Marre des séries asiatiques super-sérieuses où tout le monde tire la tronche et pleurniche pendant 130 minutes par semaine ? Bon, moi oui en tous cas, alors en découvrant que pas mal de gens semblaient dire qu’Iron Man avait un ton plus humoristique que prévu (surtout vu son pitch), j’ai décidé de me laisser tenter.
Bon, le fait est que je le regrette amèrement. Mais au moins j’aurais essayé !
Iron Man (ou Blade Man pour certaines personnes qui tiennent absolument à changer le titre d’une série sud-coréenne, alors qu’Iron Man est en anglais dans le texte !) est l’histoire du PdG d’une firme de jeux videos, du nom de Hong Bin Joo. C’est un homme dont le pilote va avec insistance s’attacher à nous décrire le comportement parfaitement imbuvable : craint par ses employés, mais aussi son personnel de maison, il est profondément violent, et irascible en permanence. Un rien l’agace… et encore, l’agacement serait presque l’option préférée de son entourage. Je parle d’entourage mais qu’on soit bien clairs : cet homme n’a pas d’amis. Il n’a (apparemment) pas de famille. Il n’y a personne si ce n’est des victimes qu’il paie à souffrir et suer à grosses gouttes à son approche.
C’est un sadique total.
Donc Hong Bin Joo va tomber amoureux.
Ça ne lui est arrivé qu’une fois par le passé, et ça s’est plutôt mal fini, tout ça parce que lui était déjà riche et qu’elle était carrément pauvre, et qu’il fallait bien que chacun tienne sa place. Après avoir maltraité toutes sortes de personnages, Hong Bin hume le parfum enchanteur d’une délicate jeune femme, appelée Se Dong Son, et tombe immédiatement sous son charme (après avoir vérifié qu’elle est bien faite de sa personne, quand même). Or, il s’avère que Se Dong a récemment vendu à l’insu de son plein gré sa compagnie de jeux video à la corporation que possède Hong Bin, et qu’elle a l’intention de récupérer le personnage qu’elle avait créé (si finement appelé « Monstro »). Hong Bin est bien décidé à utiliser cette opportunité pour…
…pour ?
C’est pas très clair au juste mais il y a assez peu de chances que ce soit désintéressé.
Et la raison pour laquelle c’est moyennement clair, c’est qu’Iron Man est franchement décidée à nous prouver qu’elle n’est pas super-sérieuse. Par contre il y a un peu de pleurnicheries, ça, bon…
Car outre les caprices d’enfant gâté de Hong Bin, la série joue énormément sur la comédie par le biais de Se Dong.
La jeune femme doit d’abord essayer de faire avaler à son proprio qu’elle ne vit pas avec des hommes (quand en fait elle partage son minuscule appart avec pas moins de 5 copains, qu’on devine être co-créateurs de jeux videos). La scène est digne des meilleurs vaudeville, avec Se Dong tapant une crise d’hystérie (feinte, puisque c’est un mensonge) à l’idée qu’on l’accuse de pareil comportement, les garnements se planquant comme ils peuvent, et le proprio finissant tout de même par découvrir le pot-aux-roses.
Ensuite elle apprend qu’un certain Dong Geun est sur le point de pendre la poudre d’escampette : après avoir vendu sa compagnie sans même l’en avertir, il est à l’aéroport où il s’apprête à partir pour les USA. Se Dong se précipite donc sur place pour essayer de le retenir, ce qui donne une longue, longue, looongue scène pendant laquelle elle lui court après dans l’aérogare, crie son nom, pleure, ou les trois en même temps. Surtout les trois en même temps.
Finalement Se Dong finit par croiser un petit garçon de 6 ans dont la vie semble bien compliquée, et, laissant Dong Geun s’échapper, entreprend de consoler le gamin pendant plusieurs heures. Cette rencontre se solde par une scène d’hystérie totale, avec hurlements stridents, qui m’a obligée non pas à baisser le son mais carrément à le couper par égards pour mes voisins.
Soyons honnêtes, cet enchaînement n’a aucun sens.
Mais c’est le seul moyen qu’a trouvé Iron Man pour faire trainer un peu son épisode de lancement. Car le principe de la série, comme l’affiche ci-dessus nous l’indique, est que Hong Bin a des pics de métal qui lui sortent de la peau et qu’il repousse donc, aussi bien figurativement que littéralement, les gens autour de lui. La scène de fin de pilote dans laquelle sa colère est si forte que les lames lui sortent du corps est supposée être le point d’orgue de l’épisode, à la fois le truc qui va visser les spectateurs à leur siège, et qui va expliquer plein de petits indices disséminés dans l’épisode (des phénomènes étranges sont rapportés à la radio, par exemple), et servir de piste d’explication pour d’autres (l’odorat sur-développé de Hong Bin, capable de sentir que la confiture dans le frigo dans la cuisine à l’autre bout de la maison a passé sa date limite de consommation, I kid you not).
Or, quand on a un épisode qui dure 58 minutes, que faire des 55 minutes qui précèdent ? C’est donc la raison d’être de ces péripéties ridicules, et il y a fort à parier que la série emploiera cette technique à l’avenir chaque fois qu’elle voudra délayer sa scène-clé ou sa révélation, en bref, ce pour quoi on regarde la série.
