Sur-mesure

22 février 2019 à 8:57

Si vous avez l’impression que les algorithmes de Netflix sont tellement pointus qu’ils arrivent à spontanément créer des séries, je ne saurais vous le reprocher. Quand on regarde une série comme The Umbrella Academy, on a vraiment le sentiment que, bien qu’adaptée d’une œuvre existante, il s’agit d’une série dont la moindre seconde a été paramétrée pour répondre à un critère précis. D’ailleurs, être une adaptation venant avec son premier fandom built-in en fait la première case cochée dans le cahier des charges.
Du coup, les raisons-mêmes de son efficacité expliquent l’ennui suscité. Habituez-vous dés maintenant, parce que, des séries comme ça, Netflix va en commander de plus en plus pour faire du volume sans prendre de risques, tout en s’appuyant sur les séries précédemment vues (ou prochainement vues) par ses utilisateurs.

Tout commence avec une étrange naissance : une jeune fille en maillot de bain glisse un baiser furtif à un jeune homme dans une piscine de Russie. Quelques secondes plus tard, elle est subitement en train d’accoucher alors qu’elle n’était pas enceinte la minute d’avant !
« A la douzième heure du 1er jour d’octobre 1989… », nous indique en ouverture du pilote une voix off distinguée,

« …quarante-trois femmes dans le monde accouchèrent ».

Sept de ces enfants, apprend-on ensuite, sont adoptés par un riche excentrique. Or, il n’est pas vraiment intéressé par eux, mais plutôt par ce qu’il pourra accomplir grâce à eux, sans jamais se soucier de leur bien-être.

Et d’ailleurs même le scénario s’en fout un peu.
En effet, ces orphelins ont des capacités hors du commun, chacun à leur façon. Et si aujourd’hui ils mènent chacun une vie différente, tous sauf un ont abandonné le projet de leur père adoptif, soit se conduire comme des superhéros.

De la même façon qu’ils ont chacun des superpouvoirs, chacun, une fois adulte, a mené une trajectoire bien à lui. En fait, strictement rien ne semble connecter aujourd’hui les orphelins, tant ils sont différents. Qui est une actrice acclamée, qui est un vigilante sans pitié, qui est une autrice introvertie, qui est un drogué exubérant,

qui est une sorte de loup-garou.

Tous ou presque (il y a eu des disparitions tragiques avec les années) se retrouvent à l’occasion du décès de leur « père », un homme pour lequel il n’ont pas vraiment d’affection mais qui sert de prétexte à les rassembler et se confronter.

A partir de ces composants, The Umbrella Academy va composer un cocktail plutôt classique, et c’est bien normal, mélangeant un mystère plus ou moins prenant (plutôt moins que plus, à dire vrai), des séquences d’action, des flashbacks sur l’enfance de nos héros, et même un flash forward.

J’ai dit : UN FLASH FORWARD.

Au bout du compte, il s’avère qu’il va falloir empêcher l’apocalypse, et sans vouloir faire ma médisante je serais quand même plus rassurée si Buffy était sur le coup que ces orphelins.
Comprenons-nous bien : il n’y a pas vraiment matière à s’ennuyer… C’est bien normal puisque le but est précisément de capter notre attention par tous les moyens possibles, n’importe lesquels en fait, pourvu qu’à un moment nous répondions à l’un des nombreux stimuli envoyés. De la même manière il n’est pas totalement possible de détester tous les personnages, d’autant qu’en-dehors du stéréotype qu’ils incarnent, ils n’ont rien à vraiment proposer de dramatique. Donc rien de clivant. Même la vision du deuil dans The Umbrella Academy est très, très sommaire. L’émotion, ce sera éventuellement une fois le poisson harponné, mais pour le moment on se préoccupe surtout de s’assurer que vous passerez le reste du weekend devant la série.

De par son esthétique léchée (même si elle n’a aucune identité propre, comme le reste) et son sens développé du rythme (c’est ça quand on a passé plus de temps à négocier des droits musicaux qu’à peaufiner le script), The Umbrella Academy remplit exactement son office : être l’attraction du moment qui se laisse regarder. Si bien qu’on s’enfile les épisodes sans même y prendre garde, sûrement ; rien que le premier épisode passe en fait assez vite, à ce train-là. Mais comme tant d’autres de séries Netflix, elle n’a pas vocation à être inoubliable. Juste à faire parler d’elle jusqu’à la prochaine sortie de la plateforme.
A un moment, je pense qu’en tant que spectateurs, il nous faudra faire un choix entre notre addiction à l’accessibilité, et notre désir de regarder des séries qui valent vraiment le temps que nous leur consacrons. Mais ce ne sera pas pour ce vendredi, parce que ce vendredi, il y a une nouveauté à tenter absolument.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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