Köstebek

9 octobre 2016 à 8:56

A chaque rentrée ses vainqueurs ; en Turquie, depuis trois semaines, İçerde en est. La série de Show TV s’est rendue indispensable dans la case du lundi soir à 20h, qu’elle domine actuellement. Comment elle y parvient ? Eh bien ce n’est en tous cas pas sa brièveté qui constitue son argument de vente principal, avec ses épisodes de 150 minutes en moyenne… même pour une série turque, c’est beaucoup ! Mais sur tout le reste, elle réussit largement son pari, et c’est ce dont je vous propose de discuter ce matin.

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Le héros d’İçerde (Insiders de son titre international, mais le titre littéralement traduit signifierait plutôt « de l’intérieur« ), c’est un jeune homme du nom de Sarp Yilmaz, ici doté d’un blouson de cuir sur le matériel promotionnel. Il a passé 4 années à l’académie de police et dans une semaine, il va prêter serment et enfin devenir un flic. Pas n’importe quel flic, d’ailleurs : parce qu’il est premier de sa promo, il devrait avoir, comme c’est la tradition, l’honneur d’être sélectionné pour incorporer l’unité de lutte contre le crime organisé de l’inspecteur Yusuf. Cela remplit de joie sa mère Füsun, qui a placé tous ses espoirs en Sarp.
Il faut dire que les Yilmaz en ont bavé. Lorsque Sarp n’était qu’un enfant, son père Metin a été arrêté par la police : il se faisait passer pour un camionneur mais était en réalité un tueur aux ordres d’un mafieux local surpuissant, Celal Duman, dont les affaires sales prospèrent derrière la façade respectable d’un restaurant de kebab. Pire encore, peu de temps après l’arrestation de Metin, le jeune frère de Sarp a été enlevé. Du petit Umut, la police n’a retrouvé qu’une chemise tachée de sang, et c’est dans la douleur que Füsun a donc concentré tous ses efforts sur Sarp, qu’elle a élevé seule tout en faisant tourner une petite brasserie à Istanbul.

Hélas, à une semaine de son intégration dans les services de police, Yusuf convoque Sarp et lui annonce qu’étant donné les liens de son père Metin avec une crapule de la trempe de Celal Duman, le futur policier paraît hautement suspicieux. A-t-il voulu infiltrer les rangs de la police pour que Celal ait un homme de main à l’intérieur ? Vaut mieux prévenir que guérir : Yusuf lui annonce qu’au lieu de recruter Sarp, il est en train de le virer, et qu’il ne sera jamais flic. Jamais.
Donc bien-sûr fou de rage Sarp se pointe le jour où les élèves de l’académie prêtent serment, la semaine suivante, et pointe un flingue sur l’inspecteur Yusuf. Je crois qu’on en serait tous là à sa place. Sa mère et une amie d’enfance proche des Yilmaz, la belle Eylem, assistent alors au pétage de plomb total de notre héros ; Füsun finit par le convaincre de ne pas abattre Yusuf, et Sarp se rend.

La petite mésaventure, qui ne fait pas de blessés mais fait tout de même désordre dans la cour d’une académie de police, conduit Sarp à être condamné à 12 mois de prison (il a eu une sentence clémente parce qu’il a rendu son arme sans résistance grâce à l’intervention de Füsun). Je vous préviens tout de suite, İçerde ne vire pas au drame carcéral : c’est juste un passage que le pilote emploie pour expliciter comment Sarp fait la rencontre en prison d’un prisonnier du nom d’Alyanak (surnommé « joues rouges », parce qu’il est roux et a de la barbe… on pourrait croire que les taulards ont le temps d’être plus inventifs, mais on se tromperait !). Alyanak est lui aussi en prison pour quelques mois, et à leur sortie, les deux hommes sont devenus copains comme cochons et désormais Sarp, qui n’a plus d’avenir après avoir été renvoyé de la police où il avait passé 4 années à exceller, décide de se laisser lentement happer par l’univers du crime. Progressivement, Alyanak l’introduit à la « cour » du parrain local, Celal. Il semblerait que Sarp ne puisse pas échapper à la prophétie de l’inspecteur Yusuf… un parcours qui alerte Füsun et Eylem. Les deux femmes, impuissantes, assistent au lent glissement de Sarp du côté sombre de la Force.

