Introduction téléphonée

22 février 2017 à 20:05

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Paradoxalement, en guise de conclusion à cette mini-soirée spéciale consacrée aux séries mobiles, je veux vous parler… des débuts.

On l’a vu au fil des reviews de ces dernières minutes, la fiction mobile a trouvé ses défis (qui découlent par exemple de la durée moyenne de ses épisodes) et déjà ses sujets de prédilection (le high concept, notamment). La naissance d’une nouvelle forme artistique, fût-elle pour le moment lourdement inspirée de la télévision (on peut imaginer qu’à l’avenir ce soit moins le cas ; par exemple pourquoi des intrigues linéaires ? ou pourquoi ne pas imbriquer la fiction dans l’usage-même du mobile par le spectateur ?), est palpitante précisément parce que, un peu comme un enfant, des premiers challenges sont à surmonter, pendant que des préférences et caractéristiques commencent à émerger.

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Personnellement je suis fascinée par l’évolution du concept de « pilote » dans le cadre de la fiction mobile. Vous le savez, je suis moi-même une pilotovore revendiquée (mes stats parlent pour moi), et je trouve que le cas particulier d’un épisode d’introduction mérite qu’on s’y arrête.
Comme souvent, j’emploie ici le terme de « pilote » comme un raccourci qui permet à chacun de comprendre de quel épisode on parle dans le déroulé d’une série, mais je ne m’aventure pas sur le terrain des conditions de fabrication, lesquelles sont encore variables (s’agit-il d’un pilote commandé à titre de test, comme dans l’industrie télévisuelle américaine ; ou juste d’un épisode introductif mais en réalité pensé d’un seul bloc avec le reste de la saison, comme dans la plupart des télévisions de la planète ?).

Or, donc, le « pilote » de série mobile : quel défi spécifique représente-t-il ? Instinctivement on pourrait parler de la question épineuse (ô combien !) de la durée, et c’était le cas dans ma review de Blanca, d’ailleurs.
Mais produire des épisodes courts, après tout, est faisable. Imaginer une narration courte sur une poignée de minutes, c’est après tout ce que faisaient déjà, dés les années 80, les music videos qui sont entrées dans la popculture grand public ; certes pas sous la même forme exactement, mais avec, quand même, assez souvent, une histoire ayant un début, un développement et une fin. Certains des plus importants artistes musicaux des années 80 ont précisément explosé grâce à la façon dont leurs clips musicaux racontaient des histoires, en complément… ou à mille lieues des paroles de leurs chansons.
Mais, et c’est important, la problématique des « pilotes » des séries de la fiction mobile n’est pas qu’une question de course contre la montre pour raconter UNE histoire. Il s’agit ici non pas de raconter une intrigue, mais de la lancer ; de délivrer des éléments qui attisent la curiosité, permettent déjà de former un lien affectif avec un ou plusieurs personnages, délivrent des pistes de réflexion ultérieures même, bref, encouragent à s’impliquer. Cette nuance, surtout à l’heure de la Peak TV et des attentes que celle-ci suscite chez les spectateurs avertis, est d’importance.
La fiction mobile doit-elle redéfinir ce qui caractérise l’introduction d’une intrigue, de personnages et d’enjeux ? Je le pense et à vrai dire je l’espère. A l’heure actuelle, en dépit de la liberté induite par le support-même de la fiction mobile, la notion de « pilote » reste encore importante, et il ne peut donc être que bénéfique de l’interroger.

Plus largement, en-dehors d’une opportunité commerciale, il n’y a rien d’intéressant dans la perspective d’assister à l’émergence de la fiction mobile… si celle-ci se contente de recycler les standards d’autres supports.

Cela impliquera dans un avenir proche de bousculer parfois les spectateurs, et il y aura des maladresses pendant cette transition. Après tout, la télévision aussi a passé ses premières années d’existence à essayer de se situer vis-à-vis des standards de production de la série radiophonique, et ça ne s’est pas toujours fait sans erreurs.
En tant que spectateurs de ces fictions encore toutes jeunes, il nous revient de réévaluer ce que nous attendons de ces séries d’un genre nouveau : un simple changement de plateforme, qui facilite notre consommation dans le temps et dans l’espace ? Ou une véritable forme narrative avec ses propres codes ? Et dans ce cas, lesquels sommes-nous prêts à abandonner ? Avons-nous l’esprit suffisamment aventureux pour assister à l’émergence d’une nouvelle forme artistique ? Sommes-nous capables de réinventer la façon dont nous abordons une nouvelle série ? La question n’est pas seulement pertinente pour la fiction mobile, après tout : certaines webseries ont réussi à prendre de la distance avec la télévision… beaucoup d’autres ont encore du mal. Et la fiction mobile est plus jeune et immature encore !
Il est intéressant de noter, d’ailleurs, que plusieurs des plateformes de VOD mobile, pour épaissir leur offre, proposent des séries non-originales rachetés aux acteurs de la webserie…

Et puis, il est autre chose à quoi nous devons commencer à réfléchir : si les séries mobiles perdent en linéarité à l’avenir, la question de l’exposition se posera différemment encore… et ce sera passionnant à observer, si cela se produit. Si la fiction mobile doit s’avérer être une révolution, il faudra une fois encore révolutionner notre propre façon de regarder des séries…

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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