Supernova

28 mai 2023 à 21:34

Trois enfants, un mari, des amies, un boulot, des projets… Ester a une vie bien remplie, comme beaucoup de quarantenaires. Une vie à la fois banale, et unique, tant elle irradie son entourage de son énergie inépuisable. Il y a beaucoup de vies comme celles d’Ester, mais il n’y a qu’une Ester…

Sauf que dans le premier épisode de la série norvégienne Etterglød, Ester apprend suite à un frottis de routine qu’elle a un cancer. L’approche d’Etterglød ne semble pas vouloir être la maladie, pourtant. Ce qui l’intéresse est ailleurs, et c’est apparent dés ce premier épisode.

Les présentations avec Ester, sa famille, son cercle d’amies, son travail et ses passions, se font de façon enlevée. Entourée d’amour notamment avec son mari Arild (elles s’aiment comme au premier jour !), investie dans l’accompagnement qu’elle offre à un patient, gourmande de fêtes et de voyages, Ester est infatigable. Nous faisons connaissance avec elle alors qu’elle prépare d’ailleurs un weekend festif, celui de ses 40 ans : d’abord un repas d’anniversaire avec Arild et leurs enfants (dont deux sont déjà adolescentes), puis, le lendemain au soir, un immense dîner dansant avec l’ensemble de ses proches. Et elle y tient : tout le monde devra être sur la piste de danse ! Même (voire surtout) les râleurs… Sauf qu’au beau milieu du déjeuner familial, elle reçoit un appel de son médecin, qui lui apprend donc (vu qu’elle insiste pour ne pas attendre d’avoir un rendez-vous la semaine suivante) qu’elle a un cancer du col de l’utérus.
On pourrait penser que tout s’effondre, mais Etterglød ne mange pas de ce pain-là. En fait, Ester est étonnamment forte : elle décide de mettre tout cela de côté, d’autant qu’elle a pour le moment peu d’éléments, et demande à Arild de faire comme si de rien n’était pour le reste du weekend. Il sera bien temps plus tard de s’inquiéter. Sauf qu’évidemment, le couple s’inquiète quand même, même si sur l’insistance d’Ester cette inquiétude est cachée à leur entourage dans les heures qui suivent, la nuit qui suit, la journée qui suit, la fête qui suit. Arild, en particulier, a vraiment du mal à masquer son émotion.

Quand on regarde le premier épisode d’Etterglød sous le prisme des scènes avec Ester et Arild, on a l’impression d’une nouvelle terrible, mais aussi d’un gros point d’interrogation. On ne sait pas ce qui va se passer : c’est à la fois une source d’angoisse, mais également rassurant. Après tout, un cancer, ce n’est pas nécessairement une condamnation à mort. Sans avoir eu le rendez-vous plus long avec un spécialiste, Ester et Arild ne savent pas encore quel est le pronostic, par exemple.
…Sauf qu’Etterglød a la bonne idée de ne pas proposer que ces scènes avec Ester et Arild. Et on peut trouver des indices, dans ce qui se passe à l’hôpital ou dans ce qui est dit au-dehors, sur ce vers quoi la série veut réellement se diriger. Par ces multiples allusions, Etterglød ne cherche pas à parler de maladie. Non, son propos va au-delà d’un diagnostic ou d’un traitement. En fait, cet épisode inaugural s’ouvre sur un fantastique monologue d’Arild devant sa classe d’astrophyisique, une audience fascinée à laquelle il explique le fonctionnement des astres : « Une fois apparue, une étoile va continuer à briller pour des milliers d’années. Mais rien ne dure éternellement, pas même une étoile. Après, disons, 10 milliards d’années, l’hydrogène va se dissiper. Et quand une étoile commence à mourir, ça se passe très vite. Mais même dans la mort, cette étoile continue de nous surprendre. Si elle est suffisamment large, cela peut causer ce que l’on appelle une supernova. Et ceci, mes jeunes amies, est l’une des plus belles choses dans cet univers. », et il est là, le sujet d’Etterglød. Dans cette interrogation de notre mortalité, plus ou moins imminente. Dans ce que nous laissons derrière nous.

C’est même légèrement irritant, pour être parfaitement honnête, parce que dans cet épisode, Ester est une force de la nature, et qu’on s’intéresse finalement assez peu à ses émotions individuellement. Préoccupée par la façon dont Arild prend la nouvelle et est incapable de garder le secret ne serait-ce qu’une journée, obnubilée par son désir de faire la fête et danser comme si de rien n’était, la protagoniste par laquelle tout arrive est, en réalité, un peu absente d’une grande partie du volet émotionnel. Peut-être parce que la série a déjà décidé de son sort, peut-être pour une autre raison, Ester est choquée sur le moment, émue pendant la soirée d’anniversaire, mais guère plus. On n’est pas exactement dans l’inspiration porn, parce qu’Etterglød est un peu plus nuancée que ça, mais il s’en faut de peu. Espérons que les épisodes suivants prêtent mieux attention à son expérience à elle, et pas juste à ce qu’elle personnifie.
N’empêche que malgré ce défaut, le premier épisode d’Etterglød est quand même touchant. Je comprends qu’elle ait fait impression à CANNESERIES l’an dernier (elle a même reçu un prix sous son titre international, Afterglow). Il a cette patte assez caractéristique des séries dramatiques scandinaves, qui ménagent une forme d’authenticité qui permet d’éviter le mélodrame trop simpliste. Pour le reste, il faudra voir sur la durée.

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