Je n’avais aucune idée qu’Iron Man empruntait autant à la comédie, moins encore grosses tatanes comme ici. Ça paraît totalement contre-productif. Le thème de l’homme qui blesse son entourage au sens propre, avec de vrais poignards qui lui sortent du corps, fonctionnait comme une façon originale de reprendre l’histoire éternelle de la belle et la bête (après tout, on a bien eu une version modernisée de Cendrillon il y a quelques années avec Cinderella Unni). Le fait que Hong Bin soit entouré de domestiques et employés terrifiés mais finalement terriblement compréhensifs (à l’image de son secrétaire particulier, le délectable Go), ne faisait qu’accroître l’air de ressemblance. Se Dong aurait alors joué le rôle classique, surtout dans une romcom coréenne, de la jolie ingénue au cœur pur qui vient aimer l’anti-héros malgré tout, et ainsi lui redonner forme humaine… n’est-ce pas la leçon de 90% des romcoms de la planète, d’ailleurs ? Bon c’est peut-être mon biais envers les romances qui s’exprime ici, possible.
Mais le problème c’est que dans tout ce fatras, Iron Man ne perd pas simplement de vue sa mission métaphorique, mais tout simplement son intrigue.
En fait, si l’épisode se contentait de prendre des chemins de traverse, ce serait quasiment un moindre mal ; mais ici c’est l’exposition elle-même qui souffre de ces péripéties ridicules. Car il n’est révélé qu’à demi-mots que Se Dong et ses copains bossent sur des jeux video, lors d’une conversation qui a lieu… autour de la 25e minute ! La vente de la compagnie, ses circonstances et ses conséquences, sont à peine effleurées, là où l’épisode se complait à nous montrer Se Dong piaillant, hurlant et/ou chialant pendant de longues minutes.
De la même façon, lorsqu’il apprend que Se Dong a l’intention de récupérer sa compagnie, Hong Bin se précipite à son bureau pour l’y attendre de pied ferme ; mais on ignore totalement ce qu’il espère ainsi accomplir. Pire encore, la jeune femme n’arrivera jamais à son bureau… et lui non plus ! Ce qui fait qu’on a la sensation d’une intrigue qui est totalement partie en sucette, dés le pilote !
Et quand dés le pilote le scénariste est déjà en train de changer d’avis en plein milieu d’un scène, juste pour pouvoir insérer une séquence rocambolesque hyper longue, bruyante, sans finesse et qui fait complètement sortir l’intrigue de sa route, eh bien, c’est franchement mauvais signe pour la suite.
Le pire c’est qu’à un moment ou deux, Iron Man parvient à être sincèrement drôle. Le secrétaire Go, par exemple, est absolument génial. Son visage placide en toute circonstance parvient à tout de même nous transmettre une forme de sarcasme, comme s’il raillait sous cape son patron. Parfois il jubile à l’idée de lui avoir fait fermer son bec en pleine crise de colère (par exemple quand Hong Bin exige que sa voiture soit à côté de lui dans la seconde, ce qui parait parfaitement infaisable, et que les pneus de la bagnole crissent à côté de lui dans la seconde justement), et ça fait plaisir à voir.
Ce qui est sans aucun doute la meilleure scène du pilote m’a sincèrement fait rire : après avoir littéralement battu deux de ses employés, Hong Bin exige leur lettre de démission ; mais finalement il va les voir à l’hôpital (oui, leurs blessures sont à ce point, et il n’a même pas eu besoin de sortir ses lames de métal), et, indisposé par leur odeur, laisse Go s’excuser à sa place. Les excuses prennent la forme d’une cérémonie de promotion des deux employés, dans la chambre d’hôpital, et avec toute la morgue dont Go est capable. C’est parfait.
Vous voulez que je vous dise ? Il y a du Niles dans Go. Et rien que l’existence de ce personnage pourrait donner des espoirs pour l’angle de comédie, certes surprenant, mais pas nécessairement voué à l’échec, d’Iron Man.
Hélas chaque intervention de Se Dong à l’écran se solde par un cuisant échec sur le plan humoristique, émotionnel et dramatique… et elle est un personnage autrement plus central que Go, parce qu’elle est clairement l’enjeu amoureux du héros (la prévisibilité de la chose n’arrangeant rien).
Après, je ne prétends pas qu’Iron Man est un succès, je vous rassure ; au contraire, ses audiences sont plus qu’appropriées (du moins pour celles qui nous parviennent, puisqu’en-dessous un d’un certain seuil, les audiences des programmes les moins regardés de Corée du Sud ne sont pas rendues publiques, et la plupart des épisodes d’Iron Man sont dans ce cas). Que la série fasse un four dans son propre pays est rassurant, quelque part…
Une fois de temps en temps, j’aimerais tellement vous dire du bien d’une série sud-coréenne, mais ça fait des mois que je n’ai pas vu un pilote qui le mérite à mes yeux (le dernier étant Gaegwachunsun). C’est pas grave, on essayera encore et encore jusqu’à ce qu’on y parvienne. Il ne sera pas dit que je n’aurai pas fait mon possible !