Holy mother of LOL

19 mai 2017 à 15:41

Bon, eh bien, les Upfronts sont passés, et on a survécu. C’était pas gagné d’avance mais, j’insiste : on a survécu. J’espère que vous pouvez en dire autant de vos séries préférées.
Pour ma part, je peux annoncer avec soulagement que l’une des comédies qui m’avaient charmée à l’automne s’en est bien tirée : American Housewife a gagné une deuxième saison. Et donc me voilà à vous parler de la première, histoire de faire le point.

American Housewife est l’une de ces comédies comme seuls les USA semblent en avoir le secret, qui se penche à la fois sur la vie domestique et sur la société au sens large. Un peu comme Suburgatory avant elle, American Housewife se targue en effet de proposer une critique du monde de la banlieue des classes moyennes aisées, ici en se penchant plus particulièrement sur cet univers à travers les yeux d’une mère au foyer. Dans le monde des banlieues huppées, être parent est en effet autant un style de vie qu’une performance.

Personne ne le sait mieux que Katie Otto, qui fait figure de mouton à cinq pattes dans sa ville du Connecticut, où sa famille habite une modeste maison (en location, en plus), et où elle-même a la particularité d’être plutôt ronde. En fait, lorsque sa voisine d’en face décide de déménager, Katie devient la deuxième épouse la plus grosse de tout Westport, ce qui est plus qu’une description physique : quasiment un jugement de valeur. Fort heureusement, Katie a de la personnalité à revendre, et est bien décidée à ne pas se laisser démonter par l’atmosphère de sa banlieue.

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Ecoutez, vous et moi, nous nous fréquentons depuis suffisamment longtemps maintenant, alors je vais jouer franc jeu avec vous. Sur la liste des bontés d’American Housewife, les qualités numérotées de 1 à 712 portent toutes le même intitulé : Katy Mixon. Déjà délicieuse mais sous-employée dans Mike & Molly (un sitcom trop occupé à tourner autour de Melissa McCarthy pour accomplir quoi que ce soit de valable), Mixon occupe la place qui lui revient de droit. Celle d’héroïne pétillante, explosive, vulnérable, tout à la fois, tirant avantage d’un personnage multi-facettes aux préoccupations très variées.
Initialement intitulée The Second Fattest Housewife in Westport, la série n’ignore ni ne rend centrale la problématique du surpoids de son héroïne ; il y a les épisodes qui en parlent, et il y a ceux qui ont autre chose à foutre. Katie Otto a mille choses à l’esprit, à commencer par ses 3 enfants Taylor, Oliver et Anna-Kat, mais aussi son mari Greg, sa maison en pagaille, son « deuxième petit-déjeuner » quotidien avec ses amies Doris et Angela, ses problèmes de voisinage, son refus complet de se conformer aux normes de parentalité de Westport, les différences de classe sociale… et encore un peu de rab’, à l’occasion. Katie n’est pas conçue comme un personnage de série comique fonctionnant inlassablement sur le même ressort, le même gimmick, le même gag récurrent. Les situations se succèdent et la seule constante, c’est que cette héroïne est forte en gueule, fermement opposée à toute forme de carcan, et incapable d’être totalement libérée de ce même carcan.

Bien-sûr que certains ressorts d’American Housewife sont éculés (comme dit plus haut, d’autres séries sont passées par là avant sur les banlieues et leur culture toxique de la perfection, dont Suburgatory au moins pour sa première saison). Bien-sûr sa critique du monde de la banlieue de la classe moyenne++ n’a rien de novateur. Bien-sûr que la série présente même, pour la énième fois, le personnage de la mère s’auto-proclamant comme imparfaite dans un monde peuplé de mères trop-parfaites-pour-être-honnêtes (cette imperfection revendiquée étant, paradoxalement, une caractéristique commune à la plupart des mères de comédie actuelles).
En revanche, c’est dans la façon d’en affronter les défis que la série brille le plus souvent, pas dans la nature de ces défis à proprement parler. Prise dans des contradictions, Katie s’évertue à rester fidèle à elle-même, tout en reconnaissant qu’il existe une pression externe, et des tentations internes, de se conformer à ce qu’il est attendu d’elle. Parfois il lui faut aussi admettre que se débattre comme un beau diable n’est même pas forcément dans son intérêt, ni quelque chose qu’elle souhaite réellement ; et quand ce n’est pas elle, c’est le reste de sa famille qui aspire à une certaine « normalité », à se fondre dans la masse. Quand bien même chacun est incapable de le faire totalement.

