I (almost) kissed a girl

31 décembre 2022 à 22:17

En Asie, 2022 aura été l’année de la romance, et notamment de la romance LGBT. La croissance des séries dites BL (« boys love« ) en Thaïlande, mais aussi dans une moindre mesure en Corée du Sud et au Japon, qui s’accélérait depuis quelques années, a semble-t-il atteint son point d’orgue avec la popularité phénoménale, et surtout mondiale, de KinnPorsche. Des plateformes comme GagaOOLala ont grandement profité et contribué à cet élan, d’ailleurs. Je ne suis pas la meilleure placée pour vous en parler avec passion, eût égard à mon absence totale d’intérêt pour les séries reposant en grande partie sur la romance, sans parler du fait que je ne suis pas le public-cible des BL ; aussi je ne peux que vous encourager à aller suivre, écouter, et discuter avec Gab, l’un des mecs les plus calés et investis que je connaisse en la matière, et qui a justement établi un top de ses BL préférés de l’année, ce qui peut vous mettre le pied à l’étrier.

Les GL (« girls love« , du coup) sont en revanche moins prolifiques, mais pas totalement absents. Et je m’étais promis de vous toucher deux mots de GAP, une romance thaïlandaise lancée en fin d’année. On est le 31 décembre, il est encore temps, alors allons-y.

Voilà 12 ans que Mon a un béguin pour Sam, une jeune femme de sang royal qu’elle a rencontrée alors qu’elle n’était qu’une toute petite fille. Leur rencontre a été brève : l’adolescente a sauvé Mon d’une voiture qui risquait de la renverser, et Mon a, en quelque sorte en échange, proposé d’héberger Sua, son chien, que Sam ne pouvait pas garder. Mon a été touchée par la gentillesse et la douceur de Sam, et n’a pas réussi à l’oublier. Depuis ce jour, Mon suit toutes les apparitions publiques de Sam, collectionne ses photos, lit les articles qui lui sont dédiés. Et elle ne rêve que d’une chose : pouvoir la rencontrer, un jour… et plus si affinités.
Mon n’est cependant pas une rêveuse passive : pour faire de ce rêve une réalité, elle a suivi la même voie que Sam, pris les mêmes cours, intégré la même université. Et lorsque GAP commence, elle s’apprête à aller passer son premier jour à Diversity, la compagnie que dirige Sam depuis 4 années. L’excitation est à son comble !

…Et elle va vite déchanter. Certes, son cadre de travail à Diversity est fantastique, et ses collègues adorables et drôles. Tout le monde lui fait un excellent accueil et chaque personne qu’elle rencontre pour la première fois ce jour (…même la chargée des RH ? elles passent pas d’entretien d’embauche les Thaïlandaises ?!) est absolument charmante. Mais c’est aussi ce qui lui permet d’être mise dans la confidence rapidement : Sam est une boss sévère. D’ailleurs si jamais Mon avait le moindre doute à ce sujet, elle va être témoin d’une réunion de staff qui conduit deux employées à être virées sèchement par Sam, faute d’avoir respecté une des règles élémentaires imposées par la dirigeante : PAS DE RELATIONS AMOUREUSES AU TRAVAIL.
Ce premier épisode de GAP aborde de façon intéressante non seulement la mise en place de l’intrigue et des personnages, mais aussi les clichés auxquelles la protagoniste un peu trop romantique croyait si facilement. Mon s’était convaincue que rencontrer Sam à nouveau, après toutes ces années, allait se passer comme dans ses rêves les plus fous, quand elle s’imagine dans ses bras, en train de l’embrasser. Elle s’était aussi convaincue qu’une brève interaction plus d’une décennie plus tôt lui avait permis de comprendre en profondeur l’essence de la personnalité de Sam. GAP ne recule pas devant le défi d’explorer cette déconvenue, d’autant mieux explorée que Mon s’en ouvre (en partie) à ses parents, et essaie de rationnaliser ses choix jusque là. Parce que, ce qu’elle a fait pour son crush a quand même déterminé la majeure partie de son existence depuis 12 ans, quoi… D’entrée de jeu, cet épisode d’exposition ménage donc un aspect moins superficiel qu’il n’y paraît.
En outre les fantasmes romanesques de Mon servent un deuxième objectif : give the people what it wants. Chaque fois que, des étoiles dans les yeux, Mon s’imagine s’approcher des lèvres de Sam, eh bien c’est ça de scènes romantiques que GAP peut fournir à ses spectatrices, quand bien même les deux protagonistes ne sont techniquement pas en couple dans l’histoire. C’est bien joué aussi !

