New rules

6 janvier 2023 à 23:11

Note : en raison de la fermeture soudaine, en avril 2023, de la plateforme uTip, une partie de cet article n’est plus d’actualité. La nouvelle plateforme pour les contributions est désormais Ko-fi. Le fonctionnement y est, cependant, le même que celui décrit dans cet article.

Nouvelle année, nouvelles règles.
Je vous le disais dans mon bilan de 2022 : les derniers mois m’incitent à revoir de fond en comble mon fonctionnement dans ces colonnes. J’avais aussi promis qu’on parlerait de uTip une fois les fêtes passées, et du coup, eh bien, c’est aujourd’hui ce à quoi on s’attèle dans le premier article de l’année.
Mais en fait, ne l’envisagez pas comme un article, pas vraiment : j’espère plutôt qu’il s’agit-là de l’ouverture d’une discussion.

La panne d’écriture (faute de trouver un meilleur terme) qui a eu lieu pendant plusieurs mois l’an dernier n’était pas, loin s’en faut, mon seul problème : toute ma santé mentale était dans un état déplorable. Et plus mes finances allaient mal, pire c’était. Et du coup je n’arrivais pas à écrire. Ce qui me faisait honte. Et ce qui n’arrangeait pas mes finances. Forcément, ce qui n’aidait pas ma santé mentale.
Un cercle vicieux dont je n’arrivais pas à me sortir, et même en décembre, alors que je voulais essayer de rattraper un peu du temps perdu (au moins en partie, quoi) avant la fin de l’année, je me suis retrouvée enlisée plusieurs fois dans ces mêmes mécanismes.

Alors pour 2023, rompant avec la tradition mise en place pendant plus de 3 ans, j’ai décidé d’en finir avec les objectifs chiffrés.
C’est vrai pour vous : désormais la page uTip n’affiche qu’un objectif financier, qui correspond tout simplement à la somme dont j’ai besoin pour régler mes factures et celles de Tomcat (pas fun fact : les factures vétérinaires, devenues mensuelles, n’étaient pas prises en compte dans les objectifs créés au tout début de la mise en place du système).
Et c’est vrai pour moi : j’ai cessé de garantir un certain nombre d’articles par semaine et donc par mois, l’idée étant de me laisser écrire quand j’en ai envie, et seulement dans ces cas-là. Ce dernier point est, pour être honnête, prévu comme transitoire : je veux réparer ma relation à l’écriture, et j’espère que lorsque ce sera fait dans quelques temps, je pourrai revenir à plus de stabilité. Mais je ne sais pas combien de temps la transition durera (ni si j’aurai envie de nécessairement changer le système plus tard). On verra bien.

Pour la petite histoire, ce n’est même pas ce que j’avais en tête quand j’ai évoqué un changement de système fin décembre : je voulais changer les objectifs en les rendant plus flexibles. Dans mon brouillon d’alors, les objectifs indiquaient une fourchette pour le nombre d’articles par mois. Ce qui m’a fait changer d’avis ? Trois crises d’angoisse, croyez-le ou non ; personnellement j’ai du mal à croire que j’en sois au point de faire des crises d’angoisse juste pour changer les modalités d’un compte uTip, mais c’était clairement un signe que j’essayais de me faire violence pour rien. Il fallait viser plus grand qu’un simple ressemelage des objectifs, et c’est donc chose faite.
Je suis consciente que ces changements sont moins incitatifs pour vous, en tant que contributrice ou contributrice potentielle. Il se peut qu’il y ait parfois des mois où vous n’en aurez pas « pour votre argent » (quel que soit l’emplacement du curseur pour vous), parce que je n’aurais pas écrit « assez » (et vous mettez derrière ça le sens qu’il vous plaira). On va être claire : ça m’angoisse aussi. C’est même la raison d’être des objectifs, à la base : m’assurer que le soutien que vous m’apportez ne se fait pas « pour rien », et que je vous donne une contrepartie à la hauteur de l’aide que vous m’apportez. Quand bien même j’avais lancé ce programme parce que j’avais besoin d’aide, je ne voulais pas juste « prendre », je voulais avoir quelque chose à offrir en échange. L’expérience a démontré en 2022 que je ne suis pas toujours capable de donner cette contrepartie. Je suis sincèrement reconnaissante (même si je devrais le dire plus souvent) envers les contributrices qui ont tenu bon malgré les mois de silence sur ce site et, même, sur les réseaux sociaux. Et ce, même si je me sens infiniment coupable.

