Love and no other pursuits

8 octobre 2016 à 10:00

Quand j’avais environ 10 ans, j’ai commencé à en vouloir énormément aux adultes. Plus j’en apprenais sur les relations amoureuses et en particulier le sexe, plus je me sentais insultée par leur obstination à faire comme si de rien n’était. Je me demandais pourquoi ils tenaient absolument à tenir cachée une partie de leur existence qui pourtant devait être importante… puisque son secret était jalousement gardé ! En classe ou à la maison, je n’arrivais pas à m’ôter de la tête que ces adultes s’étaient peut-être envoyés en l’air la veille, avec toutes les sensations que cela devait sûrement impliquer, mais qu’ils faisaient mine de se passionner pour notre carnet de notes ou la cuisson du steak du dîner. Cette bise sur ma joue… il y a quelques heures ces lèvres étaient ailleurs mais prétendaient ne pas en avoir souvenir. Sitôt que je posais des questions, je me retrouvais en plus face à des adultes soudainement très doués en métaphores euphémisantes, incapables de décrire ce qu’ils avaient pourtant vécu des dizaines de fois, et que, encore plus outrageant, ils savaient très bien qu’ils referaient bientôt. Je trouvais ça tellement irritant. Ce n’est pas que j’aurais voulu expérimenter les choses du sexe ou de l’amour, c’est que leur obsession consistant à me priver volontairement d’informations semblait être une injure qui m’était faite personnellement. Une preuve supplémentaire de leur hypocrisie, tiens ! Quelle bande de saloperies de menteurs.
Il faut dire que c’était les années 90 : à l’époque, il n’y avait pas autant de séries pour nous bassiner à longueur de saisons sur les hauts et les bas de la vie de couple, jusqu’à la saturation.

Easy-650

Les temps ont changé aujourd’hui, et désormais il existe des centaines de milliers de séries s’intéressant à la vie de couple. Leurs passions. Ou absence de. Leur vie sexuelle. Ou absence de. Et toutes les nuances entre. Douce ironie du sort, je regrette l’ignorance (fût-elle imposée) de mes 10 ans.
Easy est l’une des innombrables séries sur le couple à essayer de nous dévoiler les arcanes de l’art obscur des relations de couple. L’amour sous toutes les coutures. Avec quelques scènes de coït si possible, sans quoi les spectateurs se sentiront floués !

Le premier épisode d’Easy (qui est, paraît-il, une anthologie, ce que je n’ai absolument aucune envie d’aller vérifier par moi-même vu que ça impliquerait de regarder un deuxième épisode) s’intéresse à Andi et Kyle, un couple installé dans sa routine après 15 ans passés ensemble.
L’intrigue de l’épisode commence alors qu’un de leurs amis évoque une étude, qui indiquerait que les couples ont une vie sexuelle plus régulière et plus agréable lorsque l’homme et la femme tiennent des rôles genrés traditionnels. Problème : Kyle est père au foyer (il écrit également une pièce de théâtre). C’est Andi qui ramène l’unique salaire de sa maison avec son job à plein temps dans une entreprise apparemment spécialisée dans la pâtisserie bio (pas spécialement sa passion : à l’origine elle était également férue de théâtre). La graine du doute est donc semée, notamment dans l’esprit de Kyle, quant à la santé de leur vie sexuelle. Dés lors le premier épisode d’Easy va s’échiner à décortiquer les nuances de leur relation. Au fil de l’épisode, chacun se montre soucieux de l’équilibre du couple alors qu’en réalité, jusqu’à ce que leur ami ouvre sa bouche, tout allait relativement bien. Disons, bien pour un couple qui est ensemble depuis 15 ans, en tous cas.
Partant de là, on va avoir droit à tous les clichés du genre. Les deux personnages se confient à des amis (dans un café ou par téléphone ; la seule différence avec Sex & the City est probablement dans la mixité des protagonistes, parce qu’on a déjà entendu ces dialogues cent fois), tentent d’apporter du piquant à leur vie sexuelle (ce qu’ils font maladroitement, bien-sûr, et avec toutes sortes d’interruptions), et entrecoupent leurs diverses tentatives d’obtenir un peu de paix de l’esprit par le sexe en discutant interminablement de ce qu’ils veulent, ce qu’ils ne veulent pas, ce qu’ils auraient voulu et ce qu’ils croient que l’autre auraient voulu. A l’aide.

J’étais pensivement en train de touiller un biscuit dans un grand bol d’arsenic quand j’ai réalisé que de toute façon, le concept-même d’Easy était de ne jamais me présenter à nouveau les déboires d’Andi et de Kyle. Au mieux ils apparaîtront peut-être plus tard dans le fond d’une scène, donnant la réplique à d’autres personnages tergiversant sur leur vie sexuelle et/ou amoureuse. La belle affaire : la série elle-même ne s’intéresse pas à leur couple ! En fait, elle veut juste nous raconter une petite fable, dont au juste la « morale » reste assez floue pour donner le sentiment d’avoir pratiqué quelque chose d’osé (il l’a prise par derrière !) sans assumer de position sur le fond (si vous me passez l’expression).
Cela sans même essayer de prendre la responsabilité de suivre ses personnages pour comprendre les conséquences de cette scène de la vie amoureuse ; qui s’en soucie, il y a tant d’autres choses à effleurer à peine dans les épisodes suivants ! Et puis bien-sûr, rien, absolument rien d’autre que le sexe ou la relation de couple n’importe dans la vie de ces personnages, au point que Kyle, pourtant supposé écrire une pièce de théâtre, a envie de tout faire sauf y dédier une seule minute de l’épisode.

En soi Easy n’est pas une mauvaise série, elle est juste d’une paresse foudroyante, aussi bien dans son choix de sujet que dans son traitement. Alors après, selon le point de vue, c’est précisément ça qui fait une mauvaise série… l’argument s’entend.
Rendez-vous compte : on a atteint un tel stade de surexposition aux questionnements sur la vie de couple, sur les relations amoureuses, et sur le sexe, que tout ce que dit le premier épisode d’Easy a déjà été dit plusieurs fois par le passé. Peut-être même lors de l’année écoulée. Qu’Easy se soit dégoté une distribution solide, que la réalisation tienne relativement la route, ou qu’elle ne commette pas d’impair majeur ne sont pas des facteurs travaillent à son avantage. C’est juste une preuve de plus de son absence totale de prise de risque ! Si au moins elle avait raté quelque chose dans les grandes largeurs, ce serait formidable, je me dirais : elle a joué, elle a perdu. Quelque chose me permettrait de me souvenir d’elle dans quelques années, à tout le moins. Mais non. Easy n’a rien raté, parce qu’elle n’a rien tenté. Elle est allée… à la facilité. Punaise, même le titre.
Cela étant, si j’étais capable de souscrire rétroactivement à Netflix pour la gamine que j’étais à 10 ans, ce serait un super investissement.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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