Dry

21 avril 2017 à 14:00

Quelle bonne idée que de proposer une projection réservée aux pilotes Amazon, aujourd’hui à Séries Mania ! En tant que pilotovore, je ne peux qu’approuver toute initiative de ce type. D’autant que ces pilotes sont parfois difficiles à trouver par soi-même…
Je me suis donc permis de prendre un peu d’avance sur la projection de cet après-midi pour vous parler d’Oasis, une série de science-fiction. Il me semble même que c’est la première série de science-fiction dont Amazon propose ainsi le pilote…

L’histoire ? Celle d’Oasis, un projet pharaonique imaginé par David Morgan, à la tête de la compagnie USIC ; en 2032, les conditions de vie sur Terre ne cessent de se dégrader, et USIC projette d’envoyer le 1% plus riche de la planète vers une nouvelle destination, surnommée Oasis. A terme, cette communauté doit ressembler à un paradis, mais en attendant il faut bien mettre en place la colonie, et ce sont donc des ouvriers et spécialistes divers qui sont envoyés à Oasis pour faire le sale boulot.
Dés le départ, le chapelain Peter Leigh était fermement opposé au projet ; lui qui côtoie la misère au quotidien, il ne pouvait cautionner un tel projet élitiste. Très franchement, David Morgan et lui n’avaient rien en commun, et l’homme de science estimait que la foi n’avait rien à faire dans son projet. Mais à la mort de son épouse, Leigh est contacté par Morgan qui l’invite à partir pour Oasis et servir de chapelain aux travailleurs sur place…

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Avant de parler d’Oasis plus en avant, laissez-moi dire ceci : j’aime sincèrement l’idée d’assister aux débuts difficiles de l’installation sur un autre monde. Lorsqu’on parle de colonies spatiales dans le futur, on aime bien arriver au stade où les choses fonctionnent déjà à peu près, mais on occulte alors totalement les caractéristiques propres d’une colonie, c’est-à-dire l’inconnu, l’effort, le sacrifice… l’exploitation, aussi, souvent. D’une façon générale la science-fiction, surtout du côté de la fiction télévisée, semble préférer mettre de côté les « petits » sur lesquels sont construits les grands projets, ceux qui se sont tués à la tache (parfois littéralement) pour que l’Humanité puisse aller un peu plus loin dans l’espace. C’est la raison pour laquelle j’aime tant The Expanse, quand bien même sa chronologie la situe plus tard qu’Oasis dans le processus ; son désir de parler d’inégalités sociales, de ressources mal partagées, de système capitaliste…

Oasis, un peu comme Outcasts, fait arriver son héros sur une planète qui reste à comprendre voire à dompter. Ses structures sont sommaires, ses ressources élémentaires rationnées, et le travail ne manque pas. A son arrivée, Peter Leigh découvre que le forage de la planète a récemment cessé alors que c’est la seule source d’eau de la colonie ouvrière ; outre le confort des travailleurs d’Oasis, leur survie-même semble ne tenir qu’à un filet d’eau…
Toutefois, le plus surprenant réside dans l’absence de David Morgan lui-même : il part régulièrement explorer la planète, mais a disparu depuis plusieurs jours et la hiérarchie de la station commence à imaginer le pire, et donc à envisager la suite des événements sans le fondateur du projet Oasis. Pourtant, Morgan est partout, et a laissé des messages au chapelain Leigh dans la station. Ces messages sibyllins (« What I tell you in the dark, speak in the light« , une référence biblique) ne semblent pour l’instant pas signifier grand’chose, mais qu’un homme comme David Morgan semble soudain avoir intégré le religieux dans ses communications/préoccupations n’est assurément pas anodin.