Pour ma part, je veux réapprendre à avoir plaisir à faire les choses. L’an dernier, j’ai été obligée de reconnaître que ce n’était plus toujours le cas… et que c’était bien de ma faute. Quelques exemples de choses qui ont eu lieu, et qui n’auraient pas dû :
– Les pilotes de l’Enfer. Vous savez comme moi que j’adore parler du premier épisode d’une série (plus de 1600 articles sur ce seul tag ne sauraient mentir). Sauf qu’à plusieurs reprises, j’ai reviewé un premier épisode parce que « il faut parler de quelque chose ce soir, je n’ai pas fini ma review de demain, je n’ai qu’à parler de CE pilote qui ne m’a pourtant pas inspirée ». Plusieurs fois par mois, certains mois. Il n’y a pas d’autre explication à l’existence d’une review de King of Stonks.
– Un pilote, c’est trop peu. Le problème inverse du précédent : j’aime le premier épisode d’une série, mais je pense que ce serait plus intéressant et constructif de parler de toute la saison. Alors je ne parle pas du premier épisode (parce que je vais quand même pas dédier plusieurs reviews à une même série quand il y a tant de séries à aborder !), j’attends d’avoir vu toute la saison. Ce qui ne se produit que 6 mois plus tard. Ou jamais. Très souvent jamais, quand bien même je me promets de recommencer le visionnage depuis le début pour avoir les idées en place pour enfin finaliser la review. Surtout dans ces cas-là, d’ailleurs. Spin-off de ce problème : j’ai trouvé du temps pour voir tous les épisodes de Paper Girls sauf le dernier. Du coup, pas de review. On est bien avancées.
– Ecrire pour écrire. Il y a une review à écrire et j’ai vu la série, et jusque là tout va bien… sauf que je « dois » 4 reviews cette semaine. Pas le temps de chercher à faire de la grande prose. Alors, coucher sur papier quelques banalités. Essayer pour la 712e fois cette année de dire pourquoi cette série est intéressante ou atypique, et au final avoir l’impression de toujours commencer les articles de la même façon : j’appelais ça un article cette série is not like the other girls, parce qu’au final je baragouine toujours un truc comme quoi « Netflix fait jamais ça mais là devinez quoi elles l’ont fait » ou « d’ordinaire les séries de ce genre donné n’existent pas dans ce pays, mais là je vais en reviewer une ». Me décourager devant autant de clichés. Haïr ce que je fais parce que j’ai le sentiment de le faire mal.
– Les reviews mal écrites. Passer quatre plombes sur la présentation des personnages, mais quand même avoir l’impression d’avoir rédigé une fiche de lecture niveau 3e. Ne pas être capable de formuler des phrases de moins de 10 lignes. Commencer à écrire et avoir oublié ce que je voulais dire ; me rappeler le lendemain des axes que je voulais aborder et ai complètement oublié avant publication… par contre j’ai passé trois paragraphes sur la même idée (syndrome The Bear). Réécrire 712 fois le même paragraphe et au final les phrases ressemblent plus à la créature de Frankenstein qu’autre chose.
– Les recherches pour rien. Commencer une review, réaliser qu’il y a de la lecture à faire sur sa production, ou un évènement l’entourant, ou son sujet-même. Se lancer dans des recherches. Fatiguer. Ne pas réussir à se concentrer. Se dire que personne ne lira. Ou, au contraire, se dire que ce serait mieux de parler de ce sujet à part, plutôt que de fourrer ça dans une review. Ne jamais avoir le temps de faire assez de recherches pour un vrai article historique/théorique. Regretter l’époque lointaine pendant laquelle j’arrivais encore à publier des choses plus abstraites plutôt que des reviews 100% du temps. Pleurer. Et ne rien finir.
– La semaine thématique indienne. Qui n’a pas eu lieu, mais le bordel autour a eu lieu, lui. J’ai essayé de mettre sur rails cette semaine thématique au moins quatre fois l’an passé : en planifiant les séries concernées (et à chaque fois avec tout un mercato des séries qui ne pouvaient plus y trouver leur place maintenant qu’une nouvelle série plus intéressante était apparue), en m’assurant qu’elles permettent des angles d’approche différents, en planifiant leur visionnage ou revisionnage (…à ce stade je vais connaître Bombay Begums par cœur), en préparant les images même… et puis, pas de bol, c’est pas prêt parce que j’ai dû m’interrompre dans mon visionnage pour poster une autre review. Puis une autre. Puis une autre. Deux mois plus tard : ah mince, je veux vraiment faire cette semaine thématique indienne… et non. Bon, dans l’intervalle une autre série indienne est sortie dont je veux parler, qu’est-ce que je fais ? Bref, des heures de prise de tête pour, au final, ne toujours pas avoir organisé ce mini-projet qui me tenait tellement à cœur. Il y a tellement de chouette séries indiennes en ce moment, c’est rageant de ne pas réussir à débloquer une poignée de reviews pour en parler.
– A une échelle différente, mais dans un ordre d’idée similaire : la review-dans-la review. Il y a tellement d’articles commencés parce que je voulais parler d’une série… mais plus j’avance dans ma review plus je réalise qu’il faudrait que je compare à une autre série (remake, adaptation internationale, thème similaire, etc.). Manque de chance, je n’en ai vu qu’un épisode, ou même aucun ; j’interromps donc la rédaction pour commencer le visionnage de la deuxième série. Dans l’intervalle le temps passe et j’ai des reviews à poster. Finalement la multi-review devient une zéro-review, et le brouillon pourrit à l’air libre pendant plusieurs mois. En décembre, j’ai in extremis évité ce problème en publiant ma review de Brokat sans avoir effleuré Minx, puis vu et reviewé Minx le lendemain. Mais ça allait que j’étais à peu près convaincue que ça ne changerait pas grand’chose à la review de Brokat, parfois ce n’est pas toujours si facile, voire contreproductif. D’où le pourrissement.
…Et tout ça, en ayant en plus l’impression que personne ne lit et que personne ne trouve ça bon et n’ose pas me le dire (oui, les deux à la fois !), que de toute façon même si les lectrices viennent dans le fond c’est juste par pitié et non par plaisir (et comment y prendraient-elles plaisir vu la merde que je fais ?), et que c’était quand la dernière fois que quelqu’un a regardé une série parce que j’en ai parlé ?
Je me foutais une pression monstre tout en me répétant que ça n’en valait pas la peine, que personne n’en avait rien à foutre à part moi. Et si ça n’intéresse que moi, je ne sais même pas si ça m’intéresse (je crois fermement qu’on n’écrit pas sur internet pour soi, mais pour être lue ; sinon bah, ce serait pas sur internet, quoi).