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Ces membres de la famille Otto, parlons-en. J’avoue que j’ai énormément apprécié la connivence entre Katie et Greg ; même s’il est clair qu’il est beaucoup plus réservé et raisonnable qu’elle (dans la plupart des autres comédies domestiques, il faut noter que la dynamique aurait tendance à être inverse), Greg n’hésite jamais longtemps à rentrer dans les délires de Katie. American Housewife nous montre même régulièrement un duo qui se comprend parfaitement, en dépit des différences de tempérament, à un niveau qui relève quasiment de la télépathie parfois. Ça nous évite un bon nombre de querelles/clichés, et ça permet d’offre aux enfants un front uni qui fonctionne vraiment bien, d’autant que Katie et Greg « parentent » à parts quasiment égales (et au pire Katie ne se gêne pas pour remettre les pendules à l’heure).

Côté enfants, soyons clairs, Taylor n’est pas un personnage captivant ; l’aînée de la famille est une sportive à la tête un peu creuse qu’on a déjà vue mille fois (sauf que généralement c’était sous les traits d’un personnage masculin), et quand bien même il lui arrive d’avoir un ou deux épisodes potables, on ne regarde vraiment pas American Housewife pour elle. Oliver est en revanche intéressant : son ambition démesurée, son goût illimité pour l’argent et son amour du capitalisme, lui offrent quelques excellents gags, quand bien même ils se renouvellent peu en cours de saison. C’est en outre le seul enfant de la famille à avoir de bons dialogues, presque du niveau de ceux de Katie ; son interprète est encore un peu vert, mais il apporte souvent du piquant aux scènes familiales, et la dynamique mise en place entre lui et Doris est qui plus est réussie.
Et puis, il y a Anna-Kat, la petite dernière. Je trouve à la fois fin et hilarant le choix d’expliciter clairement la préférence de Katie pour elle (et d’en jouer ensuite, y compris dans le season finale), de la rendre entièrement naturelle (parce que ne nous mentons pas, tous les parents ont leur préféré) et en même temps de la justifier en partie par les TOC de la petite. S’inquiéter régulièrement du développement de leur enfant fait d’ailleurs partie des préoccupations des Otto, et cela donne quelques épisodes et/ou intrigues solides à American Housewife. Ce n’est pas joué sur un ton moqueur, ni lourd, mais au contraire vient s’ajouter à la liste des inquiétudes du quotidien dans la foyer Otto qui lui donnent ce vernis (certes illusoire) d’authenticité.

Au final on se retrouve devant une série qui n’a rien inventé, mais qui sait parfaitement jouer les cartes qu’elle a en main. On peut regretter certains aspects (Doris et Angela méritent un peu mieux qu’une scène de petit-déj par épisode en moyenne ; ç’aurait été sympa de renouveler le contrat de Leslie Bibb au moment de la commande des back 9 ; ce genre de choses), mais globalement cette première saison est réussie, et trouve son propre ton, entre ridicule et affection, et une touche bienvenue d’auto-dérision en sus.
Le charisme de Katy Mixon aidant (Diedrich Bader n’est pas mal non plus, comme toujours), la comédie jongle avec aisance entre malice, sagacité et tendresse. Et je vous le demande : est-ce qu’on a vraiment besoin qu’une comédie familiale en fasse plus ?

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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