Survival of the heartless

11 décembre 2016 à 17:33

On aura bien besoin de Star Trek: Discovery l’an prochain pour réinjecter un peu d’humanisme et d’espoir dans la science-fiction ! Ces derniers temps, la plupart des projets lorgnent sur la dystopie et, très franchement, au vu de l’actualité comme des évènements personnels de ces derniers mois, j’ai du mal à leur en vouloir. Il peut être difficile d’être optimiste quant à l’avenir…
Après Trepalium, après Section Zéro, entre deux saisons de The Expanse, et pendant Incorporated, voilà donc que débarque 3% (« três por cento« ), une série de Netflix initialement développée dans le cadre d’un concours organisé par le ministère de la Culture brésilien voilà plus de 7 ans. Comme ses consœurs, 3% repose sur l’idée d’une fracture sociale aussi large que la faille de San Andreas. L’intrigue est logée dans un univers qui une fois de plus met dos-à-dos la minorité privilégiée et une masse pauvre, où l’ordre est plus ou moins maintenu par une carotte, ici l’accès à une terre promise.

Les privilèges d’une existence supposément dorée dans un endroit nommé Maralto (ou « Offshore » en anglais ; je ne sais pas comment la version française a décidé de l’appeler) sont en effet le prix à gagner pour ceux, généralement des jeunes adultes, qui tentent de passer la sélection. Seuls 3% d’entre eux le méritent, leur dit-on. Le processus est sans pitié. Il s’étend sur plusieurs jours. Certains n’en reviennent pas. Pire encore, beaucoup en reviennent, meurtris à jamais de n’avoir pas été jugés méritants d’une vie hors de la pauvreté, la saleté et la faim.
3% semble être une série plutôt intéressée par cette sélection que par le reste de son univers ; elle suit Michele, une jeune femme qui s’est engagée dans ce processus dont elle espère se sortir victorieuse. Comme tous les autres.

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Il faut préciser que ce premier épisode ne se déroule à aucun moment à Maralto, mais presque totalement dans le bâtiment où se tiennent les épreuves qui jalonnent le parcours des candidats, un imposant immeuble moderne posé sur une colline trônant au-dessus du bidonville d’où viennent Michele et les autres.

De fait, contrairement aux séries que j’ai citées plus tôt, 3% n’insiste pas du tout sur le contraste entre les deux modes de vie, l’un privilégié l’autre défavorisé. Tout se déroule dans une sorte de sas entre ces deux mondes. Le fait que les personnages qui seront sélectionnés à l’issue du processus sont amenés à ne jamais repasser par leur bidonville (les adieux avec les proches se font donc AVANT de savoir si l’on fait partie des 3%… ça doit rendre le retour encore plus difficile à encaisser en cas de rejet !) n’arrange rien pour nous promettre une vue d’ensemble future. En fait, en-dehors de la scène d’ouverture et d’un flashback, on en sait finalement assez peu sur les conditions de vie de ces nombreux personnages mis au rebut.
L’épisode inaugural de 3% reste donc dans cet entre-deux, cet espace conçu pour être aussi bien une épreuve qu’une transition, un choix qui au bout du compte ne lui permet pas d’en dire beaucoup sur l’univers dans lequel la série se déroule. C’est en fait la raison pour laquelle je parlais d’existence « supposément dorée » à Maralto : on peut conclure, étant donné le style de vie des gens qui travaillent dans cet immeuble sur le recrutement des 3%, qu’ils vivent effectivement une vie plus confortable au moins en termes d’accès à certaines ressources. Mais ça s’arrête là : sur d’autres aspects, le doute est permis.
On a ainsi droit à des discussions sur ce qui peut se passer à Maralto, essentiellement en termes de politique interne : des luttes de pouvoir menacent de changer la façon dont on recrute de nouveaux élus… Des querelles intestines qui semblent, à en croire un échange assez bref, avoir l’opportunité de transformer le recrutement de nouveaux candidats, et donc la face de Maralto, suite à un évènement survenu récemment : le premier meurtre jamais rencontré dans ce pays de cocagne. Enfin, le directeur du recrutement des 3%, Ezequiel, est la preuve (mais pas la seule) qu’en dépit de leurs apparents privilèges, les élus vivant à Maralto sont loin d’être épargnés par les troubles psychologiques. Vu les tests et surtout les critères qui permettent aux candidats de rester dans la course, il n’est pas d’ailleurs interdit de penser que ce qui est attendu des 3% a peu à voir avec l’excellence, mais au contraire avec une âpreté déshumanisante.
Du coup on est en droit de se demander dans quelle mesure Maralto est vraiment le paradis promis. Cacher non seulement aux pauvres, mais aussi aux spectateurs, à quoi ressemble l’endroit, peut tout-à-fait être intentionnel de la part de 3%, en vue d’une révélation ultérieure.

Non qu’on manque totalement de surprises pendant ce premier épisode, pour être franche. On va apprendre que des mouvements politiques, il n’y en a pas qu’à Maralto : la « Causa » (…cause, donc) est un mouvement révolutionnaire né dans les bidonvilles, qui a envoyé une taupe préparée à devenir l’une des 3%. Une fois de l’autre côté, cette taupe devrait permettre à la Causa de faire s’écrouler le système de l’intérieur, et donc, faut-il présumer, pour de bon. Lorsque les responsables du processus l’apprennent, ils se mettent évidemment à chercher qui peut être cette taupe.
Nous apprendrons avant la fin du premier épisode de qui il s’agit, sans réel effort de la part de 3% pour vraiment nous offrir un twist de folie. Ce n’est clairement pas l’idée. Mais il permet de recadrer un peu l’intrigue sous un angle nouveau, lui aussi lorgnant sur la question de la déshumanisation nécessaire pour entrer dans le Valhalla.

En fait, plus que de parler des inégalités sociales elles-mêmes (après tout les autres séries dystopiques de ces derniers temps s’en chargent très bien), et des mouvements qu’elles induisent au sein des différentes communautés, 3% a pour objectif de se la jouer un peu Hunger Games, option angle psychologique.
On va y détailler à l’envi l’intégralité du processus de sélection des 3%, assister à chaque étape ; le but semble pour le moment être d’observer qui passe les tests avec succès, et comment. Plus que l’envie d’explorer son contexte, de tenir un propos social, de questionner les valeurs de l’univers dans lequel elle se déroule, 3% est une série de type survival. Le fait que cette survie se matérialise, au moins pour le moment, par des tests de personnalité plutôt que l’organisation de massacres, est ce qui fait la force de la série : il n’y a, en somme, pas de danger direct, si ce n’est celui de n’être pas jugé suffisamment méritant.
Quand bien même la série refuserait d’explorer certaines choses par ailleurs, il lui reste en tous cas la possibilité d’appuyer son thriller futuriste sur des questions autour de l’ambition, du mérite, du sacrifice, et de l’instinct de « survie ». Je ne suis pas sûre qu’on perde au change.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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