À la casse

17 décembre 2021 à 21:56

L’un de mes plus grands regrets de 2021 (à part, vous savez, avoir dû vivre en 2021) aura été de n’avoir pas trouvé le temps et/ou l’énergie de faire une review complète de Superstore, malgré mon marathon de l’été dernier très concluant. Vous me direz, il reste encore environ quinze jours avant de finir l’année, mais j’ai tendance à ne pas voir l’intérêt de commencer une review 6 mois après avoir vu les épisodes (si je l’avais commencée à l’époque mais qu’elle n’était pas finie, ç’aurait été différent). Il faudra donc faire sans, alors que pourtant je n’aurais eu quasiment que du bien à en dire.

Fort heureusement, NBC se porte à mon secours en lançant American Auto, qui est de façon assez transparente une tentative de recréer la magie de Superstore, mais avec une distribution (majoritairement) différente, et en se déroulant dans un milieu professionnel différent. Sur le fond comme sur la forme, toutefois, l’entreprise ne trompe personne… à une nuance près. Mais une nuance d’importance.

Payne Motors était jadis un géant automobile américain, secteur qui n’est aujourd’hui plus que l’ombre de lui-même. La compagnie, comme tant d’autres, se cherche désespérément un nouveau souffle, et celui-ci se matérialise par l’embauche au poste de PdG de Katherine Hastings, une exécutive venue de l’industrie pharmaceutique, pour remplacer le PdG précédent parti à la retraite. Le premier épisode d’American Auto commence alors qu’elle vit son premier jour dans l’entreprise, qui tombe au moment où Payne doit annoncer en grandes pompes son nouveau modèle, la Ponderosa. Or, pendant le briefing, l’équipe découvre un énorme problème dans le logiciel de conduite automatique de la Ponderosa : celle-ci est paramétrée pour… s’arrêter pour les piétonnes blanches, mais ignorer et donc renverser les personnes racisées. Oui, la Ponderosa est une voiture raciste !!! Et il ne reste que quelques heures pour trouver quelque chose d’autre, n’importe quoi, à annoncer à la place de l’intelligence artificielle biaisée de la voiture.

American Auto prouve dés ce premier épisode qu’elle est disposée autant que l’était Superstore à utiliser l’univers dans lequel elle se déroule comme un tremplin, afin de critiquer à la fois la société de consommation américaine, et plus largement la société américaine. Les questions raciales, récurrentes dans Superstore, sont donc l’objet de la toute première intrigue de cette nouvelle série, sans grande surprise.
Au cours de ce premier épisode, la série va aussi évoquer d’autres aspects, qui tiennent plus à l’identité de ses personnages. Katherine Hastings, par exemple, ne connaît rien aux voitures ; non seulement elle vient d’une industrie différente mais en plus elle ne s’intéresse pas au produit lui-même (elle estime que c’est même sa force, de la même façon qu’un trafiquant de drogues ne consommerait pas sa propre came). En fait, elle n’a même pas le permis ! Cela choque, bien-sûr, ses employées, et notamment la directrice du marketing Sadie, ou Wesley, l’héritier de l’ancien PdG qui était certain qu’il allait aussi hériter de son poste ; toutes les deux ont grandi, comme tant d’autres Américains, dans l’idée qu’une voiture est un symbole autant qu’un outil de liberté, et plus largement, une part intégrante de leur identité. American Auto essaie de désosser le mythe, tout en l’utilisant pour ridiculiser la façon dont Katherine vend des voitures comme elle a vendu des pilules : sans affect, ni même considération pour les conséquences autres que le chiffre d’affaires. En cela, elle est à la fois très compétente et ridicule, comme l’était Glenn dans Superstore (elle est par contre moins attachante).

Mais l’angle a changé : American Auto, au lieu de se dérouler aux côtés des « petites mains » de Superstore (les employées d’une grande surface parmi tant d’autres, sans aucun pouvoir de décision ni même pouvoir tout court), la nouvelle comédie de Justin Spitzer se déroule dans les bureaux où l’on prend les décisions. A l’exception d’un personnage (un mécanicien qui, au fil de ce premier épisode, va se rendre important et finalement être… promu dans les bureaux), tout le monde dans American Auto est très éduqué, et mène un train de vie confortable loin des préoccupations des employées de ses usines ou même de ses concessionnaires. On y subit la loi du marché, on y craint la réaction de la presse ou du grand public, mais globalement, on vit bien. Là où Superstore était un manifeste sur la survie (et le droit à faire mieux que survivre) de celles qui vivent au bas de l’échelle du consumérisme américain, American Auto se préoccupe de celles qui en sont la cause, et je trouve ça personnellement moins engageant.
Je lis qu’apparemment, American Auto avait été pitchée à NBC avant Superstore, alors que son créateur venait de travailler au sein de l’équipe de The Office ; je vois absolument dans quelle mesure American Auto serait le maillon manquant dans cette progression. Mais passer après Superstore pour n’en tirer que les aspects superficiels (le type d’humour, les collègues incompétentes et/ou caricaturales, la romance au boulot… et même l’acteur Jon Barinholtz dans exactement le même type de personnage), ça laisse un goût amer dans la bouche. On a l’impression d’une photocopie et d’une régression en même temps, je ne savais pas qu’il était possible de faire un tel grand écart, mais American Auto fait montre d’une fascinante flexibilité dans ce domaine.
Je ne doute pas qu’en laissant un peu de temps à la série, je pourrais développer un peu de tendresse pour une à plusieurs de ses protagonistes, malgré tout, parce que les workplace comedies s’y prêtent généralement très bien, surtout si on leur laisse une à deux saisons pour faire leur effet (je vous l’accord, c’est un « si » massif par les temps qui courent). Sur le fond, pourtant, je vois mal comment la dynamique pourrait être corrigée. Et ça suffit à me couper toute envie de vérifier.


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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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