I don’t want to be anything other than me

10 février 2023 à 23:57

Le gros problème que j’ai avec la parodie dans les séries… c’est qu’il s’agit de séries. C’est évidemment subjectif, hein, mais mon genre préféré n’est pas nécessairement le mieux placé pour cet exercice, qui supporte assez mal le long terme. Ce qui est drôle dans la parodie, c’est bien souvent de percevoir ce qui est parodié, et comment ; or, une fois que c’est fait, il est très difficile de maintenir beaucoup d’intérêt.
Il y a des parodies qui tiennent la route sur plusieurs épisodes, une saison, plusieurs saisons même ! Mais ces séries relèvent de l’infime minorité, ou développent des idées pour éviter de simplement répéter, épisode après épisode, « hey regardez, je me moque de ce produit popculturel… ENCORE ». C’est par exemple le cas de La Flamme (adaptation française de Burning Love), qui a opté pour un genre différent d’émissions de télé réalité pour sa deuxième saison ou son spin-off (selon les points de vue), Le Flambeau. Parfois on se retrouve devant de petits miracles télévisuels, comme Le Coeur a ses Raisons qui est une comédie avec ses propres mécanismes humoristiques, au-delà de la parodie, mais on reste dans le domaine de l’exception.

La série québécoise Complètement Lycée avait une idée sympathique sur le papier. Mais au-delà ?

Tout dans le premier épisode de Complètement Lycée (que je regarde seulement maintenant, alors que la série a apparemment fait parler d’elle dés l’an dernier à CANNESERIES et que sa diffusion originale sur Noovoo date même de fin 2021… encore heureux que les séries n’aient pas de date de péremption !) pose les bases d’une série qui a très bien compris ce qu’elle veut parodier, et comment.
S’inspirant des teen dramas étasuniens, en particulier du début des années 2000 (la série semble se dérouler en 2007, d’ailleurs), Complètement Lycée se déroule dans, eh bien, un lycée, et raconte les vie de jeunes de 15 ans. L’héroïne en est Allison, une ado très sage qui fait sa rentrée pour une nouvelle année, retrouvant tout son univers scolaire après un été mouvementé. Il y a son meilleur ami Keith, secrètement gay ; son ex William, avec lequel elle vient de se séparer mais qui en pince toujours pour elle ; mais aussi les personnalités les plus populaires du lycée, comme la star de l’équipe de basketball Brian ; sa petite-amie la cheerleader Ashley ; ou encore Les Jumelles, qui sont jumelles (mais anciennement triplées). Dans la quiétude de l’établissement, pourtant, s’annonce un bouleversement : Chaz, un élève venu des couloirs mal famés du lycée, vient de se voir offrir l’opportunité de rejoindre l’équipe de basket. Et Allison tombe immédiatement sous son charme…
Complètement Lycée a été à bonne école, et maîtrise parfaitement les codes des séries dont elle s’inspire (en particulier One Tree Hill et The OC). Ils sont venus, ils sont tous là : tous les clichés du genre se retrouvent en l’espace d’une petite demi-heure, sans qu’il n’en manque le plus petit à l’appel. Complètement Lycée ajoute à cela une maîtrise formelle : l’image est conforme, la distribution parfaitement lookée, et, cerise sur le gâteau, la série est doublée en français européen comme si la série avait réellement été produites aux USA puis exportée. Sur la forme, il n’y a rien à redire.

Mais sur le fond ? Sur le fond c’est plus compliqué. Ce que ce premier épisode révèle, c’est une série dans laquelle tout nous dit sans arrêt de ne pas prendre l’intrigue au sérieux… mais il n’y a que l’intrigue pour porter Complètement Lycée, parce que, outre la parodie, il n’y a pas vraiment de proposition.
La série n’a par exemple pas vraiment de gag, elle tourne juste au ridicule des clichés (certains écorchés des centaines de fois avant ça, comme celui du petit déjeuner gâché par exemple), mais n’ajoute pas les siens. La blague, toute la blague, est : ce que font ces teen dramas est ridicule, et je vais vous le prouver. Mais une fois la démonstration faite, et on l’a vu tous les éléments sont parfaitement en place pour le faire, il ne reste que, ma foi, l’histoire d’un teen drama. Il faut attendre ses retournements de situation ridicules comme on attendrait ceux d’une série dans laquelle un chien mange un cœur sur le point d’être transplanté. Dans le fond, du côté des spectatrices, la démarche devient rigoureusement la même : admettre que tout cela est ridicule, mais quand même s’investir dedans si on veut continuer à regarder…
Il y a un passage qui m’a brièvement donné de l’espoir, au début de l’épisode, quand un personnage s’est plaint que la caméra n’était plus sur lui ; je me suis dit que si Complètement Lycée arrivait à trouver une dimension un peu plus meta, dans laquelle les personnages prennent conscience d’être dans une série adolescente au rabais, ça peut devenir intéressant. Le reste de l’épisode, pourtant, n’y fera plus vraiment référence.

Dans l’ensemble, Complètement Lycée fonctionne sur le moment parce que je regarde beaucoup de premiers épisodes sans avoir l’intention (sauf coup de cœur) de voir la suite. J’aime voir la mise en place d’une série, comment elle pose son ton, comment elle introduit des choses qui lui serviront par la suite, comment elle fait une promesse à qui la regarde. Du coup ça ne me fait rien, une fois que je cerne (dans les grandes lignes) ce à quoi j’ai affaire, de mettre de côté une série qui ne m’éblouit pas. Accessoirement c’est pas mal commun avec la démarche qu’on a en festival : on ne compare que le premier ou les deux premiers épisodes de chaque série, et puis au bout de quelques jours on donne des récompenses à des vainqueurs, sur la base d’un huitième ou dixième d’une saison (et je trouve drôle que certaines professionnelles du milieu qui jadis me critiquaient pour ma consommation de pilotes, parce que « une série ça se juge sur la longueur », soient aujourd’hui les premières à poser leurs fesses dans les sièges des festivals TV de France et de Navarre).
Dans ce genre de contextes, je comprends que Complètement Lycée trouve son public. Sur le long terme ? C’est plus compliqué. La série a eu un total de 8 épisodes sur Noovoo, ce qui est relativement court, mais quand même un peu long vu ce qui nous est présenté dans cette introduction. Allez-y si le cœur vous en dit, évidemment… mais ça aura plus d’effet sur vous, étrangement, si vous aimez les teen dramas et leur mécanismes, que si vous cherchez une comédie qui tient debout par elle-même.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Mila dit :

    J’avais tapé tout un commentaire et au moment de cliquer sur « send » j’ai réalisé que c’était con ce que je racontais u_u Néanmoins, j’avoue qu’en effet j’ai du mal à imaginer plusieurs épisodes fonctionner uniquement sur de la parodie. Puis je sais pas, quand tu as décrit le but de la série comme « regardez comme ce que font les teen dramas est ridicule »… s’il n’y a rien de plus, il est possible que ça me reste en travers de la gorge. Pas parce que je suis spécialement fan de teen dramas, mais j’aime bien mes parodies avec un peu de tendresse pour ce qu’elles parodient, et là il n’y a pas l’air d’en avoir beaucoup ? Ou bien j’interprète mal parce qu’il est quasiment 3h30 du matin et que je tombe de sommeil ?

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