pour être honnête… j’ai sciemment essayé d’éviter les articles sur le sujet, afin de ne pas trop lire de news où cela aurait pu être expliqué. Je tiens à le découvrir par moi-même. A peine deux mois après la disparition de The Good Wife des écrans américains, qui pourrait me reprocher d’essayer de faire durer le plaisir ?!

Quant aux remakes sud-coréens de séries US ? Eh bien maintenant que les vannes sont ouvertes, pourquoi s’arrêter là ! On parle d’un potentiel remake de Criminal Minds, par exemple. Plus ferme : à l’automne, une version locale d’Entourage démarrera… également sur tvN. La chaîne pionnière de la fiction câblée sud-coréenne fêtera alors ses 10 ans d’existence. Chouette cadeau d’anniversaire que de s’ouvrir de nouvelles portes.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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