La fin justifie l’absence de moyen

29 août 2012 à 20:36

En cette rentrée, whisperintherain et moi-même avons un petit défi, blah blah blah, tester tous les pilotes et les reviewer, etc., bon. Vous commencez à connaître le refrain. En tous cas le coup d’envoi de la rentrée est bel et bien donné, car entre les pilotes qui commencent à être diffusés, et ceux qui commencent à leaker, on a tout juste pied. Alors tâchons de tenir le rythme, et passons si vous le voulez bien à une autre série de NBC, The New Normal.
Et évidemment, en lien à la fin du post, je mettrai dés qu’elle sera postée un lien vers la review de whisper, pour que vous puissiez continuer de lire et comparer nos deux avis.

Ah, c’est très, très malin ce qu’a fait Ryan Murphy avec The New Normal. Très, très malin. Non vraiment, chapeau.
Prendre un sujet de société ultra-polémique, et en faire une comédie extrêmement militante, ça permettait de ne pas du tout se poser la question de la qualité : si on critique les personnages clichés, les situations convenues ou les dialogues franchement légers, il est facile de se voir opposer une réaction navrée du type, « t’as pas d’humour », ou, en version plus outrée, « je pensais pas que tu étais homophobe ». Après tout, c’est écrit par un gay, il doit connaître son sujet, non ?!
Et c’est là que c’est particulièrement bien joué. Il n’y a pas de débat possible. Non pas autour du thème de la série (bien que celle-ci, entre autres de par son titre, réduise toute possibilité de questionnement à zéro), mais autour de sa qualité, justement de par le sujet et la façon de le poser. Parce que, si vous n’avez pas été réceptif, c’est tout simplement que vous êtes un bigot en puissance et puis c’est tout.

Le problème, c’est qu’en abordant le pilote de The New Normal, on ne devrait même pas avoir à se demander quelle opinion on a sur le sujet (et en écrivant une review, on ne devrait pas non plus avoir à clarifier sa position).
On ne devrait pas se dire « enfin une série qui fait un peu avancer les mentalités ! », car faire avancer la société ne repose pas sur une seule série (mais sur plusieurs, si possible pas toutes produites par la même personne), et surtout, émane rarement d’une volonté aussi évidente de vouloir imposer un discours.
On ne devrait pas se poser la question, qui plus est, tout simplement parce que ce n’est pas le thème de la série qui détermine sa réussite, mais la façon dont on peut se lier avec les personnages. La parentalité, c’est universel. Envisager de devenir parent, et ce faisant, se demander quel sera le poids de l’hérédité et des conditions dans lesquelles l’enfant va grandir, c’est universel. Bien-sûr, les mères porteuses, les parents gays super-riches, et toute cette sorte de chose, ça n’a rien d’universel. Mais si The New Normal fait bien son boulot, ça ne devrait pas entrer en ligne de compte. C’est justement comme ça qu’on fait avancer les mentalités.
Mais à la vue de The New Normal, comment ne pas concéder un peu de crédit à ceux qui parlent de gay agenda ? Et, par ricochets, comment contredire ceux qui prétendent que Hollywood veut à tout prix imposer une certaine vision de l’homosexualité ? Comment peut-on ensuite leur opposer qu’il ne s’agit pas de forcer les choses, mais simplement d’obtenir l’égalité… quand, à côté, on a The New Normal ? C’est comme un adolescent qui promet qu’il sera sage pendant le weekend où il reste seul à la maison… pendant qu’un de ses copains décapsule une bière sur le canapé ! Difficile de conserver un semblant de sérieux quand Ryan Murphy, qui a intégralement bâti sa carrière sur la provoc’ et le je-m’en-foutisme, est à côté en train d’allumer un spiff d’une main pendant qu’il écrit un épisode de Glee de l’autre, alors que juste à côté, toi, tu promets aux neo-cons avec ta plus belle tête de premier de la classe que, juré, c’est une question d’égalité.

Dans le fond, ce n’est pas de cela qu’il devrait s’agir en commençant le pilote de The New Normal, mais simplement de télévision. Comme chaque fois qu’une série avec un sujet à polémique démarre, ce sont ses qualités et uniquement elles qui feront la différence.
Et à plus forte raison pour nous, téléphages, qui devrions être capable de regarder une série pour celle qu’elle est et pas seulement pour ce qu’elle essaye de signifier en période d’élections présidentielles. Du moins faut-il espérer que nous avons acquis, avec l’expérience et le nombre de séries que nous avons vues, le recul nécessaire pour ne pas tomber dans le panneau.

Alors, tentons d’éviter l’écueil du débat facile, qui ne manque(ra) pas d’entourer The New Normal, et concentrons-nous sur les qualités intrisèques de son épisode pilote.
Ce ne sera pas aisé, car il n’y en a pas beaucoup.

