Heartbreak hotel

1 février 2017 à 13:53

Il est des séries dont on sait avant de les voir qu’elles ne nous sont pas destinées, mais qu’on tente quand même parce que dans le fond du fond, et ce même par les temps qui courent, le téléphage est une créature optimiste qui pense qu’une série peu alléchante sur le papier peut tout de même réserver des surprises.
J’ai dit « optimiste » ? Je voulais dire « naïve ».

The Halcyon a tous les attributs du period drama chiant, de sa distribution pléthorique laissant penser qu’on a ici affaire à un soap plus qu’à un ensemble show, jusqu’à son contexte usé de lieu luxueux permettant de boire, de chanter et de baiser à tout moment d’un épisode sans jamais détonner dans le paysage (en l’occurrence un hôtel de luxe subtilement nommé « The Halcyon »). Et si ces premiers éléments vous semblent peu imaginatifs, accrochez-vous : la review du premier épisode qui va suivre n’a pas fini de vous exaspérer. Dans le sens où je l’entends, j’espère…?

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Au Halcyon, donc, tout va bien. L’établissement célèbre, lorsque l’épisode commence, le cinquantenaire de son existence… Puisque la série se déroule en 1940, vous vous doutez un peu que cela ne va pas durer. Le gala au cours duquel le gratin de Londres s’est réuni dans la salle de bal de l’hôtel, toutefois, est interrompu par les sirènes d’alerte ; comme pour forcer les convives à prendre celles-ci au sérieux, une explosion va bientôt couper court à la soirée.
Or, donc. Tout cela n’était qu’une mise en bouche ! Car The Halcyon retourne plusieurs mois dans le passé, comme le font toutes les séries dont le pilote est profondément dépourvu d’imagination. Son intention de nous inciter à s’inquiéter de qui a pu être blessé par l’explosion ou de la nature des évènements qui ont conduit les personnages à être introduits d’une certaine façon (pour répondre à votre question, oui, il y a un triangle amoureux) est très transparente, mais inefficace. Opérant ce retour en arrière pour à la fois entretenir le suspense et examiner les dynamiques de façon chronologique apparaît pour le processus artificiel qu’il est, et certainement pas pour un trait de génie. Derrière cette intention se cache une incapacité totale à nous donner vraiment envie de connaître la réponse à ces deux interrogations sur la vie et/ou la mort des protagonistes ; l’introduction de The Halcyon est trop courte, trop succincte, et surtout trop superficielle, pour que nous ayons quelque intérêt pour ses personnages.

Pas déboussolé, le premier épisode persiste pourtant à nous raconter les petites histoires de tous ces gens. Et c’est là qu’on comprend que oh mon Dieu, on est devant un énième Downton Abbeylike. Comme si le monde avait besoin d’un ersatz de plus. ITV sûrement… mais le monde ?!

Tout y est : les petites histoires des puissants qui parlent politique européenne (montée du nazisme en l’occurrence, les personnages détestables étant évidemment proches des Allemands), les petites histoires des plus modestes qui travaillent à leur service et dont les préoccupations sont plus triviales. La totale.
…Voire un peu plus : The Halcyon met en place des conflits ultérieurs qui, hélas pour eux, n’émeuvent pas le moindre du monde le spectateur puisque celui-ci les a vus cent fois. Par exemple une jeune femme travaillant à l’hôtel sous la direction de son père le manager est-elle éprise du fils des propriétaires, par exemple, parce qu’en dépit de tous les garçons d’étage et les liftiers et les barmen du Halcyon, évidemment qu’elle est tombée amoureuse du fils d’un Lord, cette idiote. Cet amour est « impossible », bien entendu ; il est socialement inenvisageable, mais The Halcyon insiste tellement sur les battements de cil et les œillades tendres que personne n’a le temps de se faire d’illusion.
Tout est à l’avenant : la prévisibilité de The Halcyon n’a d’égale que son ardeur à essayer de nous faire croire qu’il va se dire des choses intéressantes. Pas du tout une combinaison gagnante.

Entre nous, je le savais que The Halcyon serait chiante comme la pluie londonienne. Tout simplement parce que je sais que ce genre de soaps historiques hebdomadaires n’est pas ma came. Le fait que tant de tentatives aient déjà eu lieu, par le passé, afin de capter le public de Downton Abbey (sur les télévisions britanniques mais aussi bien au-delà), n’arrange rien à cette sordide affaire.
The Halcyon ne met rien en place dans ce premier épisode qui lui soit unique : ses personnages ont été vus cent fois (bien qu’à diverses époques), leurs dynamiques sont une liste de clichés longue comme un jour sans pain rationné, les éléments historiques sont trop épars et simplistes pour avoir le moindre impact.
Si The Halcyon voulait vraiment accomplir quelque chose de personnel, son premier épisode se perdrait-il dans le détail de pas moins de trois soirées différentes au cœur de la salle de bal de l’hôtel, pour nous montrer que la chanteuse sait chanter et que les convives savent boire ? Au-delà de la « carte postale » (certes relative vu l’époque en question), tout est creux. Pour nous émouvoir sincèrement, la série pourrait au moins détailler ses personnages, nous dire qui ils sont et pas seulement quel rôle ils endossent dans le microcosme de l’hôtel, mais rien n’y fait.

The Halcyon n’a rien à dire, mais elle espère que les spectateurs seront nombreux à vouloir découvrir comment elle va ne rien raconter. Je n’ai aucune patience pour une telle série.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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