Monkey say, monkey do

20 juillet 2023 à 17:46

Parfois il semble que les sitcoms multicamera soient en voie d’extinction… et puis voilà qu’apparaît une série comme C.H.U.E.C.O. (…ça va pas être chiant à taper tout au long de cette review, ça, tiens). Qui, euh, selon le point de vue, remet une pièce dans la machine ou nous rappelle pourquoi elles disparaissent. Proposée par Disney+ produite au Mexique et en Argentine, C.H.U.E.C.O. va en tout cas sûrement donner à toutes celles qui souhaitaient revivre la frénésie des comédies grand public des années 80 précisément ce qu’elles avaient espéré.
C’est juste que parfois, il faut se méfier des souhaits.

Cela se sent rien qu’à son synopsis : C.H.U.E.C.O. se déroule dans une famille modeste dont le père, Juan, a du mal à joindre les deux bouts, malgré trois emplois simultanés. Par chance, il hérite d’une fortune qui s’apprête à sauver sa famille de la ruine… mais une clause l’oblige pour cela à accueillir sous son toit C.H.U.E.C.O., un chimpanzé parlant. Naturellement, personne ne doit découvrir son existence !

C.H.U.E.C.O. est ce qu’on appelle communément une « série familiale », un terme qui signifie qu’elle peut être regardée par des enfants très jeunes… et que leurs parents apprécieront d’avoir une demi-heure de répit dans leur journée, quitte à se mettre devant un épisode bête à manger du foin. Si vous n’appartenez ni à l’un ni à l’autre de ces groupes démographiques, alors une nostalgie sincère pour ALF est la seule motivation qui vous permettra de tolérer la série. Considérez-vous prévenue.
L’humour n’y est pas très fin, c’est le moins qu’on puisse dire. La famille de Juan a très vite tendance à s’exciter et crier, ce qui rend les émotions certes bruyantes, mais aussi très simples à comprendre. A cela encore faut-il ajouter les rires enregistrés (ainsi que toutes sortes de « oh » et de « ah » pour ponctuer les dialogues), des personnages qui ne sortent surtout pas de leur stéréotype d’attribution, un décor coloré qui ne ressemble absolument pas à une vraie maison, et vous aurez compris qu’on n’est pas devant de la grande télévision. On est devant de la télévision tous publics… et hélas, il y a une différence dans ce cas précis.

L’intrigue en elle-même est à peine plus complexe que le synopsis. Dans le premier épisode, on apprend donc que Juan est au bord de la ruine depuis que son épouse est décédée (« oooh », s’émeuvent les voix pré-enregistrées du public). C’était elle qui avait les revenus les plus importants du couple, déjà. Et puis, en plus, maintenant, Juan a besoin d’employer Amanda pour faire tourner la barraque et s’occuper des enfants pendant qu’il court d’un boulot à l’autre. Mais même comme ça, il est incapable de payer ses factures depuis plusieurs mois, et il est sur le point de révéler la réalité de la situation à ses enfants Delfina, Martín et Vicente. En réalité, elles ont déjà deviné.
C’est alors que débarque à point nommé (« ah ! », s’extasient les voix pré-enregistrées du public) l’avocate qui exécute les dernières volontés de l’oncle Gustavo, un scientifique auquel Juan n’a pas parlé depuis quelques décennies, mais dont il représente la seule famille. Titulaire d’au moins deux prix Nobel, Gustavo laisse une fortune de 9 millions de dollars derrière lui. L’avocate annonce à Juan qu’il touchera cet héritage à raison de 30 000 dollars par mois, tant qu’il satisfera trois conditions :
– accueillir C.H.U.E.C.O. chez lui et le traiter comme un membre de sa famille
– accepter les inspections régulières d’une agence de protection animale
– ne jamais, jamais, jamais, révéler le secret de C.H.U.E.C.O.
…et sans poser plus de questions (voir aussi : 30 000 dollars par mois), Juan accepte. Je vous passe les quelques péripéties qui s’en suivent, lorsqu’il s’avère que non seulement l’animal en question est un chimpanzé, mais surtout C.H.U.E.C.O. peut parler. Il se révèle très cultivé et intelligent, et accessoirement il débarque avec toute une personnalité bien affirmée.
Après quelques cris d’épouvante de la part de la famille de Juan, C.H.U.E.C.O. finit par expliquer comment il en est venu à parler. C’est que, se sentant seul, l’oncle Gustavo a décidé de manipuler les gènes du chimpanzé, afin qu’il ait le don de la parole comme les humains (C.H.U.E.C.O. signifiant « Chimpancé Utilizado en Experimentos de Comunicación Oral« ). Toutefois, dés qu’il a su parler, C.H.U.E.C.O. lui a fait réaliser que ce miracle coûterait leur sécurité à tous les autres chimpanzés de la planète. Maudit ! Gustavo était tellement préoccupé de savoir s’il pouvait ou non faire parler C.H.U.E.C.O., il ne s’est pas arrêté pour savoir s’il devait le faire parler… D’où le secret : le jour où les capacités uniques de C.H.U.E.C.O. seront connues, son espèce toute entière sera menacée.
Ce qui serait beaucoup plus simple à réaliser si C.H.U.E.C.O., en plus d’être bavard, n’était pas aussi résolu à expérimenter toutes sortes de choses qui jusque là lui ont été interdites.