On est d’accord que tout cela n’arriverait pas si ce qui est d’ordinaire ma passion (les séries, et partager ma curiosité à leur égard) n’était pas, aussi, lié à la seule façon pour moi de payer mes factures. C’est un gros cas de conscience qui est, dans ma situation, insoluble, parce que je ne peux rien faire d’autre… et de toute évidence je ne peux même pas toujours faire ça.
Mais c’est, après tout (et j’essaie très fort de me le rappeler régulièrement), la raison pour laquelle je suis dans cette situation : mon handicap m’empêche de travailler. Je ne suis pas capable de passer autant d’heures sur quelque chose qui demande autant d’effort et de pression. Je n’y arrive juste plus, et c’est la raison pour laquelle aujourd’hui je vis sous le seul de pauvreté au lieu d’avoir un salaire qui me permette de n’écrire que pour le plaisir. C’est, en somme, très logique ce qui s’est passé là.

Vous le voyez, il devenait urgent de remettre les choses à plat. Je prends des risques en changeant le système… mais l’alternative est intenable. Surtout dans mon état actuel.
Si vous voulez cesser de contribuer sur uTip, cela se comprend parfaitement. Les temps sont durs pour tout le monde, et si vous n’arrivez pas à obtenir ce que vous voulez, c’est normal d’arrêter de me soutenir. De toute façon sur uTip j’ai une visibilité très limitée sur qui donne quoi, donc hors la répercussion sur le montant total des contributions, je ne verrai même pas que vous avez retiré votre contribution.
J’espère qu’en 2023, en même temps que je me réconcilie avec ce qui normalement me passionne, je saurai vous donner envie de me soutenir, pas juste vous faire pitié. Et honnêtement, vu l’ampleur de ma crise de foi, parfois un bon commentaire suffit amplement à m’aider.

Boostez cet article sur Mastodon !

par

, , , , ,

Pin It

Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. tiadeets dit :

    <3 En espérant que ce système fonctionne mieux pour toi et que tu reprennes du poil de la bête !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.