Laver l’uniforme sale en famille

21 août 2016 à 12:00

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Retournons à New York où Car 54, Where Are You? nous avait emmenés plus tôt cette semaine, pour notre dernière journée de cette semaine thématique. On va y trouver Brooklyn South, une courte série d’une saison qu’on doit à des noms plutôt rassurants lorsqu’il s’agit de fiction policière : Steven Bochco, David Milch, Bill Clark et William M. Finkelstein. Conçu comme un pendant en uniforme à l’univers de NYPD Blue (qui en était dépourvu), Brooklyn South s’intéresse à la vie d’un commissariat dans un quartier de Brooklyn, et quand je parle de commissariat, ce n’est pas par hasard car comme vous allez le voir dans cette review du premier épisode, l’accent est moins mis sur ce qui se passe dans les rues que sur l’activité interne de la police.

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Pourtant Brooklyn South avait commencé comme cent autre séries de son genre (…si tant est qu’il en existe une centaine, ce qui reste à vérifier). A l’heure de commencer leur journée, les flics du 74th Precinct étaient arrivés au poste, avaient enfilé leurs uniformes, s’étaient présentés en salle de briefing pour recevoir leurs instructions. La routine, quoi. Vous la connaissez. Quasiment toutes les séries se font un devoir d’en décrire les modalités à peu de variations près (par exemple les policiers de Brooklyn South font leur briefing debout et au garde à vous, quand ceux de Southland une décennie plus tard pourront confortablement s’asseoir à de petites tables).
Ce jour-là ressemble à n’importe quel autre, c’est-à-dire qu’il est unique : un nouvel arrivant arrive muté d’un autre poste, une voiture de patrouille du roulement précédent intervient sur une collision entre véhicules au moment de rentrer…

Ça ne va pas durer. Quelques secondes à peine après que le sergent Francis Donovan ait attiré l’attention de ses officiers sur un avis de recherche en cours sur Dawshawn Hopkins, ce dernier commence à ouvrir le feu à quelques mètres du commissariat. Cela a pour effet de faire intervenir toute l’équipe du 74th Precinct au pas de course, venant en aide à des officiers et civils blessés dans la rue ; mais les conséquences sont dévastatrices car alors que tout le poste de police est dehors à la poursuite du suspect, un deuxième tireur situé cette fois en hauteur dans un bâtiment se met à tirer lui aussi. Finalement l’un des détectives engagés dans une poursuite avec Hopkins finit par le blesser, et il devient alors plus facile de l’appréhender. La question du second tireur étant encore en suspens, Hopkins est alors emmené, blessé et menotté, à l’intérieur du commissariat, où il est abandonné dans la salle de briefing. Lorsque les secouristes arrivent plus d’un quart d’heure plus tard, il est impossible de le sauver.

Avec ce démarrage brutal, Brooklyn South tente plusieurs choses. D’une part, rompre avec un business as usual que nous avons à peine vu (le générique du pilote montre bien que des flics patrouillent dans les rues de New York, souvent à pied faut-il le préciser, mais l’épisode n’a en revanche pas trop le temps de le montrer) pour tout de suite nous plonger dans une situation de crise. D’autre part, créer une situation ayant des implications graves, Dawshawn Hopkins étant un homme noir mourant menotté dans un commissariat de police plein à craquer de flics furieux qu’on ait tué plusieurs d’entre eux. Et enfin, la question de savoir aussi dans quelle mesure la procédure a été suivie de près, et l’intervention du lieutenant Jonas, des affaires internes, afin de vérifier cela ne va mettre personne particulièrement à l’aise.

A quel point ces tentatives sont-elles réussies ? Eh bien… c’est variable, objectivement parlant. Nous plonger dans cette intrigue de fusillade est plutôt réussi, en cela que cela permet d’éviter des clichés et d’écourter ou simplifier le travail d’exposition. Cela implique de rentrer tout de suite dans l’univers de la série sans savoir précisément qui sont les personnages, mais dans l’ensemble ça fonctionne.
En revanche il faut reconnaître dépit de son intention de réalisme, Brooklyn South a un énorme parti-pris pro-policier, qui l’empêche de vraiment donner beaucoup de crédit à son intrigue sur la perception des violences policières par la communauté afro-américaine. La série refuse vraisemblablement d’engager une réflexion sur le sujet.

Mais tout ce qui précède s’explique par quelque chose d’essentiel dans l’identité de Brooklyn South : elle se fascine presqu’uniquement sur ce qui se déroule en interne.
Ce n’est pas pour rien que la majorité des scènes se déroulent au commissariat (dans la salle de briefing, les vestiaires, les douches, mais aussi voire surtout dans le hall d’entrée). Ce n’est pas non plus un hasard si l’un des personnages centraux, le sergent Santoro, est l’officier d’accueil, d’où il accueille les visiteurs, supervise la logistique et veille d’une façon générale au bon fonctionnement du poste ; un rôle très peu montré dans les séries policières (je n’en ai pas de souvenir ailleurs que dans Hill Street Blues, en fait) et qui paradoxalement n’a pas été cité une seule fois par les séries que nous avons évoquées cette semaine, quand bien même il s’agit d’un poste tenu par un policier portant l’uniforme. Au-delà de cela, l’administration policière tient une grande place dans Brooklyn South : après la fusillade, le sergent Donovan est sommé de rendre des comptes à ses supérieurs de la police de New York, on apprend aussi qu’il est un agent de terrain « secret » travaillant pour les affaires internes…

Le déroulement de l’épisode indique clairement que Brooklyn South n’a pas envie de mettre en scène une police qui doive rendre des comptes à la population ; en revanche elle est clairement fascinée par la comptabilité interne des responsabilités individuelles. C’est un choix qui plaira ou pas à titre personnel au spectateur (surtout quand si peu de séries policières acceptent de mettre en scène cette relation police/communauté ; j’aurais d’ailleurs aimé que Southland survive jusqu’aux évènements de Ferguson pour voir le traitement qu’elle en aurait fait), mais qui a le mérite d’être pleinement assumé.
En outre, c’est totalement unique de s’intéresser plus au versant interne du métier de policier, qu’au interventions du quotidien, ici passées sous silence dans l’urgence de la situation.

Pour finir, il faut noter que l’unique saison de Brooklyn South possède une distribution du feu de Dieu de la Téléphagie. Plusieurs d’entre eux ont depuis interprété d’autres rôles de flics, mais pas en uniforme : Jon Tenney (The Closer/Major Crimes), Dylan Walsh (Unforgettable/NCIS: New Orleans), Titus Welliver (Bosch), Yancy Butler (Witchblade), Adam Rodriguez (CSI: Miami/Criminal Minds) ; Gary Basaraba est l’exception qui confirme la règle avec Boomtown. Il y a aussi dans un rôle secondaire un acteur qui joue ici un détective plainclothed et qui dans la review de 18h va porter l’uniforme. Vous avez l’après-midi pour deviner qui. Pardon, je me rends pas compte : ai-je pensé à mentionner qu’il y avait du beau linge dans cette série ?

Bien qu’imparfaite à plusieurs égards, ce qui explique en partie son annulation en dépit de son épatant pedigree, Brooklyn South est unique à la télévision pour ce qu’elle décrit des mécanismes internes de la police. Que les circonstances soient habituelles ou exceptionnelles. Par-dessus le marché, elle n’a pas si mal vieilli que ça en près de deux décennies !

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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