Deșteaptă-te

17 mars 2022 à 21:33

On ne s’en est pas forcément rendu compte, mais le 8 mars dernier, la plateforme HBO Max s’est établie dans une quinzaine de nouveaux pays européens. Comme la Scandinavie ou l’Espagne avant eux, il s’agit de pays qui, pour la plupart, ont déjà accès à HBO à la télévision linéaire depuis de nombreuses années, et en particulier à HBO Europe, historiquement l’une des premières expansions internationales de la chaîne câblée.
Ca s’appelle jouer la carte de la sécurité, d’autant qu’outre un public déjà acquis à la marque, HBO possède également des partenaires dans l’industrie locale, où des séries sont produite depuis des années. C’est ce qui explique, en grande partie, pourquoi HBO Max évite aussi bien la France : il n’y a pas vraiment de préexistant sur lequel bâtir.
En revanche, la prochaine vague devrait être un peu plus intéressante, avec le lancement d’ici les prochains mois en Turquie notamment ; d’ailleurs, pour préparer le terrain, HBO Max vient de recruter des exécutives ayant travaillé pour quelques unes des plus grandes sociétés de production turques, histoire de ne pas débarquer les mains vides le moment venu.

De la même façon, le lancement de HBO Max ce mois-ci s’accompagne de nouveautés locales : la plateforme en a profité pour lancer une nouvelle série roumaine, Ruxx, un drama qui porte le surnom de son héroïne principale.

Intelligente et organisée, Ruxana est une femme sur laquelle on peut compter… et c’est précisément ce que fait son entourage, dans toutes les facettes de sa vie. C’est vrai lorsqu’il s’agit de soutenir sa sœur Cristina, une jeune femme divorcée qui s’est reconvertie en présentatrice télé et a un problème de plus en plus évident avec la boisson ; pour elle, Ruxx est la confidente, l’infirmière, et la voix de la raison. C’est vrai lorsqu’il s’agit de leurs parents, un couple âgé et conservateur, qu’elle aide aussi bien financièrement que moralement. C’est vrai sur son lieu de travail, un cabinet d’architecture où elle est le bras droit d’Eugen Moscu, dont elle gère les affaires personnelles autant que professionnelles. Bref, tout le monde peut compter sur Ruxana… sauf elle-même.
Quand commence le premier épisode de Ruxx, la jeune femme a cependant pris une grande décision : partir commencer une nouvelle vie aux USA, où elle s’apprête à rejoindre la personne qu’elle aime. Le seul problème c’est que pour le moment, seule Cris est au courant.

En la suivant pendant 48h, cet épisode d’exposition essaie d’établir toutes ces dynamiques, ou plutôt, la façon dont cette même dynamique se répète, quoiqu’avec quelques nuances.
Et en un sens, ça m’a fait du bien. Beaucoup de séries se seraient intéressées à Cristina plutôt que Ruxana, à la sœur perdue qui doit se confronter aux critiques dures de leurs parents, à la femme se cherchant désespérément une porte de sortie de la spirale dans laquelle elle semble s’être enfoncée, à celle des deux célibataires qui couche à gauche et à droite… La plupart des séries auraient préféré la plus bordélique des deux. Mais Ruxx n’est pas attirée par le chaos, en tout cas, pas dans ce sens-là.
La série s’attarde au contraire sur la façon dont son héroïne garde la tête froide, prend sur elle, essaie de toujours faire les choix les plus raisonnés. C’est quelqu’un qui résout des problèmes, et en particulier, les problèmes des autres. C’est d’ailleurs bien la raison pour laquelle Ruxana va partir : parce que cette fois, il faut qu’elle pense un peu à son propre bonheur. Le premier épisode suit les 48 dernières heures qu’elle a prévu de passer en Roumanie, les 48 dernières heures qu’elle a prévu de passer à penser aux autres.

Il n’est pas très difficile de deviner, en partie, ce vers quoi ce premier épisode se dirige. On n’établit pas une petite douzaine de personnages dans un pays que l’héroïne de la série va quitter… mais c’est ça qui est intéressant. Cette promesse que la vie de Ruxana n’a pas besoin d’être délocalisée pour qu’elle essaie (réussir est encore une autre question) de penser un peu plus à elle. Apprendre à laisser les autres gérer leur chaos, histoire, peut-être de cultiver le sien propre.
A ce thème de sacrifice volontaire à la fois banal et coûteux, Ruxx en ajoute quelques autres, qui s’intéressent moins à son héroïne qu’à ce qu’elle représente. Bloquée entre son envie d’aller de l’avant (et de l’avant vers les USA, ce qui n’est pas dénué de symbolisme) et ce qui l’attache au monde qu’elle a toujours connu (sa vie en Roumanie), et désireuse jusque là de rendre service à tout le monde, Ruxana interagit avec toutes sortes de personnes, venues de toutes sortes de groupes socio-culturels roumains. Elle va même se retrouver au milieu d’une campagne électorale pour les municipales qui va toucher à la fois sa vie professionnelle et privée…
Ruxx est la radiographie d’une Roumanie qui veut changer ; mais le peut-elle ?

Ruxx mélange tout cela sans avoir l’air d’y toucher, préférant un ton de chronique lumineuse à un drama intellectuel (ou même un thriller politique). Il y a quelque chose de léger dans sa façon d’effleurer les portraits, sans laisser Ruxana dévoiler ses émotions frontalement à quiconque, pas même les spectatrices ; pas ce voix-off ici, et pas de grands discours. Ruxx est une invitation à prendre le temps d’apprécier et d’absorber les émotions qui bruissent sous la surface de ses intrigues.
Au point que par moments, c’est presque surprenant de ne pas être plus prise par la main. Surprenant, mais pas désagréable…


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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

2 commentaires

  1. Tiadeets dit :

    C’est toujours intéressant de regarder les premières séries originales de nouvelles plateformes dans un pays et ce que ça nous dit du pays et du paysage audiovisuel de celui-ci. J’interagissais avec pas mal de Roumaines au collège grâce à des échanges scolaires et c’est intéressant de voir que certains questionnements que j’entendais à l’époque résonnent toujours aujourd’hui.

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