Celui qui conduit le pays, c’est celui qui ne boit pas

22 septembre 2016 à 23:16

Il est vite arrivé de penser au pire en ce moment : le pire en matière d’attaques terroristes, mais aussi le pire dans le domaine politique. Designated Survivor propose d’empêcher tout le monde de dormir en posant la question : et si le pays subissait le pire sur les deux fronts en même temps ?

Tom Kirkman est un Secrétaire d’État comme un autre, au point d’en devenir transparent. En charge de l’habitat et du développement urbain, il n’a jamais vraiment réussi à s’imposer, non plus que ses idées, et à l’approche des élections, le Président Richmond envisage de le remplacer par quelqu’un qui donnerait une image plus assertive de son gouvernement. En fait, ce jour-là, Kirkman apprend que le Président fait plus que l’envisager : on lui propose un poste d’ambassadeur à Montréal pour qu’il débarrasse proprement le plancher. Très franchement, la perspective est tentante, surtout sachant qu’absolument aucune de ses actions ne sera même évoquée lors du discours du l’état de l’Union qui doit avoir lieu dans quelques heures. Tom Kirkman commence donc à réfléchir à l’après, bien que sa réponse officielle n’ait pas encore été donnée.
Par un concours de circonstance, cela fait de lui un membre du gouvernement encore éligible pour devenir le « survivant désigné » : un processus qui implique, pendant un évènement tel que le discours sur l’état de l’Union qui rassemble les personnalités politiques du pays, de garder un membre du gouvernement à l’écart, au cas où il se passerait quelque chose. Or ce soir-là, il se passe quelque chose : le Capitole est le théâtre d’une explosion, et Tom Kirkman devient en quelques secondes le nouveau Président des États-Unis d’Amérique.

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Même si son point de départ paraît catastrophiste, Designated Survivor n’a pas inventé grand’chose : des politiciens qui ne s’y destinaient pas, mais qui doivent soudainement prendre les décisions pour toute une nation, ça ne manque pas à la télévision. Je pense par exemple à Commander in Chief, Madam Secretary, ou même Battlestar Galactica (c’est même sacrément évident). Derrière ce thème se cache souvent l’idée que ne pas briguer un poste, ou pas encore, aussi important que celui de chef d’État, n’est pas nécessairement la preuve qu’on n’est pas prêt pour remplir ce rôle. Dans ces séries, l’idée est qu’on n’est pas forcément présidentiable, mais on le devient. La force des choses précipite les évènements, mais il s’avère en général que la personne était parfaitement capable, voire peut-être plus morale que ceux qui espéraient obtenir ce titre.
C’est précisément ce que met en place Designated Survivor, qui insiste copieusement pour nous montrer en Tom Kirkman non pas un homme amateur de politique politicienne, mais un type droit dans ses mocassins, qui veut faire ce qui est juste et raisonnable avant tout. Des caractéristiques qui font de lui un homme qu’on a justement envie de voir prendre les choses en main quand tout va mal, quand bien même il n’en a, en apparence, pas la carrure.

Cependant on ne peut bien-sûr pas écarter l’autre grande thématique de Designated Survivor, qui choisit un attentat terroriste comme évènement déclencheur de la présidence de Tom Kirkman. Ce n’est donc pas exactement un problème de santé qui écarte le Président (ni la longue liste de personnes qui auraient dû lui succéder bien avant Kirkman s’ils n’avaient pas tous été au même endroit ce jour-là), mais bien un danger, et donc un défi que devra relever le nouveau Président dés les premières heures de son mandat.
On ne doute pas, dans le fond, que le Président Kirkman prenne de saines résolutions, même dans la panique ; en tous cas je n’en ai pas douté vu la façon dont nous avait été présenté le personnage. Du coup dans un premier temps, cette intrigue de fin du monde semble un peu bancale, alors même qu’elle est au cœur de la raison d’être de Designated Survivor. C’est vers la fin du premier épisode qu’on réalise qu’elle est avant tout une excuse pour lancer deux problématiques bien plus puissantes : le fait que cette attaque ne soit pas qu’un déclencheur, et que d’après un personnage, elle ne représente que le début d’une série d’attaques, et plus intéressant encore, la façon dont les choix du Président Kirkman, jugés trop tièdes, vont le confronter à d’autres personnalités plus puissantes que lui. Si en cours de saison, comme le pilote semble vouloir nous l’indiquer, on a droit à une intrigue sur un véritable coup d’État militaire, cet angle peut devenir ce qu’il y a de plus intéressant dans Designated Survivor.

