Opération Espadon

17 août 2016 à 12:00

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Après avoir parlé de séries dramatiques dans les reviews précédentes de cette semaine Beat Story, tournons-nous aujourd’hui vers la comédie. Car oui, même le travail fastidieux de la patrouille de police peut être drôle ! Voire même surtout.

Dans les années 60, le sitcom est en effet en train de se transformer ; là où régnaient en maître les comédies dédiées à la famille et au monde domestique, se développent de plus en plus des séries s’intéressant des contextes variés. Oh, il y a bien-sûr, et il y aura probablement toujours, des comédies sur la vie de couple ou les déboires de parent ! Mais progressivement pendant la décennie, des séries comme The Andy Griffith Show (sur un shérif), Get Smart (sur un espion), The Munsters et The Addams Family (sur des créatures étranges), Green Acres (sur la vie à la campagne), Ma Sorcière Bien-Aimée et I Dream of Jeannie (sur des êtres dotés de pouvoirs magiques), ou encore Gilligan’s Island (sur des naufragés), pour ne citer qu’elles, incorporent des éléments plus imprévisibles, tout en préservant un ton familial bon enfant garantissant que ces séries seront vues par tous.

Au beau milieu de cette tendance naît Car 54, Where Are You?, une série qui est la définition-même d’une buddy comedy : elle met en scène les officiers Toody et Muldoon, deux partenaires patrouillant dans la même voiture (portant le n°54, donc).

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Pourtant, quand commence Car 54, Where Are You?, il n’y a pas d’uniformes ni de voiture de police. Toody et Muldoon se préparent par un beau matin à aller pêcher : Toody fait son possible pour partir au petit matin sans réveiller sa femme, et Muldoon, au pied de son immeuble, klaxonne comme un beau diable parce que son ami est en retard. A ce stade rien ne manifeste que ces personnages sont des flics (à part, oui, le générique qui a précédé, je vous l’accorde ; d’ailleurs il est délicieux), il s’agit juste d’un homme tentant de se faufiler hors de la maison pour éviter son dragon d’épouse, qui d’ailleurs quand elle réalise que Toody est en train de se faufiler hors de la maison, ne manque pas de rouspéter, comme tant d’épouses de comédies à son époque.
Ce qui apparaît ici, c’est surtout la personnalité de Toody, un type un peu gaffeur, débonnaire, bien décidé à profiter de la vie sans trop réfléchir. Faisant le pied de grue près de la voiture, Muldoon n’a pas autant de matériel, mais il se pose déjà comme plus raisonnable en essayant de faire dépêcher son copain retardataire.

A ma grande surprise, la scène suivante n’a toujours pas envie de s’intéresser au boulot de ces deux zouaves. Tournée sur un véritable plan d’eau, elle montre les deux amis à la pêche, devisant de tout et de rien. C’est le passage d’un beau yacht probablement en route pour aller pêcher l’espadon, une perspective qui fait rêver Toody et Muldoon sur leur petite barque en bois avec leurs modestes cannes à pêche qui attrapent du menu fretin. Or, à bord du yacht se trouve en fait un de leurs collègues, Dennis O’Hara, qui a sûrement emprunté le bateau à son beau-frère. Toody se met immédiatement en tête d’aller demander à O’Hara de pouvoir à son tour emprunter le yacht pour aller pêcher l’espadon.
L’air de rien près de 15% l’épisode s’est déroulé et on n’a toujours pas mis les pieds au commissariat, mais je vous rassure, ça va changer.

Obnubilé par cette histoire d’espadon, même une fois retourné au travail le lendemain, Toody va essayer de convaincre Muldoon d’aller demander à O’Hara de se faire prêter le yacht par son beau-frère. Devant le refus de ce dernier, Toody persuade Muldoon de changer de tactique : s’ils rendent des services à leur collègue, celui-ci n’aura pas d’autre choix que de leur renvoyer l’ascenseur en demandant à son beau-frère l’accès à ce fichu bateau. Les deux partenaires multiplient donc les tentatives, mais elles aboutissent toutes à des conséquences pour O’Hara, dont la femme se met à penser qu’avec cette soudaine popularité de soi-disant collègues dont elle n’a jamais entendu parler, son mari cache peut-être une maîtresse. Deuxième personnage féminin de la série, deuxième scène de ménage, au passage.
Autant d’étapes qui font encore trainer l’épisode en longueur, essentiellement parce que bien que faisant doucement sourire, elles manquent de piquant.

Le véritable intérêt de ce premier épisode de Car 54, Where Are You? ne se révèle qu’en suite. De guerre lasse, O’Hara vient supplier le tandem de surtout, surtout arrêter de l’aider, il va demander le bateau à son beau-frère. Problème, le seul jour où l’engin est disponible n’est pas le jour de repos hebdomadaire de Toody et Muldoon. Ils vont donc aller demander à un collègue d’échanger leur jour de congé, mais vont finir par en fait modifier tout le planning du commissariat. Or, le commandant est tout content de son tableau flambant neuf sur lequel il refuse la moindre rature…
Quand finalement Toody et Muldoon ont réussi à procéder à tous les échanges, ils s’aperçoivent qu’ils ne peuvent toujours pas aller pêcher car le bateau est en fait disponible le jour où ils sont de corvée « traffic court » : toutes les contraventions qu’ils auront données pendant la semaine écoulées seront entendues au tribunal en leur présence ce jour-là exactement. Ils vont donc tenter de recevoir une mission les exonérant de leur quota de contraventions cette semaine, mais quelqu’un doit les remplacer… et rebelotte que je vais voir tous les flics du commissariat un par un pour leur demander de changer le planning.
Cette succession de petits arrangements est vraiment hilarante. L’épisode prend du rythme, et présente une galerie fugace de personnages variés (le joueur invétéré, le Narcisse bodybuildé…) qui égaye vraiment l’ensemble. J’ai d’ailleurs été agréablement surprise, vu l’époque, de constater que ce commissariat est très cosmopolite. Tout cela se concluant, ça va de soi, par de nouvelles modifications apportées au sacro-saint tableau du commandant. Et les ennuis ne sont même pas finis !

Car 54, Where Are You? part ainsi d’une intrigue n’ayant rien à voir avec le Schmilblick (une sombre histoire d’espadon) pour finalement semer doucement la zizanie au poste de police… mais en insistant plus sur l’absurdité de l’enchaînement de situation plutôt que sur des gags faciles. Ce qui me va très bien. En outre, le côté enfantin de Toody face à l’asperge placide qu’est Muldoon (après tout on parle de Herman dans The Munsters !) fonctionne très parfaitement pour justifier les décisions prises par les personnages, sans leur faire porter le poids de tout l’humour de l’épisode. Il faut aussi préciser qu’on sent vraiment que les personnages sont amis, pas juste collègues, et que ça rend tout de suite leurs interaction fluides et chaleureuses.
Malgré le démarrage lent, Car 54, Where Are You? s’avère être une chouette comédie policière. Évidemment elle a pris de l’âge, mais elle se déguste encore avec plaisir, et rend la vie d’un commissariat tendrement absurde…

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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