Fifty shades of Xenu

3 mars 2017 à 19:21

Utiliser l’expression « sentiments mêlés » à propos du premier épisode de The Arrangement est un euphémisme. Peut-être parce que je ne savais pas trop quoi en attendre… peut-être parce que la série semble pas forcément savoir où elle va non plus. Il faut admettre qu’elle s’est mise dans une position difficile : elle essaye de décrire un univers typiquement glamour (celui de Hollywood) tout en ayant un propos légèrement plus dérangeant que le moyenne (sur fond de mouvement sectaire), en ayant recours à une romance (passage obligé s’il en est) déséquilibrée par des rapports de force (ce qui implique de lourds appels du pied à la fiction de type wish fulfillment), cela en évitant le plus soigneusement de monde de dire le mot tabou (ce mot, pour ceux qui ne suivent pas, est « Scientologie »). Forcément, l’ambivalence n’est pas que de mon côté…

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Megan est une actrice comme il y en a des centaines voire des milliers à Los Angeles, de celles qui au nom d’un rêve passent leurs journées à courir d’un petit boulot à une audition, et qui ont toutes les chances de le faire soit jusqu’à l’obtention du succès tant espéré, soit, plus raisonnablement, jusqu’à en avoir marre et se trouver un plan B. Mais le hasard a voulu que Megan fasse partie d’une minorité dont la trajectoire est encore autre : elle est repérée par Kyle West, l’un des acteurs les plus populaires du moment, avec lequel elle commence, après une rencontre lors d’une audition, une torride passion.
Le conte de fée arrive cependant avec une clause en petits caractères, puisque Kyle lui demande quelques heures à peine après leur rencontre de signer un contrat l’engageant à l’épouser d’ici quelques mois.

The Arrangement reprend les codes avec lesquels son audience est familière pour avoir suivi les émissions de potins de stars sur E! (il y sera question, par exemple, de bearding), essayant à la fois d’introduire une certaine dose de réalisme concernant la vie de Megan avant cette rencontre, mais aussi de vendre du rêve car dans le fond c’est quand même la ligne éditoriale de la chaîne. Difficile de ne pas penser, avec cette histoire de contrat, à la paternité de Fifty Shades of Meh, bien qu’ici ce soit le relationnel et non le sexuel qui soit au cœur de la contractualisation. Quant à l’aspect « Scientologie », auquel The Arrangement fait lourdement référence tout en se protégeant grossièrement de tout potentiel procès, il est pour l’instant très évident mais pas spécialement captivant.
En passant beaucoup de temps avec Megan (les autres personnages se limitent à des stéréotypes simplistes), The Arrangement invite ses spectatrices (ne nous leurrons pas) à s’imaginer dans cette incroyable situation de vivre une aventure qui change le cours entier de leur vie laborieuse. Tout dans The Arrangement renvoie aux innombrables histoires de jeunes femmes parties de rien repérées par un riche et puissant (et si possible séduisant) homme qui va les hisser à son niveau, mais essaye d’humaniser le tout comme le ferait un publicist pour une star : de façon téléphonée et tout de même superficielle, mais capable de faire temporairement illusion, un fish taco à la fois.

Le vrai problème qui se pose pour The Arrangement, c’est qu’au-delà de l’histoire que la série promet de ne pas raconter (celle de Tom Cruise et Katie Holmes, bien-sûr), au-delà du conte de fée hollywoodien cent fois narré, au-delà de la contractualisation stricte de choses privées qui est supposée apporter du piquant à une situation autrement mièvre, il n’est pas très facile de déterminer clairement ce que la série veut dire. Perdue dans une foule de références dont elle promet qu’elles sont de purs hasards (à d’autres !), la série se refuse pour le moment à prendre une position définie : s’agit-il uniquement de raconter une histoire d’amour déformée par le feu des projecteurs ? De mettre en scène une leçon édifiante sur l’endoctrinement de personnes naïves au nom du succès (fut-il romantique ou professionnel) ? De peut-être raconter l’histoire d’une ambitieuse capable de se saisir d’une occasion unique de prendre un raccourci vers le succès ?
The Arrangement se refuse à trancher, et empire par la même occasion le flou qui règne autour de son premier épisode, dans lequel, par voie de conséquence, il n’est permis pour le moment de voir que du pur escapisme. Cela plaira sûrement à certains spectateurs.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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