Pour le moment, il faut se contenter d’un certain nombre de clichés. Il sont, certes, inévitables en grande partie (alors que ç’aurait été si intéressant si Tom Kirkman n’avait pas été marié et père de deux enfants, et qu’il avait eu un profil un peu plus atypique au niveau personnel), et même ponctuellement émouvants (la discussion du Président Kirkman dans les toilettes avec celui qui est en fait sa plume appuyait exactement là où ça devait faire mal). Mais ils demeurent des clichés.
Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : je suis enchantée par cette atmosphère de désespoir qu’on nous balance à la gueule dans le pilote. JE VIS pour des séries se déroulant dans un contexte désespéré. Pourquoi croyez-vous que j’ai regardé 5 saisons de Falling Skies en dépit de, hm… vous savez, le fait que c’était Falling Skies ? J’adore quand les personnages d’une série sont désemparés par des circonstances qui les dépassent. Designated Survivor accomplit parfaitement cela, a l’art de capturer les regards perdus de héros pris dans une catastrophe, rend très bien tous les petits moments d’égarement qu’on n’a même pas le droit de prendre, et c’est super, vraiment, très bien. Mais c’est du vu et revu et, pour cette raison, j’attends de découvrir ce que Designated Survivor a dans le ventre pour la suite. De toute évidence, son intention est de faire perdurer cette ambiance, voire de l’aggraver encore, et c’est un défi autrement plus fascinant à observer dans une série, sur le long cours (a fortiori sur un network).
En présentant un héros propre sur lui (et servi par une interprétation par Kiefer Sutherland que je n’ai presque pas honte de qualifier de sobre), honnête, droit, réfléchi et d’une façon générale, très décent, mais en le lâchant dans pareille tempête, j’espère que Designated Survivor testera réellement les limites de son héros, le poussera à bout, l’épuisera. Pour le moment il doute un peu, et c’est très bien, mais il s’avère que j’en veux plus.

Je ne sais pas si Designated Survivor me contentera, et répondra à mes attentes. Je ne suis pas spécialement curieuse de suivre l’enquête sur les auteurs de l’attentat du Capitole, par exemple, et je suis sûre que c’est un angle qui va continuer d’être exploité, ne serait-ce qu’en raison de la présence au générique de Maggie Q dans le rôle d’une experte du FBI. Les choix que la série fera seront importants pour la suite, un peu à l’image des choix du Président Kirkman. J’espère dans les deux cas que ces choix ne seront jamais ceux de la facilité.

D’un autre côté… c’est peut-être une pensée idiote qui m’est venue pendant l’épisode mais… bon écoutez, voilà : si Designated Survivor n’accomplit rien d’ ébouriffant, mais qu’elle parvient à forcer ses spectateurs à se demander quel genre de Président les spectateurs veulent avoir aux commandes de la nation dans les pires circonstances imaginables… alors dans le fond, peut-être que la série aura déjà accompli quelque chose de fort quand même ?

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. deadwood dit :

    Ayant vu les 10 premiers épisodes, j’ai bien aimé le mélange du thriller (qui se cache derrière l’attentat, le pourquoi…etc) & la reconstruction du gouvernement (même si cette partie c’est du déjà vu (voir The Lastship).
    Pour ma part la partie thriller ne peut tenir pas plus de 2 saisons au vu de l’avancé de l’enquête.

    Quand je vois Netflix proposant la VF après quelques semaines de la diffusion US (avec la vraie voix Française de Kiefer Sutherland), là je dis chapeau bas pour une série produite en flux tendu. Les chaines devraient prendre exemple sur les nouveaux entrants.

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