Si l’herbe est plus verte

8 octobre 2023 à 20:19

On sait toutes que je ne suis pas la première lorsqu’il s’agit de regarder des séries adolescentes ; ce n’était déjà pas mon truc quand j’étais dans la cible… Cependant, d’un autre côté, j’ai aussi du mal à résister aux expérimentations.
Après bien des hésitations (ahem), me voilà donc devant le premier épisode de Déter, une série lycéenne lancée par France.tv Slash cette semaine, curieuse de découvrir comment cette nouvelle fiction va relever les défis qui sont les siens.

Déter se déroule dans un lycée agricole (fictif), un internat où l’on suit plusieurs personnages qui s’apprêtent à vivre une dernière année scolaire avant de passer leur Bac pro CGEA, pour « Conduite et Gestion de l’Entreprise Agricole ». Les élèves se destinent donc, dans leur majorité, à une vie professionnelle à la ferme, et les cours sont évidemment à l’avenant : le cursus inclut un volet pratique au contact des animaux, en plus de matières théoriques différentes de la voie générale.
Pour nous plonger dans cet univers, le premier épisode suit l’arrivée d’un nouvel élève, Sohan, un Parisien qui ne connaissait rien de la vie à la campagne jusqu’à son premier jour de classe.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce premier épisode est mené tambour battant. Les scènes sont courtes, vives, remuantes ; la camera ne tient pas en place, le montage est incisif, on n’échange que quelques paroles avant de passer à la scène suivante. C’est que, voyez-vous, il y a beaucoup à dire.
D’abord parce qu’évidemment, c’est un épisode introductif, et qu’il lui faut donc procéder à l’exposition des protagonistes (qui sont pléthore), à la présentation du cadre atypique dans lequel celles-ci vont évoluer, et à l’introduction des dynamiques existantes… qui, naturellement, sont déjà en mouvement. Par-dessus le marché, Déter a aussi l’ambition d’introduire un mystère feuilletonnant (Sohan n’est pas là parce qu’il se passionne pour les poules, il est venu avec une intention bien spécifique). Tout ça en gardant quelques respirations plus légères et des moments relevant plutôt de la chronique adolescente, vous conviendrez que ça tient de la haute voltige.

…Sauf que Déter s’est aussi convaincue que ça ne représentait encore pas un défi assez grand. Elle s’offre, cerise sur le gâteau, une contrainte supplémentaire. Et avant de l’expliquer, il me faut apporter une précision : Déter se destine à être une série quotidienne, à raison de 7 minutes par jour ! Cela explique bien la rapidité des scènes, qui doivent tenir dans des épisodes quotidiens courts, tout en faisant progresser l’intrigue de façon régulière. En plus de cela, chaque semaine, ces épisodes sont compilés en un omnibus de 35 minutes, disponible sur le site de france.tv Slash (pour la semaine de lancement, plusieurs épisodes omnibus ont déjà été mis en ligne, d’ailleurs).
Et donc, Déter a décrété que la série et son intrigue auraient la même temporalité : chaque épisode de 7 minutes équivaut à une journée dans la vie de ses protagonistes. Par conséquent, chaque omnibus représente donc une semaine scolaire. Dans le cas présent, le premier omnibus mis en ligne (« Semaine 1 »), et celui que j’ai regardé pour cette review, commence donc le lundi avec la rentrée des classes, et il s’achève le vendredi, lorsque les élèves rentrent chez elles pour le weekend.
Ce choix a du sens pour s’inscrire dans le quotidien de ses spectatrices, mais il était optionnel. Déter aurait parfaitement pu ne pas s’imposer cette contrainte, pour se garder un peu de marge de manœuvre pour des intrigues à densité variable. Toutefois, à ce stade, je pense que vous avez compris qu’on n’a pas affaire ici à une série qui veut se simplifier la vie. Elle mise haut, quand bien même l’ambition n’est pas toujours une qualité attendue d’une série quotidienne, ou d’une série adolescente d’ailleurs. C’est vraiment tout à son honneur, et je suis curieuse de savoir si pareil rythme tiendra sur le long terme. Je ne connais pas beaucoup de séries qui se l’imposent avec des épisodes aussi courts, en tout cas ; généralement les séries quotidiennes qui tentent cela ont des épisodes plus longs, comme BeTipul par exemple.

Mais revenons à nos moutons (pardon, trop tentant), et parlons des intrigues en elles-mêmes. Parce qu’elle est en grande partie placée sous le signe de la légèreté (son rythme en témoigne), Déter met en place, pour l’instant au moins, des enjeux assez simples. Personne ne se présente d’emblée avec une tragédie grecque à jouer. Au cours de cette première semaine (encore une fois, je me base sur l’omnibus), on apprendra par exemple que Mehdi espère rejoindre un incubateur de talents dans la tech ; qu’Elsa n’a d’yeux que pour les bovidés du lycée et pas tellement les personnes humaines ; que son frère Basile n’est absolument pas sérieux et qu’il se contrefout de mettre en péril sa scolarité ; que Cloé est… euh, bon pour l’instant elle n’a pas trop d’intrigue perso, mais elle est instrumentale dans la vie sociale du bahut ; que Lia est en train de tomber sous le charme d’un étudiant plus âgé en BTS agricole, Noé ; et que Sohan a tout fait pour intégrer ce lycée à cause d’un ancien élève, Max. Cette première semaine est aussi l’occasion de voir comment Sohan s’intègre à ce monde auquel jusque récemment il était étranger, de le voir tisser des débuts d’amitié ou au contraire se mettre à dos certaines élèves.
Ce sont des intrigues classiques pour une série adolescente (…j’admets, peut-être pas pour les bovidés), et je vous avoue qu’en un sens, ça m’a un peu déçue. Je ne doute pas que Déter en garde dans sa manche : encore une fois, elle a eu beaucoup à faire pour ses premières minutes d’existence, et à l’impossible nulle n’est tenue. Mais pour une série qui se targue (à raison) d’être l’une des rares à se dérouler dans le monde rural, bah j’espérais qu’on y verrait un peu plus de euh, vous savez, ruralité.
Encore une fois je sais bien qu’on ne peut, ni ne doit, tout faire en littéralement une semaine, c’est juste que…

