To thine own self be true

12 juillet 2019 à 14:10

Un régime téléphagique équilibré conduit à regarder un jour une série dramatique thaïlandaise sur la culture du viol, et le lendemain une comédie américaine sur un Renaissance Fair (ou Faire, pour faire plus authentique). Je ne sais pas comment vous décrire l’effet de décalage entre le visionnage de ces deux séries à quelques heures d’intervalle ! C’était assez magique.
En fait, curieusement, je crois que ça a beaucoup joué dans mon appréciation d’American Princess. Parce qu’une série n’est jamais vraiment qu’une série : c’est aussi quand, comment, et pourquoi on la regarde.

Résumons : Amanda est sur le point de vivre le mariage de conte de fée dont elle a, très littéralement, toujours rêvé. Tout semble parfait, sauf que juste avant la cérémonie, elle découvre que son fiancé est en train de se faire tailler une pipe par une totale inconnue. Butt dial à l’appui. Dans la panique, Amanda donne un coup malencontreux à la jeune femme, qui se mord la langue puis s’évanouit, non sans avoir au préalable craché du sang sur la tulle délicate des jupons de la future mariée. D’ailleurs de mariage il n’est plus question, puisqu’Amanda s’enfuit, d’ailleurs sans s’apercevoir immédiatement qu’elle n’a pas son téléphone sur elle. Elle débarque sans le savoir à un Ren Faire, qu’elle prend au début pour un mariage à thème, et fait la connaissance de plusieurs forains sur place. Finalement, au terme du pilot (surprise, surprise), Amanda prend la décision d’abandonner sa vie pour rejoindre le festival.

Si sur le papier, American Princess n’a pas exactement inventé le pitch du siècle (la cérémonie de mariage qui tourne au vinaigre, rien que Friends nous l’a faite il y a déjà un quart de siècle), l’air de rien la série tient vraiment un coup de génie avec ce Ren Faire. Amanda débarque là sans savoir de quoi il s’agit, ce qui bien-sûr permet à l’épisode introductif de nous introduire pédagogiquement à tous les codes de ce milieu, et justifie donc une exposition méthodique non seulement des personnages mais aussi de leur univers. Mais c’est parce que cette histoire de Ren Faire, à moins d’avoir regardé en boucle deux épisodes et demi de Gilmore Girls, c’est totalement inédit dans une série. Et c’est totalement loufoque, bien entendu !
Structurellement (Amanda découvre la tromperie, s’échappe, débarque au Ren Faire où elle fait la connaissance de personnages hauts en couleur dont un jeune homme qui n’a pas oublié d’être séduisant) et thématiquement (Amanda plaque sa vie parfaite pour réexaminer des choix qu’elle n’a pas vraiment faits jusque là), American Princess n’invente rien dans ce pilote. Ce qui fait la différence, c’est ce brin de folie partagé par les festivaliers qui est dangereusement contagieux, à plus forte raison parce que les membres du Ren Faire endossent des rôles dont ils se sortent à volonté, ce qui fonctionne diablement bien.

Je dois dire que le timing de ce visionnage était parfait (sans vouloir me jeter des fleurs). C’était exactement de cela dont j’avais besoin après avoir vu le premier épisode de The Judgement le jour précédent, et alors même que je mettais la main sur les épisodes suivants. Une sorte de trou normand ; si j’avais regardé American Princess quelques jours plus tôt, ou au moment immédiat de son démarrage sur Lifetime, je n’aurais probablement pas été si ouverte à l’idée de regarder le premier épisode d’une série qui n’a, en soi, qu’une seule idée originale à son actif. Apprécier son humour (basé sur un effet de contraste assez convenu sur le principe) aurait été autrement plus difficile si je n’avais pas, précisément, eu besoin de me détendre après la scène de viol éprouvante de la veille. Voir Lucas Neff cabotiner comme un diable s’est avéré étrangement bienvenu après le comportement sordide que je venais de voir.
Regarder American Princess n’est ainsi pas nécessairement ce que je veux faire dans les prochains jours, comme ce peut être le cas quand je tombe sous le charme d’une série et que je n’ai qu’elle à l’esprit. Mais c’est, résolument, quelque chose qui va se produire progressivement alors que je continue mon visionnage de séries plus sombres, par équilibre. Et parce que, aussi peu révolutionnaire soit-elle, American Princess a trouvé un ton léger mais tendre qui fait qu’elle est quand même plus qu’un bouche-trou. Elle a des qualités, à commencer par une folie douce et des personnages attachants (pas tant Amanda que ses interlocuteurs), qui lui sont propres. Simplement, ces mérites brillent encore mieux par effet de contraste, parmi mes autres visionnages.

Ces derniers temps je m’interroge beaucoup sur mes goûts et leur évolution. Je me fais de plus en plus la réflexion que certaines séries qui j’apprécie maintenant, si je les avais découvertes il y a quelques années, je ne leur aurai pas donné une seconde chance. Mais quand je regarde dans les archives de mes visionnages, je trouve d’autres séries que j’ai appréciées à l’époque ; de fait, il est possible que j’ai une vision biaisée, après coup, de mon supposé élitisme passé. Il est en réalité possible que mon snobisme téléphagique ait à la fois été sur- et sous-estimé, et qu’il le soit encore.
La vérité c’est que mon idéal de ce que devrait être une bonne série varie en permanence, fluctuant en l’espace de quelques heures selon… eh bien, une multitude de facteurs, vraiment. Parmi lesquels mes visionnages récents, entre autres. Il me semble de plus en plus difficile, a fortiori alors que ma consommation de séries est plus variée que jamais, de définir ce que j’attends d’une série. Peut-être que je suis en train d’accéder à un stade de ma téléphagie auquel je n’attends plus rien, si ce n’est la satisfaction de voir une série débarquer au moment qui convient à mon humeur et mon besoin du moment.

Ce serait évidemment trop simple, dans le fond je sais que je continuerai d’être déçue par certaines séries… mais pour le moment, laissez-moi me repaître de la sérendipité de ma semaine téléphagique.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Tiadeets dit :

    Ce genre de petites découvertes qui arrivent parfaitement au moment où on en a besoin me ravit toujours. Il y a un sentiment que les planètes étaient alignées comme il fallait pour nous faire passer un bon moment.

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