Fort heureusement, l’introduction de GAP ne s’arrête pas à la perspective de Mon. Dans la deuxième moitié de l’épisode, la série nous invite à suivre, cette fois, la perspective Sam. Et comme le supposait avec beaucoup d’acuité la mère de Mon (un personnage que j’ai aimé d’emblée, me faut-il préciser), le tempérament froid et sévère de Sam vient en fait d’une vie compliquée. D’abord parce que sa compagnie n’obtient pas les résultats financiers espérés ; et plus que la faillite, c’est l’échec d’un projet qu’elle espérait pouvoir porter avec fierté qui lui fait peur, car l’alternative, c’est… ma foi, le mariage. Avec un homme (Kirk). Choisi par sa grand’mère, une femme autoritaire qui pense que cette histoire de travailler, ça commence à bien faire, il faut faire des bébés maintenant. Il y a donc beaucoup en jeu derrière le succès de Diversity. Bon, ça n’excuse pas le fait de terrifier ses employées, mais disons que ça l’explique.
Il faut noter que GAP se déroule dans un univers extrêmement hétéronormé ; même si le béguin de Mon semble accepté par sa meilleure amie, toutes les autres interactions des personnages présupposent l’hétérosexualité : les fiançailles avec Kirk (qui a l’air compréhensif mais je ne suis pas certaine d’à quel point), l’ami de Mon qui aimerait clairement être son petit-ami, même le couple qui se fait virer de Diversity… Et donc l’un des enjeux, et il est de taille, semble être que non seulement les circonstances individuelles s’opposent à l’union de Mon et Sam (…pour le moment), mais aussi, plus généralement, le monde où elles vivent. Ce n’est pas rien de le rappeler, parce que l’univers un peu rose bonbon de la série, où tout le monde (sauf la grand’mère, certes) est gentil, pourrait le faire oublier. Mais si GAP n’en discute pas encore franchement, en tout cas dans ce premier épisode, elle prépare le terrain.

GAP démontre donc avec cette entrée en matière un don pour à la fois promettre des choses douces, développer des axes plus complexes, et déjà délivrer, quoique de façon détourner, ce pour quoi ses spectatrices sont venues. L’épisode se regarde avec légèreté : c’est une romcom assumée. Mais pas au point d’être totalement irréaliste, comme certaines romances ; d’ailleurs j’ai trouvé que dans plein de petits détails, cette introduction de GAP s’arrangeait pour ne pas sortir des prétextes pour tout et n’importe quoi, motivant pas mal de petites décisions ou d’interactions (l’équipe de Diversity est a-do-ra-bleuh) pour éviter que tout n’ait l’air trop sorti d’un conte de fées. Cela correspond bien à l’équilibre que tente de trouver la série entre son sujet romantique et son désir de l’ancrer dans une réalité où la romance ne va pas de soi, les choses étant moins heureuses qu’espéré.
On est d’accord que ça n’est pas exactement le genre de série que j’ai envie de suivre, mais en tout cas, tester cet épisode ne m’a causé aucun déplaisir, et c’est vraiment pas quelque chose que je peux dire de toutes les romcoms. Vous en êtes souvent témoins !


