Sans foie ni loi

31 décembre 2016 à 16:48

Ce matin-là, Rolf Rauchensteiner apprend qu’il a contracté une hépatite D. Ce qui ne serait pas la pire nouvelle au monde s’il ne souffrait pas déjà d’une hépatite B. Inutile de dire qu’à ce stade, s’il ne se trouve pas un foie, c’est fini pour lui à très court terme. Or, il s’avère que Rolf Rauchensteiner est un industriel puissant très riche ; une situation qui va peut-être le sauver… ou le condamner.

De ce principe simple mais dramatique, Altes Geld (« vieille fortune ») décide de sortir toutes sortes d’intrigues de son chapeau. Des intrigues qui sur le papier, semblent dramatiques, mais qui une fois mises en images, apparaissent aussi comme étrangement décalées.

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Dans ce tourbillon d’images très esthétisées et un rien surréalistes (il suffit de regarder le club où l’un des fils Rauchensteiner joue son argent, ou la façon dont l’unique fille de la famille circule dans les couloirs du métro), il se trame pourtant quelque chose de terrible : Rolf Rauchensteiner est en train de perdre pied. Ce n’est pas tant la santé qui lui fait peur, d’ailleurs il ne parait pas exactement malade, mais il est hanté par la perspective de mourir, qui apparaît d’autant plus inéluctable qu’il est incapable de trouver le fichu foie qui pourrait lui sauver la vie.
Pas faute d’avoir tout essayé : la corruption, les menaces, et même, potentiellement, la violence ; Rolf Rauchensteiner aura vraiment tout mis en oeuvre pour survivre à la maladie. Rien à faire.

On ne peut pas dire que l’imminence de sa disparition cause beaucoup de soucis à ses proches, cependant.
Sa femme Liane (c’est sa seconde épouse, même si ça fait 30 ans qu’ils sont ensemble) maintient une distance constante avec lui, tout en semblant de temps à autres faire montre d’une affection vraie, au moins en partie ; ce qui l’inquiète n’est pas franchement du ressort de la médecine mais plutôt de la banque : elle est l’unique héritière de la fortune de Rolf Rauchensteiner, et elle a bien l’intention de le rester. Mais elle est aussi follement amoureuse de Zeno, le fils aîné Rauchensteiner et issu d’un premier mariage. Celui-ci est marié à Tania, une jeune femme serbe venimeuse qui n’a d’yeux que pour leurs chiens (la raison que donne Zeno pour n’avoir pas eu d’enfants avec elle est délicieuse, mais lourde de sens), et qui le méprise… en grande partie parce qu’il a perdu tout son argent dans des jeux. C’est un peu le serpent qui se mord la queue vu qu’il va jouer chaque fois qu’elle l’envoie chier au profit de ses toutous… Les deux autres enfants Rauchensteiner, nés de l’union de Rolf et Liane, ne sont guère plus affectueux. En fait, Jakob est carrément parti vivre en Afrique où, il est vrai, il n’est pas encore assez loin puisque ses problèmes familiaux ont un impact sur sa vie sexuelle avec sa petite amie. Quant à la froide et énigmatique Jana, elle collectionne les tentatives de suicide mais semble aussi exister à travers elles ; dans tous les cas elle est bien trop absorbée par ses idées morbides pour s’intéresser à la mort de qui que ce soit d’autre.

Dans tout ça, Rolf Rauchensteiner est donc terriblement seul. Seul, et avec un héritage à léguer… ce qui ne joue pas vraiment en sa faveur, au bout du compte, surtout si son entourage a une chance d’influer sur son testament. Son seul espoir à l’issue du premier épisode vient de son fidèle assistant, Herwig, et de l’homme de main grossier mais efficace qui est chargé de sa sécurité, Kralicek, qui vont peut-être trouver d’autres façons de l’aider. Toutes moins légales les unes que les autres, bien-sûr !

Altes Geld est une série que j’ai longtemps voulu voir ; lorsque je l’ai repérée dans les grilles d’une chaîne allemande (j’ignorais à l’origine qu’elle était autrichienne), j’ai découvert sa bande-annonce avec délectation. Il s’agit d’un ovni légèrement bizarre, mais en même temps très en prise avec son sujet, capable de nous donner des scènes terriblement réalistes par la solitude qu’elles dépeignent, mais aussi de nous offrir des moments proches de la loufoquerie (même si Altes Geld ne suscite pas tout-à-fait le rire non plus). Me voilà enfin devant et je réalise à quel point cette série est meilleure encore que son trailer, qui finalement n’avait gardé que les plans les plus étranges. L’équilibre est bien plus solide ici et ça fait plaisir de voir le traitement de ce sujet douloureux ne pas être passé par-dessus la jambe, mais sans prendre les choses totalement au sérieux non plus.

Il m’est un peu difficile de décrire Altes Geld et pourtant, il ne fait aucun doute dans mon esprit que c’est un régal que de la regarder. Le mieux que je puisse faire, c’est prier pour que d’autres la découvrent malgré mon incapacité à la décrire fidèlement. Je sais bien : pour une série autrichienne, ce n’est pas gagné.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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