I’m gonna take that mountain

20 mai 2023 à 20:46

Quand on me promet qu’une série de TFHein n’est vraiment pas comme les autres séries de TFHein… ma foi, on pourrait penser que j’ai suffisamment d’expérience pour être prudente, après tant de déconvenues passées, mais je tombe dans le panneau à chaque fois. Et puis après, je viens râler ici : tatati, tatata, c’était de la merde et j’ai été bien eue. Bon.
Une fois de plus tout le Twitter francophone promettait que Les Randonneuses, cette fois, c’était la bonne : une vraie série qui fait les choses bien même si elle est sur TFHein. Bon, la victoire d’une de ses interprètes à Series Mania un peu plus tôt cette année me donnait un peu de tranquillité d’esprit, mais un peu seulement.

Pour l’essentiel, toutefois, je ne suis pas trop fâchée avec le premier épisode de ces Randonneuses. Et ça, c’est la bonne nouvelle.

Les Randonneuses, c’est l’histoire d’une expédition organisée dans les montagnes auvergnates par Karen. La jeune femme suit les pas de sa sœur, Eve, qui était la personne ayant initialement organisé ce voyage avec plusieurs amies de chimio. Malheureusement, Eve est décédée avant cette aventure, et Karen part donc à leurs côtés, avec ses cendres qu’elle espère disperser au sommet. C’est un moment intense aussi bien physiquement qu’émotionnellement, donc, d’autant que Sara, Noémie, Patty, Valérie et Morgan sont dans des états de santé variables.
Il semblerait que chaque épisode suive le point de vue d’une randonneuse différente, mais je n’ai vu que le premier pour le moment. Bien qu’introduisant tout le monde, il s’intéresse principalement à Sara, une femme mariée qui dans ce premier épisode manque de peu de louper le train. Il faut dire que quelques minutes plus tôt, elle a renversé un homme avec sa voiture. Un homme qui est son mari. Et qu’elle l’a renversé alors qu’il sortait de chez ce qui semble être sa maîtresse et mère de son autre enfant, dont elle ignorait l’existence jusqu’alors… Tout ça fait beaucoup, quand dans le même temps Sara fait face à un diagnostic compliqué qui lui a déjà imposé l’ablation d’un sein, ce qu’elle a mal vécu.

Il y a, comme je le sous-entendais en introduction, du bon mais aussi du moins bon dans cette exposition des faits.
Les Randonneuses a clairement envie de raconter des choses intéressantes sur le cancer, ou plutôt sur la sociologie du cancer. L’intrigue de Sara est éminemment révélatrice de cette intention, ainsi que les nombreuses petites phrases lancées, souvent l’air de ne pas y toucher, au fil des échanges entre les autres protagonistes alors qu’elles se lancent dans cette excursion, le soulignent suffisamment. Pour ces 6 femmes (même si dans une certaine mesure Karen est un peu un cas à part, n’ayant pas de cancer elle-même), la maladie fait partie de la normalité, bien entendu. C’est une réalité pour elles d’avoir un cancer, comme ça l’est pour vous de ne pas en avoir. Ou au moins, je vous le souhaite. C’est quelque chose dont on parle sans tabou, parce qu’on en parle entre expertes de leur corps et de leur expérience ; c’est quelque chose dont on peut plaisanter, aussi. Les Randonneuses retranscrit bien cela, cette intimité avec la maladie qui crée une intimité avec autrui. A un tel point qu’il n’apparaît même pas comme vraiment nécessaire de truffer l’épisode de ces petites scènes dans lesquelles les personnages extérieurs au groupe (et qui sont, hasard ou coïncidence, généralement des hommes) découvrent, estomaqués et gênés, que ces randonneuses ont (ou ont eu) un cancer. Il était inutile de créer cette cohésion artificiellement, quand elle fonctionne si bien sans. Et ça donne des moments « de comédie » qui en fait sont parfaitement inutiles, puisque le franc parler des héroïnes est drôle de façon bien plus fluide et réaliste sans cela.
Dans cet ordre d’idées, poser par l’intrigue de Sara les questions que ce cancer pose, non pas en tant que diagnostic médical ou comme état aux yeux des autres, mais dans la relation à son propre corps ainsi qu’à son mariage, c’est intéressant. Et basé sur des choses, hélas, très réelles. Les quelques flashbacks de Sara, au cours de l’épisode, sur les derniers mois (ou années ? je n’étais pas super claire sur la timeline, mais qu’importe), soulèvent des choses intéressantes. D’ailleurs elles ne se limitent pas au cancer, mais valent pour toute maladie ou handicap. Il y a un discours, plutôt bien écrit, sur l’acceptation d’un corps qui semble « trahir », sur les interventions médicales qui sont parfois vécues comme des intrusions plutôt qu’une aide, et/ou sur la dépendance que l’entourage semble mettre en place sans même y penser, et contre laquelle il est compliqué mais nécessaire de s’élever.
Être malade, ce n’est jamais qu’une question de santé physique. C’est toutes sortes de choses compliquées autour, des ajustements brutaux, des conflits qui émergent ou sont mis en évidence par les circonstances, et une tas de paradoxes inattendus. Or, ces thèmes sont souvent tus à la télévision française, où le sujet des maladies graves (comme tellement, tellement d’autres) a longtemps été considéré comme anxiogène, et donc rarement exploré dramatiquement. Il ne faut sûrement pas chercher plus loin d’explication aux fameuses scènes « comiques » des hommes mis mal à l’aise devant des crânes féminins sans cheveux, dans le fond, que cette crainte de parler de choses trop sérieuses aux spectatrices Bon, TFHein gonna TFHein.