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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

4 commentaires

  1. tiadeets dit :

    Ravie de te voir parler de cette série ! On attendait un drama GL (enfin un vrai avec de longs épisodes parce qu’il y en a beaucoup de courts venant de Corée sur Youtube) et je suis pour ma part ravie de mon visionnage. Il faut y aller en partant du principe qu’on va nous donner un vrai bon lakorn pur jus, mais avec des lesbiennes. Ca ne gagnera pas de prix, ça n’est pas parfait. Mais c’est suffisamment bien fait pour être divertissant, bien exploiter les tropes du genre, et nous faire revenir chaque semaine. Et vraiment que demander de plus pour une série du genre !

    • ladyteruki dit :

      Même si je comprends la déception du « oh bah c’est déjà fini ? moi j’aurais regardé ça pendant plusieurs heures encore », j’avoue que j’ai du mal à ne pas compter les séries courtes (coréennes, chinoises ou japonaises d’ailleurs) dans le lot. Donc oui, GAP sort du lot, mais il y a quand même une nette augmentation du nombre de GL produit en quelques années.

      • tiadeets dit :

        Ah mais j’en regarde beaucoup, si tu vas voir les fiches MDL de films courts GL et de dramas courts, tu verras possiblement mon nom (enfin alwennia), vu que j’écris beaucoup de reviews dessus. Mais on reste quand même surtout sur des webdramas de producteurs indés (surtout du côté coréen et chinois). Hors Japon qui en a depuis quelques temps, même si c’est rare, et Taiwan qui en a aussi produit quelques uns (même si bon c’était pas très joyeux). Il y avait des arcs narratifs avec des personnages secondaires dans quelques dramas thaïs, mais là on est sur le vrai premier drama thaï complètement GL qui est diffusé sur une grande chaîne (Channel 3 qui a 52 ans me dit Wiki). On est enfin sur une série qui reçoit le même traitement que les autres (juste sans les placements de produits de partout encore, mais si ça fonctionne, ça ne saurait tarder et voudrait dire qu’on va en avoir plus).
        Les autres GL coréens par exemple, on est sur le même modèle que ce que fait Strongberry par exemple. C’est indé, c’est juste en ligne, c’est souvent avec des petites productions qui passent par le crowdfunding et consorts.
        Pour ceux avec des épisodes plus longs du coup et qui sont diffusés soit à la télé, soit sur des plateforme (hors Youtube du coup) :
        J’ai bien aimé Couple of Mirrors en Chine, mais on est sur du censuré par exemple. Handsome Stewardess n’est au final, pas vraiment une romance. L’autre taïwanais dont j’ai oublié le nom, mais avec Flowers dans le titre finit mal. Dans pas mal de ceux dont j’ai entendu parler qui viennent du Japon, ça finit mal. Et comme je le disais en Thaïlande, on n’avait pour l’instant que quelques couples secondaires.
        Donc oui, il y en a d’autres, mais pour l’instant, il n’y en avait pas sur le même modèle que les BL rempli de clichés du genre avec des longs épisodes diffusé à la télé, un couple central féminin, des PDA, une fin heureuse (même si la série n’est pas finie, c’est du sûr), et le même type de promo de couple. Il y en a eu qui ont rempli certaines de ces cases, mais pas toutes. Cette année, on devrait en avoir d’autres cela dit. Notamment 23.5 degrees qui reprend les mêmes actrices qu’on a vu dans Bad Buddy et à qui on avait déjà donné un épisode spécial et faisaient déjà du pair branding.

        • ladyteruki dit :

          Encore une fois je ne nie pas que GAP est significative 🙂 Mais ça m’ennuie d’écarter les autres juste parce qu’elles ne seraient que ci ou que ça. Elles existent, is my point. Et elles font partie d’une constellation qui est vraiment fascinante (surtout dans des pays réputés peu propices à l’expression des communautés LGBT… on n’a pas du tout d’équivalent à un tel boom, par exemple, en France).

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