En fait, tout bien pesé, je n’ai relevé qu’une seule bonne scène : celle pendant laquelle Bryan et David sont ensemble, dans leur lit, et parlent de leur paternité à venir à coeur ouvert. Les grimaces sont loin, les personnages sont honnêtes, et il émane de cette scène une tendresse pétillante qui est, à mon sens, ce qu’on vient trouver dans une comédie dont le slogan a le culot d’être « a post-Modern Family » (pun obviously intended). Les personnages sortent, en cet instant, de la caricature dans laquelle ils ont été fourrés avant cette scène (et hélas, après), et nous offrent pour la première fois la possibilité de nous attacher à eux. Car nous avons besoin de ça pour les suivre dans leurs délires.
Mais je réalise en écrivant cette phrase que je n’ai aucune idée de quels délires il s’agit. En fait, tout bien réfléchi, je suis incapable de citer un seul passage qui me soit apparu comme voulant être drôle (sans même envisager de déterminer s’il y a réussi). Outre les personnages caricaturaux (l’un des deux gays, son assistante, la grand’mère de la mère porteuse), il n’y a aucune scène d’humour. Il y a une engueulade sur la fin, mais elle ne cherche pas tant à être drôle qu’à surprendre. A part ça, non, rien. Et ça me fait un choc parce que tout le long de l’épisode, je me suis dit « ils traitent vraiment ça à la légère », et je pensais que je parlais d’humour mais à présent je réalise que non, ce qu’ils ont traité à la légère dans le pilote de The New Normal, c’est à la fois les personnages, les rebondissements… et le genre-même. Ce n’est pas une comédie. Il n’y a aucune forme d’humour : ni slapstick, ni répliques piquantes, ni comique de situation, non, aucun mécanisme de tout le pilote qui puisse faire penser qu’on a affaire à une comédie. On pourrait imaginer qu’étant une comédie en single camera, The New Normal a décidé d’employer une forme d’humour plus discrète, comme l’ironie, mettons, mais rien n’apparait non plus sur le radar. Pourtant, de par son format et l’absence totale de profondeur de ses personnages, on ne peut certainement pas dire que le pilote de The New Normal puisse prétendre au titre de drama. Alors que diable viens-je de regarder ?!

Mais calmons-nous et essayons de trouver d’autres qualités. Pour avoir réussi à passer le cap du développement, The New Normal a forcément réussi quelque chose.
L’exposition des personnages, peut-être ? Et pourtant… En-dehors des longues minutes de souffrance autour du personnage d’Ellen Barkin, aucun personnage n’a vraiment bénéficié d’une introduction détaillée, et à vrai dire, surtout pas les deux papas, qui s’enferment immédiatement dans leur rôle hétéronormé pour n’en jamais sortir. A vrai dire, la mise en situation de Goldie (qui deviendra la future maman, et contrairement à ce que voudrait vous faire croire la chute de l’épisode, ce n’est pas un spoiler parce que c’est le pitch de la série et qu’on y trouve une référence sur toutes les promos) m’a même semblé horriblement confuse, en cela que la réalisation m’a fait croire à un flashback pendant une scène clé, et ce n’en était pas un. Je n’avais même pas percuté que ça se déroulait au présent lorsqu’elle a surpris son mari la main dans le pot de confiture (pardon pour l’image). Et pour finir, le cliché de la gamine plus mature que tout le monde est ici utilisé de façon insupportablement peu inventive.
Non, attendez, on a peut-être un espoir avec la façon d’amener le sujet. Au sens où quels que soient les personnages, l’essentiel est d’amener la question sur la table de façon intelligente… comme avec… euh, un faux micro-trottoir ? Car il faut l’admettre, le passage au cours duuel les parents gays essayent de comparer leur situation à celle d’autres parents dans un jardin d’enfants avait autant d’honnêteté intellectuelle que Philip Rosenthal. Donc ce n’est pas là non plus que le pilote de The New Normal a réussi.
C’est forcément autre chose. Quelque chose qui justifierait l’investissement par une chaîne (déjà à la traine) dans un projet… Le montage ? Ou, non, pas le montage : la musique ! Oui, c’est ça, la musique est… Euh, non, je sais pas, euh, il y a forcément un truc qui vaut la peine d’être vu dans ce pilote, non ? …Les fringues ?

Dans son élan pamphlétique, l’épisode inaugural de The New Normal s’avère en fin de compte être d’une pauvreté affligeante, tout simplement parce qu’il a oublié l’essentiel. Et je crains que ça ne lui porte bien plus préjudice que le boycott par quelques conservateurs…

Malheureusement pour nous, il arrive assez souvent que produire une série sans grande qualité, simplement parce qu’elle est produite par quelqu’un qui a du succès et/ou dans l’espoir de faire le buzz, soit également devenu the new normal. Et ça, faut pas s’en faire, c’est bien entré dans les mentalités.