Là où j’ai le plus de mal, cependant, c’est sur le choix de Sara pour ouvrir la série. Cette histoire d’accident de voiture qui me semble compliquée, et pas vraiment en accord avec les autres intentions de la série. Ça fait un peu thriller au rabais, là où le reste des Randonneuses s’escrimait à poser les bases d’un human drama (ce n’est pas sale) aussi sincère que possible.
Sara panique, s’inquiète d’avoir pris la fuite dans la panique, tente de dissimuler les raisons de son inquiétude avant de finalement les partager avec ses amies, s’angoisse en imaginant les retombées humaines (est-il mort ?!) puis juridiques, essaie d’éviter de mettre dans la confidence Morgan (qui est flic ; vous savez bien que si une série française n’a pas de flic au générique, elle est dans l’illégalité)… Bref ça prend beaucoup de place dans l’épisode, et franchement, pourquoi ? Quand il y a tout le travail d’exposition à côté ? Quand certaines autres protagonistes sont à peine mises en place ? Quand la série est supposée dépeindre une « aventure humaine » ? Honnêtement, ça paraît plus polluant qu’autre chose. Peut-être plus tard dans la série, j’aurais été moins réticente à cette intrigue.
Cet aspect m’a, un peu malgré moi, refroidie. Dans une série qui par ailleurs n’est pas toujours très fine, comme on l’a vu, ça a un peu fini d’achever mon enthousiasme.

Reste qu’évidemment, oui, ok, quand on voit de quoi on part, effectivement, Les Randonneuses fait partie des bonnes séries dramatiques de TFHein. Les intentions sont louables, grosso-modo suivies d’effets. En outre, il y a des protagonistes dont j’ai un peu envie de découvrir ce qui les habite, maintenant qu’au moins, l’intrigue de Sara a été « débroussaillée » par cet épisode inaugural. Certaines n’ont pas encore montré beaucoup d’aspérités, comme Noémie qui ressemble un peu trop à un roc, ou Patty qui est un peu trop cool pour ne pas cacher quelques blessures indicibles. J’ai aussi un peu de curiosité vis-à-vis de Karen, que pour le moment la série ne prend pas au sérieux (le traitement de sa crise d’angoisse par les autres randonneuses m’a fait de la peine), mais qu’elle sera bien obligée de traiter avec quelques égards quand viendra le temps de son propre épisode.
Il y a donc des choses qui me rendent curieuse quant à la suite des Randonneuses, et qui, en tout cas je l’espère, pourraient continuer de dire des choses intéressantes, même si ponctuées de respirations comiques forcées, par peur de son propre sujet. Mais ce n’est pas la calamité que j’ai souvent trouvé dans des séries promues dans des termes similaires, alors j’ai un peu envie de me forcer. On verra. Ce ne sont pas les séries qui manquent, en ce moment ; la proposition de TFHein n’est pas à comparer qu’avec les autres séries (parfois calamiteuses) de la chaîne, mais avec une planète entière de séries souvent plus affirmées dans leur propos et leur ton…

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