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Je n’ai pas trouvé d’indication que İçerde est une adaptation de comics, et quelque part ça rend ses posters (élargissables) encore plus géniaux.
Si vous trouvez que tout cela est un peu suspect, vous avez raison. İçerde n’est pas exactement une série sur la terrible spirale du crime. Le premier épisode pose lentement (très lentement !) les jalons de quelque chose de plus dense.
Et pour cela, au bout de 78 minutes montre en main, la série introduit un nouveau personnage, Mert. Lui, il est flic, pour de bon ; en fait il a prêté serment, eh bien, ma foi, le jour où Sarp a retourné son arme contre l’inspecteur Yusuf, un évènement qui d’ailleurs ne l’a pas absolument dérangé vu que Mert était deuxième de sa promo et qu’il est ainsi passé premier. Recruté par l’inspecteur Yusuf (bien qu’à l’essai puisqu’il n’était officiellement que le deuxième meilleur élève officier), il commence donc à travailler sur le crime organisé, ce qui ne couvre pas nécessairement des affaires aussi excitantes que vous le croyez. Pour preuve : on va le voir coffrer des membres d’un groupe de voleurs à la tire. Supeeer. Mais c’est aussi via son travail qu’il croise la route de la jolie Eylem, qui est photojournaliste et couvre justement les activités de la police d’Istanbul. Mert et Eylem commencent à se fréquenter…
Mert n’est, toutefois, pas juste un flic décontracté et ambitieux : c’est aussi un homme qui a ses propres blessures internes. Il a en effet grandi dans la rue, où il était utilisé par des gens peu recommandables pour vendre des mouchoirs aux passants et aux touristes (une forme à peine déguisée de mendicité) dont évidemment il ne voyait jamais les recettes (ça fait un peu Oliver Twist mais c’est comme ça). Maltraité, voire battu s’il avait l’audace de mettre un peu d’argent de côté, Mert a du très vite apprendre la loi de la rue. La seule lumière dans sa vie à cette époque, c’était une autre petite fille exploitée par ces malfrats, répondant au nom de Melek.

İçerde a le temps d’explorer en détail le background de chacun, et pour cause. Moi aussi si on me laissait parler sans limite de temps, je tiendrais le crachoir pendant des heures. Ouais, moi non plus je ne sais pas pourquoi j’ai employé le conditionnel dans cette phrase.
Cela permet en tous cas de bien développer les personnages et d’aller bien au-delà des questions de mafia et/ou de police qui pourraient sembler être l’objet de la série. C’est vital pour İçerde, qui prépare de façon plus ou moins évidente un certain nombre de révélations ultérieures. Et alors, je vous arrête TOUT DE SUITE, oui, yen a qui effectivement son celles que vous pensez… et il y a les autres.
En fait, en matière de twist de fin de pilote, İçerde se pose là en cet automne 2016 à peu près au même niveau que This is Us, c’est-à-dire que oui, sûrement qu’il y a moyen de deviner, mais la série fait un si bon travail sur son aspect dramatique, avec ses flashbacks et ses développements plus humains, qu’il y a quand même une chance pour que vous vous fassiez avoir à la fin des 150 minutes que dure cet épisode inaugural. Je reconnais n’avoir réussi à en prédire que la moitié, personnellement. C’était déjà pas mal vu les circonstances, puisque İçerde a balancé plein de fausses pistes en cours de route, la vicelarde.

Résultat ? Résultat les histoires de mafia me font puissamment braire d’habitude, et là j’ai tenu 150 minutes sans broncher. C’était super. Je crois que c’était le mélange de genres qui m’a plu, les références à certains films aussi ; si je vous donne les titres je vous spoile, or vu que la série est sous-titrée par des fansubbers, ce serait très dommage. Il y a des passages plus légers (comme la décontraction amusante de Celal), et d’autres assez intéressants par leur retournement de certains clichés (Füsun passe peut-être pour une mère traditionnelle, mais faut la voir intervenir entre Sarp et l’inspecteur Yusuf à la cérémonie de l’académie, elle est épatante !). A cela il faut encore ajouter que la photographie n’est vraiment pas dégueulasse, et vous obtenez une série certes grand public, mais qui ne vole pas son succès.
Les sites turcs (y compris Wikipedia… pardon : Vikipedi) indiquent tous qu’İçerde est également une série d’action, je m’attends donc à voir la tension monter dans les épisodes suivants, et les décharges d’adrénaline aller croissant. Au juste je ne sais pas du tout comment c’est possible de tenir une telle durée avec de l’action, ça semble ahurissant. Mais même si İçerde ne fait pas ce choix, et continue son mélange actuel de mélodrame, de crime drama, et de fiction policière, je pense qu’elle peut réussir à proposer une intrigue captivante, quand bien même son rythme ne serait pas aussi soutenu que celui d’une série d’action à proprement parler.
En tous cas une chose est sûre : İçerde fait partie des séries parfaitement consommables par un public international, loin des clichés tristement répandus sur la fiction turque. A bon entendeur.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

3 commentaires

  1. trouha dit :

    Cette serie est super, je suis rendu a l’episode 26 et je n’ai pas décrocher une seule foi! Tellemnt captivant et profond!!

  2. samara dit :

    Bonjour ou peut t’on trouver cette serie sous titré? Merci.

    • ladyteruki dit :

      A l’époque de cet article, les épisodes, sous-titrés par des fans, étaient uploadés illégalement sur Youtube. Aujourd’hui par contre je ne sais pas. Mais de plus en plus de séries turques apparaissent sur des plateformes comme Netflix, donc il y a de l’espoir.

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