…Rha, je suis obligée de l’admettre, en réalité j’aurais tenté Déter quoi qu’il arrive ! Il n’y a pas eu d’hésitation !
Bien qu’étant une citadine pur jus, j’adooore regarder du « contenu » sur la vie à la ferme. Quelques unes de mes chaînes Youtube préférées sont tenues par des exploitantes agricoles ! Je ne loupe pas un seul agnelage effectué par Sandi Brock ! Je voulais vraiment regarder une série sur, bah, vous savez, la vie d’un lycée agricole, quoi ! Et de ce côté-là, l’introduction est très light.
C’est surtout un lycée que Déter introduit dans sa première semaine, et si de temps à autres on trouve quelques animaux de ferme, ou une ligne de dialogue rappelant où l’on se situe, eh bien globalement la série n’affirme pas encore très bien la singularité de son cadre. Il y a une scène qui m’a beaucoup plu, pendant des travaux pratiques avec des vaches, dans laquelle Sohan (qui est parfait pour introduire ce genre de concept) a besoin de se faire expliquer pourquoi les vaches ne peuvent rester dans le pré quand il pleut… mais la brièveté des scènes de Déter fait qu’on a juste le temps de se faire délivrer l’explication, d’embrayer sur une interaction sans rapport entre deux élèves, et de passer à la scène d’après. Alors je sais bien que regarder Déter ne remplace pas une formation diplômante hein, mais, bon, moi j’aurais volontiers passé plus de temps dans ce pré, à apprendre des trucs, à comprendre l’avenir que ces jeunes se bâtissent, voilà. Avec des élèves comme Elsa, qui est sincèrement passionnée par ce qu’elle fait, j’aurais trouvé génial de la voir prendre fait et cause en classe pour le pâturage tournant ou contre l’élevage intensif ; voir des élèves réaliser que vu le coût d’une exploitation agricole, à moins d’un héritage il leur sera peut-être impossible de posséder leurs propres terre ; ou je sais pas, quelque chose. Pis c’est dommage de ramener à la vie un lycée agricole désaffecté pour les besoins de la production… pour au final nous montrer principalement des salles de classe qui ressemblent à beaucoup d’autres salles de classe.

Malgré cette légère déception (je conçois que ce ne soit pas l’idée que le public-cible de Déter se fasse d’une intrigue glamour, honnêtement), qui en plus peut être corrigée ultérieurement, Déter tient plutôt bien la route pour cette mise en jambes. Naturellement, il faudra voir comment tout cela évoluera avec le temps ; je lis que 200 épisodes (de 7 minutes, donc) ont été commandés ! Il y a donc largement le temps d’en apprendre plus sur le milieu dont ses protagonistes comme sa production semblent si fières. Ne mettons pas la charrue… bref.
Soyons honnêtes, ce qu’il y a déjà sous nos yeux est déjà pas mal. Beaucoup de séries quotidiennes et/ou adolescentes ne tenteraient déjà même pas la moitié des challenges que Déter s’est fixés.

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6 commentaires

  1. avoloc dit :

    i tried the first omnibus episode, but somehow the super short scenes are not so satisfying… you expect it from the pilot from most series, but unlike here there is the expectation that it will change as the series progresses and we’ll get more depth. i will try some more, but i’m thinking that perhaps this format just isn’t the best fit for me

    • ladyteruki dit :

      You know, I was thinking when I wrote my review that maybe the problem is to watch it as an omnibus ; I wasn’t supposed to consume the show like that. It’s only compiled into weekly episodes for convenience’s sake (especially with 5 omnibus episodes at a time being released at launch ! that seems excessive to me, but oh well, I’m not a TV executive), but the show is not written around that format. At the end of the day, the show is designed for these 7min capsules, and so, the short scenes makes sense in that context. But that means committing for 200 episodes and I don’t think I have that kind of regularity XD

  2. Coralie Marie dit :

    Je viens de regarder les 5 épisodes en ligne et je n’avais aucune idée que ce n’était pas le format initial de la série. Comme je l’ai regardée tout en travaillant, je n’étais pas non plus 100% attentive, mais ça ne m’a pas gênée. J’aime bien les séries ado et j’ai trouvé ça bien de voir un lycée agricole comme cadre, même si ça implique de supporter le club « chasse et pêche » (fréquenté par les personnages antipathiques heureusement). De la représentativité, du suspense et un cadre original, c’est déjà pas mal ! Je regarderai la suite.

    • ladyteruki dit :

      Oh wow t’as vu pour 5 semaines d’intrigues, maintenant ça va être la disette pendant un mois en attendant que la diffusion te rattrape XD
      (c’est aussi pour ça que je comprends moyen le principe de mettre 5 semaines en ligne d’un coup, mais admettons).

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