Ce premier épisode de C.H.U.E.C.O. introduit également un Villain Méchant : le professeur Alberto Macarato (« boo », lancent les voix pré-enregistrées du public), partenaire de l’oncle Gustavo dans ses recherches. Il est le seul à savoir que C.H.U.E.C.O. peut parler (même si Juan le nie par crainte de perdre son héritage), et il espère récupérer le singe afin de… on ne sait pas trop. Mais ça ne peut pas être bon. Tout ce qu’on a besoin de savoir, c’est qu’il ne doit surtout pas le récupérer.
Le décor étant ainsi planté, C.H.U.E.C.O. peut commencer, promettant des parties de cache-cache improbables, des prises de bec entre le singe et Amanda, et même un peu d’émotion. En effet, avant d’être adopté par l’oncle Gustavo, C.H.U.E.C.O. avait grandi dans la jungle, et sa mère a été dévorée par un léopard ; de fait, il est orphelin de mère comme les trois enfants de la famille (« awwww », ne manqueront pas de murmurer les voix pré-enregistrées du public). Juan n’a donc pas le cœur à s’en séparer, même si Macarato lui promet plus d’argent que l’héritage pourrait lui rapporter. Un composant émotionnel étant ainsi introduit, on peut donc s’assurer que la situation rocambolesque avec le chimpanzé parlant de risque pas de changer dans l’immédiat !

Non, vraiment, C.H.U.E.C.O. n’est pas de la grande télévision. L’avantage c’est qu’à aucun moment elle ne prétend l’être. Et il y a un public pour ce genre de choses, je suppose. C’est juste que je n’en fais pas partie.
Pour Disney+ et ses incursions toujours plus nombreuses en Amérique du Sud, C.H.U.E.C.O. est pourtant un pari : il s’agit du tout premier sitcom multicam commandé par la plateforme dans la région… Euh, en fait, maintenant qu’on en parle, je ne suis même pas sûre que Disney+ ait commandé de série en multi-camera dans quelque région que ce soit ! Cela fait donc de ce sitcom une exception, et il faudra voir (soit par le renouvellement, soit par la commande d’autres séries similaires) si l’expérimentation s’avère fructueuse pour Disney+. L’avantage pour nous dans l’hémisphère nord est que c’est l’été, période à laquelle on a tendance à être moins regardante sur certains aspects…
Cela dit, si ça ne tenait qu’à moi, on laisserait les sitcoms des années 80 dans les années 80.

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1 commentaire

  1. Mila dit :

    Je… ne m’attendais pas à un chimpanzé parlant… Ca ressemble presque à une série parodique, le genre de truc que des personnages regarderaient dans une série. Bien sûr, après, on peut faire quelque chose de bon de n’importe quel point de départ… C’est simplement pas un point de départ sur lequel j’aurais parié… Je pense que je ne suis sans doute pas le public non plus.

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