Il était une fois dans le Sud

26 février 2023 à 21:59

Il y a des pays qui ont été de grands producteurs de westerns… et il y a les pays sur les écrans desquels c’est plus rare. Sur Amazon Prime Video, c’est une série mexicano-colombienne qui a débarqué en ce début d’année pour essayer d’offrir un point de vue différent sur une Histoire que, autrement, on aurait déjà vu de nombreuses fois.
Cette série, c’est La Cabeza de Joaquín Murrieta, une fresque qui semblait intrigante… mais à laquelle j’ai hélas eu un peu de mal à accrocher. Ce qui ne veut pas dire que tout est à jeter, loin de là, mais force est de constater que son premier épisode a quelques défauts.

Pour vous situer l’affaire, établissons que La Cabeza de Joaquín Murrieta se déroule pendant la ruée vers l’or, mais plus précisément en 1851, quelques années après que le Mexique ait essuyé des défaites (dont la bataille de San Jacinto), conduisant à une perte d’une large partie du territoire nord-américain. En particulier, la Californie et le Texas sont passées à l’ennemi, c’est-à-dire les Etats-Unis d’Amérique. On est donc ici dans une série qui offre, en partie, un point de vue opposé à celui porté sur Texas Rising (reviewé il y a quelques années dans le cadre d’une semaine spéciale sur les westerns), sauf que l’intrigue explore plutôt les répercussions de cette défaite.

Comme son titre le suggère, il s’agit ici plus particulièrement de suivre Joaquín Murrieta, autrefois membre de l’armée mexicaine, et qui a déserté au dernier moment, ne voulant pas mourir pour une hiérarchie qui lui apparaissait de plus en plus comme véreuse, envoyant volontairement ses soldats au casse-pipe. Sauf qu’évidemment, peu importe ses raisons : considéré comme un déserteur, sa tête est désormais mise à prix. Quand la série démarre, il n’est cependant pas un cavalier solitaire : il est accompagné d’Adela Cheng (Becky Zhu Wu, saisissante alors que c’est semble-t-il son premier rôle), une très jeune femme au tempérament de bête sanguinaire, elle aussi recherchée : entre outlaws, on se comprend.
Murrieta traverse le Mexique avec un petit carnet, où sont listés toutes sortes de noms. Sauf que ces noms peuvent avoir deux raisons d’être ajoutés : soit parce que Murrieta veut s’en venger, soit parce que Murrieta veut s’en faire pardonner. Ce ne sera facile ni dans un sens, ni dans l’autre.

Ce premier épisode d’exposition a un peu de mal à aller au-delà de ces constatations. Il y a clairement ici le point de départ d’une intrigue sur la rédemption, rendue d’autant plus difficile que pendant leur périple, Murrieta et Cheng continuent de tuer sur leur passage, aggravant leur situation aux yeux de la loi mexicaine comme américaine ; en particulier, une fusillade meurtrière dans ce premier épisode conduit un soldat à se lancer spécialement à leurs trousses pour venger son frère, décédé pendant l’altercation.
Il faut également souligner que, tout en suivant ces personnages, La Cabeza de Joaquín Murrieta met également en place une intrigue, pour le moment sans connexion apparente, qui s’intéresse à Tayya et Carillo, un couple interracial qui possède un ranch autrefois mexicain, désormais américain. La vie y serait plutôt belle, permettant à leur fils Quino de grandir dans une maison où les deux cultures coexistent (ce qui ne serait pas possible si le couple vivait avec la famille de l’une ou de l’autre), tout en faisant pousser du maïs et, secrètement, en exploitant un filon d’or que Carillo a trouvé sur la propriété. Le problème c’est qu’évidemment, depuis que le territoire est passé aux mains des Américains, le couple est persécuté par l’armée, et notamment le Capitaine Love qui a décidé d’exproprier tous les foyers étrangers sous prétexte que désormais leurs terres appartiennent au gouvernement US. D’un petit exploitant agricole ou un militaire accompagné de tout un régiment, je vous laisse deviner qui a le pouvoir dans cette situation.

Dramatiquement, les choses se tiennent dans ce premier épisode… jusqu’à ce qu’elles deviennent plus floues. Adela et Joaquín se disputent et leurs chemins se séparent. La famille de Carillo est exécutée. Joaquín rejoint un ami « curé » et semble établir des motivations différentes de celles qui pourtant avaient été établies par la série un peu plus tôt. On ne comprend soudain plus vraiment pourquoi certaines choses ont été mises en place (je suppose évidemment que Carillo survit, mais la fin de l’épisode n’est pas très claire à ce sujet). Il y a aussi une protagoniste présente sur le matériel promotionnel qui pour l’instant n’a pas vraiment d’existence dans cet épisode introductif, ne faisant qu’ajouter à la confusion. Alors vous allez me dire : bah, oui, c’est le premier épisode, il y en a d’autres derrière ! Certes. Je ne nie pas. Mais c’est assez difficile de comprendre dans quoi on s’embarque quand La Cabeza de Joaquín Murrieta semble flottante quant à sa direction, plutôt que de s’engager dans les axes narratifs qui paraissaient avoir été posés (mais apparemment non ?).
Sur le plan thématique, l’intention ne fait pas de doute : la série veut aborder la défaite mexicaine et surtout la déchirure qui en a résulté, aussi bien intime que sociale. L’Histoire est écrite par les vainqueurs, et… les séries historiques, souvent aussi. D’ailleurs au pire, même quand ça ne s’est pas passé conformément à ce que l’on voudrait, il suffit de réécrire l’Histoire (souvent de façon raciste). Soyons honnêtes, combien de fois avez-vous vu une série dont le sujet est la défaite ? La série historique, c’est le domaine de l’espoir, de la conquête, de la fondation d’une nation. Qui a envie de penser que son pays s’est construit dans l’échec ? Là, on est devant une série qui s’intéresse au côté perdant, et c’est rare. Et fantastique.

Ce n’est pas tant sur le fond que j’ai eu du mal à accrocher à La Cabeza de Joaquín Murrieta, mais plus sur la façon dont la série veut raconter cela, et sur la construction de plusieurs de ses personnages. Ce qui est dommage parce que visuellement, c’est vraiment réussi, et l’interprétation est solide. Le seul bémol que j’ai à adresser revient au choix du surdoublage, qui vient sûrement, au moins en partie, d’un tournage en plusieurs langues (Capitaine Love est vraisemblablement filmé en anglais mais doublé en espagnol), mais s’étend à la quasi-totalité du cast (…même les protagonistes s’exprimant en espagnol sont doublées en espagnol), ce qui nuit à l’impression générale. Mais bon, le surdoublage est vieux comme le monde, c’est juste qu’à quelques séries près (généralement russes) on a perdu l’habitude. Ce n’est franchement pas ce qui me détourne le plus de la série.
Je suis presque convaincue que j’y verrais plus clair en lui donnant plus de temps, mais honnêtement ? Je vois bien que l’envie n’est pas là de poursuivre l’aventure. Sûrement que je passe à côté de quelque chose, mais, n’en doutons pas, vous me raconterez. D’ailleurs, dans le même ordre d’idées, je ne sais pas trop si je suis motivée à tenter Django, j’attends vos retours…

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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