Avec cette intrigue centrale, Oasis confirme que ce n’est pas tant la notion de colonie ouvrière qui l’intéresse dans son thème, mais la façon dont l’exploration spatiale, la façon d’envisager l’avenir dans les étoiles, peut et/ou doit s’accommoder du spirituel.
La série appartient à ces séries modernes sur la foi, qui ont tendance à combiner des genres pour parler de croyances au sens large. Dans Oasis, le chapelain Leigh ne se pose pas exactement de questions dans le pilote, mais il admet bien volontiers avoir ses doutes, et par ailleurs est assez transparent sur le fait qu’il a trouvé Dieu assez tardivement, après une vie mouvementée. Sa pratique chrétienne (il se définit comme un chapelain œcuménique) est à l’image de ce parcours, ouverte sur les possibles, sur les expériences différentes, sur une certaine diversité d’opinions. D’ailleurs en acceptant, contre toute attente, de venir à Oasis, il semble essentiellement faire preuve de curiosité, et n’est pas prosélyte pour un sou (d’après mes quelques lectures, cela semble en faire un personnage assez différent de son alter ego dans le livre qui a inspiré la série).
Peut-être que dans le fond, c’est Oasis elle-même qui est prosélyte ; la planète semble regorger de mystères, et David Morgan semble en avoir percé au moins un, si l’enregistrement qu’il a transmis à Leigh est un indice. Les travailleurs de la station sont quant à eux en proie à d’étranges phénomènes, initialement mis sur le compte d’hallucinations dues à l’atmosphère différente d’Oasis, mais potentiellement plus profondes.

En regardant ce premier épisode d’Oasis, j’ai repensé à Aftermath, et sa volonté d’essayer de mêler un genre supposément scientifique (je veux dire… c’est dans son nom !) à des questionnements relevant du religieux. Ce premier épisode fait le choix de ne jouer sur le spirituel que par petites touches, de laisser en suspens toute explication (s’agit-il d’un phénomène médical ? psychologique ? surnaturel ?) ce qui j’espère se poursuivra aussi longtemps que possible dans les épisodes suivants. Ce choix est payant non seulement parce qu’il entretient un suspense, mais parce qu’un peu à l’image du chapelain Peter Leigh parmi les travailleurs d’Oasis, il ne force personne à croire quoi que ce soit.
Oasis pose explicitement la question de savoir pourquoi Leigh a remplacé, au sein des nouveaux arrivants de la station, un spécialiste dont les compétences auraient été nécessaires à l’avancement des travaux, et ainsi, implicitement, met en place un questionnement plus abstrait sur ce qui permet le progrès humain : la science, ou la foi ? Oasis, bien-sûr, semble avoir ses préférences, mais pour l’instant rien n’interdit d’aborder la série avec un point de vue différent.

Il faut noter qu’en dépit de ses thèmes riches, le premier épisode reste imparfait à certains égards. Ainsi plusieurs personnages de la station ouvrière Oasis, et du coup nombre de leurs interactions, sont assez clichés : le responsable de la station, Vikram Danesh, est par exemple prévisible de bout en bout ; la responsable Alicia Reyes ne semble exister qu’au travers de ses interactions avec Leigh ou avec un botaniste du nom de Sy ; quant à la responsable de la sécurité, Sara Keller, elle est Allemande au nom du ciel. Et je ne vous parle même pas de la mystérieuse envoyée de David Morgan, une femme inquiétante répondant au nom de de Vivian Hades. HADES, VRAIMENT ? On n’avait pas moins subtil encore ? Honnêtement, même ce bon chapelain n’est pas très épais ; la plupart des personnages sont décrits par ce qu’ils font, vaguement par ce en quoi ils croient, et pas du tout par ce qu’ils sont. Nul doute qu’un seul épisode d’exposition ne peut pas venir à bout de tout en même temps, et pas mal de nuances plus abstraites sont mises en place par Oasis pour excuser ces lacunes, mais cela pourrait être gênant si la tendance se confirmait sur le long terme. Si long terme il y a, évidemment.
Je suis également curieuse de savoir dans quelle mesure c’est la religion chrétienne qui va monopoliser les discussions sur la foi, a fortiori dans un environnement aussi cosmopolite que la station Oasis. Pour l’instant, les personnages croyants sont tous liés au christianisme, l’alternative étant uniquement l’athéisme ; qu’un hindou ou une juive ne semblent pas s’être glissés parmi l’équipage semble assez étrange à mes yeux, même si le focus doit rester sur l’aspect biblique. Le tout ou rien me gêne, en fait.

Mais aucun pilote n’a pour vocation de résoudre toutes ces questions dans sa première heure ; l’attrait principal d’un pilote, rappelons-le, est non pas sa perfection mais son potentiel, et Oasis ne manque pas de potentiel. J’espère juste qu’Amazon s’en apercevra sans me laisser plantée là, à me demander où la série veut en venir.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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