Taking the wicket

23 août 2017 à 19:28

Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’opportunité de reviewer le premier épisode d’une série indienne, a fortiori avec le confort des sous-titres. Mais l’air de rien, les plateformes de streaming légal sont en train d’arranger notre accessibilité à la fiction internationale (…à condition qu’elle soit produite par elles, pour certaines régions, mais c’est déjà ça). Inside Edge est ainsi la toute première série produite en Inde pour Amazon. Prochainement c’est Netflix qui proposera Sacred Games. avant la fin de l’année ; la compagnie vient également d’annoncer la mise en chantier de deux autres séries en Inde, Selection Day et Again.
Si vous me passez l’expression : pour quiconque n’a jamais eu accès aux séries indiennes et en aurait la curiosité, it’s a game-changer.

A un détail près : ces séries de la VOD, plutôt que pour s’inscrire dans la longue tradition des soaps du pays, sont conçues sur le modèle occidental. Cela les rend facilement digérables par les abonnés non-Indiens de ces plateformes, qui reste la priorité de ces services même quand ils entrent sur un autre marché télévisuel. En un sens, il faut faire un choix : celui de s’intégrer aux codes de production locaux ou celui d’uniformiser les productions originales, quel que soit leur pays de production. Or ce choix est conditionné par l’accessibilité au public occidental, qui représente le cœur de cible historique… et par les finances. Après tout, jusqu’à présent, ni Netflix ni Amazon n’ont commandé de soap dans quelque pays que ce soit, et ne se sont donc jamais engagés d’entrée de jeu sur une série d’une centaine d’épisodes minimum… même quand c’est la norme dans une région qu’ils investissent.
Inside Edge, en l’occurrence, c’est 10 épisodes d’environ 45 minutes : pas de quoi déboussoler les Américains ou les Européens en termes de format. Certes, on pourra difficilement accuser Amazon ou Netflix d’introduire un changement radical dans les modes de production indiens : la mutation a commencé il y a quelques années déjà (quoiqu’elle se fasse aujourd’hui plus timide qu’à ses débuts), et il existe des séries indiennes, sur les chaînes traditionnelles, qui ne soient pas des soaps quotidiens. Cela reste toutefois l’exception ; aussi il faut souligner que le but du jeu n’est pas pour Inside Edge de s’inscrire dans le panorama télévisuel indien du tout, et que ce ne sera sûrement pas celui des séries de Netflix non plus.

Ca, en tous cas, c’est pour la forme. Et pour le fond ?

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Pour le fond, Inside Edge se déroule dans le monde (très indien) du cricket. L’actrice Zarina Malik, dont la carrière est déclinante, est la co-propriétaire des Mumbai Mavericks, une équipe qu’elle risque de perdre si elle ne trouve pas rapidement quelqu’un qui pourrait l’aider à en financer la survie, après que son partenaire M. Damani ait fait faillite. Elle a enfin trouvé un partenaire en la personne de Parmeshwar Gujral, un puissant industriel à la tête d’une holding portant son nom ; son arrivée au sein du capital des Mumbai Mavericks est providentielle. De son côté, Rayu Raghavan, joueur plein d’avenir, porte une autre partie de l’avenir de l’équipe sur ses épaules : tant que les Mavericks continuent de gagner (et il est leur meilleur joueur), ils continuent de valoir l’investissement. Le problème c’est que l’ego boursoufflé de Rayu n’apaise pas vraiment les tensions, voire aurait tendance à les exacerber. Au milieu de tout cela, un peu par accident (un joueur est blessé et il faut évidemment le remplacer), une jeune recrue est embauchée sans grande pompe. Prashant Kanaujia, qui vient d’un petit village du Nord très traditionnel, et d’une caste mineure, est encore timide et novice. Mais il s’avère être d’un immense talent.

C’est dans ce contexte que le jour-même de la signature du contrat, l’industriel Gujral se retire de l’accord sans explication (en fait à la demande d’un interlocuteur puissant et mystérieux), laissant les Mumbai Mavericks dans la tourmente. Il reste 2 jours, 2 jours seulement, à Zarina Malik pour trouver quelqu’un pour racheter les parts de M. Damani, sans quoi selon les règles de la ligue, l’équipe pourrait être dissoute.

Dans le monde des séries sportives aussi, Inside Edge se montre éminemment classique : une équipe menacée (ce qui est le cas d’à peu près TOUTES les séries sur le sport !), une femme puissante dans un monde d’hommes (c’était déjà une recette utilisée dans 1st & Ten voilà plus de 30 ans !), un jeune joueur ambitieux mais pas encore rodé aux subtilités de l’industrie (cette année on a déjà pu voir des thèmes similaires dans The Warriors, par exemple), on a la panoplie. Peu d’ingrédients retiennent l’attention dans cet épisode, à l’exception des scènes purement introductives, et donc pour l’instant dénuées de tout lien avec l’intrigue principale, nous présentant la sœur de Rayu Raghavan, et éminente analyste des Mumbai Mavericks, la très fine Rohini Raghavan. Son personnage est la seule originalité de cet épisode, mais il est clairement secondaire, à mon grand regret.

En fait, en-dehors d’un vague cliffhanger en fin d’épisode, Inside Edge ne surprend à aucun moment, ne sort surtout pas des clous, surtout pas pour une série de son genre.
Tout simplement parce que le but n’est pas d’y dire grand’chose de novateur, mais avant tout de prouver qu’on va le dire « différemment ». On y baise (dés la scène d’ouverture, bien-sûr, pour que les choses soient bien claires), on y boit, on s’y drogue, on y jure. Bref, on ne vit pas dans Inside Edge comme dans le reste de la télévision traditionnelle ; par contre, pour ces mêmes raisons, Inside Edge rappelle le phénomène plus large des webséries indiennes, où l’on a commencé depuis quelques temps à oser plus de choses, à montrer le vécu et non l’idéalisé, dans tout ce qu’il a parfois « d’obscène ».

Clairement, la série ne révolutionne rien, et à bien des égards, elle ne pourrait être plus conventionnelle. Mais justement, ce qu’elle fait, elle le fait proprement. Et puis Inside Edge a, au moins, le mérite de prendre pour décor un milieu sportif peu exploré par la fiction.
Mais en faisant le choix d’y proposer des intrigues prévisibles mais réussies, je ne sais pas si la série peut charmer son public occidental, qu’elle cherche si ostensiblement à ne pas bousculer. La plateforme aura, en tous cas, réussi le pari de contenter le public indien : cet été, Inside Edge est devenue, parmi les séries proposées par Amazon en Inde, la plus regardée. On aimerait dire que c’est tout ce qui compte et ce n’est pas le cas, mais ça compte, et heureusement.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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