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6 commentaires

  1. Bw dit :

    Salut Lady, on dit spiff ou spliff ?

  2. ladyteruki dit :

    Ça dépend si on en a fumé un avant.

    Merci pour tes interventions toujours pertinentes qui permettent de faire avancer la discussion

  3. bw dit :

    mdr, bah en même temps ton article émet de sérieuses réserves à l’encontre de cette série donc avec le peu de temps que je dispose je vais zapper ! En plus du planning sur le coté serait ce possible de savoir au moins 24h à l’avance le post à sortir, perso ça me permettrait d’être moins passif, je ferais plus d’effort pour me procurer l’épisode et du coup poster des commentaires au pire intéressant …bah je dis ça comme ça …

  4. ladyteruki dit :

    Petite question : la passivité, ce n’est pas plutôt attendre de moi un planning de mes posts à venir ? Je vais suggérer un truc complètement farfelu, mais tu peux aussi faire la chose suivante : si tu veux voir l’épisode avant de commenter le post, ce que je comprends tout-à-fait, alors tu peux aussi bien revenir dans un ou deux jours, ou plus, après avoir vu l’épisode (et comme ça tu peux te les procurer absolument quand tu veux sans être dépendant de mon emploi du temps).

    Les posts sont écrits pour rester, tu sais : une fois qu’ils sont en ligne, ils ne bougent pas. Certains sont commentés des mois plus tard parce que ça collait au visionnage d’un lecteur, c’est très bien aussi.

    Et au pire, si tu as lu le post, alors tu sais qu’une bonne partie de ce que je dis ne porte pas tant sur le pilote lui-même que son contexte, n’as-tu pas un avis sur le côté polémique de The New Normal, quand bien même tu ne l’as pas vu ? Par exemple, es-tu d’accord avec le fait que prendre un sujet sensible interdit la critique ? Trouves-tu que faire abstraction de notre position sur la question soit une bonne chose ou non ? Dans l’absolu, penses-tu que Murphy est un simple agitateur ou que sa démarche est bénéfique ? De toutes les choses à dire (et ce ne sont que des pistes parmi tant d’autres), tu n’as trouvé qu’une faute de frappe à souligner. Ça valait en effet le coup de se précipiter pour commenter…

  5. Bw dit :

    Aie c’est moi ou tu le prends assez mal ?! C’était pas une critique ou un reproche, je suis un fervent lecteur de ton blog et ça me plairais de réagir plus à tes billets… Mais tu as raison à l’avenir je m’abstiendrais d’aller de mes 31 characteres inutiles et j’attendrais à défaut de faire des efforts que ton poste tombe sur un truc que je connais…

    Mes hommages Lady

  6. Aurore dit :

    « la réalisation m’a fait croire à un flashback pendant une scène clé, et ce n’en était pas un. »

    Exactement pareil xD Je sais pas comment ils se sont débrouillés, avec si peu de matière ils arrivent encore à nous perdre !

    Cette série me fait penser à une discussion que j’avais eu avec un copain. {qui découlait de Clara Sheller 2.0 que j’avais détesté et lui adorait}.

    Ça rejoint complètement ton paragraphe sur Murphy qui, étant gay, nous facilite pas la tâche si on veut critiquer cette série.

    Pour faire court, dans cette série on a le droit a une séance shopping pour l’un qui craque sur un bébé comme on craque sur une chaussure, et une séance foot/bière/je-caresse-mon-gros-chien pour l’autre…

    On est en train de coller des étiquettes sur ces deux braves messieurs, ils n’ont aucune profondeur, puent le cliché…
    {Et je ne parle pas de la scène du parc, au secours !}

    C’est là où tu dis que le débat n’est pas possible parce que c’est écrit par Murphy. On peut pas lui reprocher de faire du cliché.

    Et c’est là où j’en viens à ma fameuse discussion (si tu me suis toujours xD}, où un copain me disait : « Oui mais dans la vie, des gens qui sont des clichés ambulants, ça existe. Si on veut faire une série réaliste le cliché fait parti de la vie de tous les jours, donc elle doit aussi faire partie d’une série réaliste. »
    Ce à quoi je ne suis pas du tout d’accord, mais c’est pour l’expliquer que c’est le plus dur ^^ Lorelaï n’a rien de réaliste par exemple. Parler aussi vite avec des répliques qui font mouche truffées de références, c’est inhumain, pourtant elle est mille fois plus intéressante, captivante, drôle et c’est les problèmes qu’elle rencontre à côté qui font le réalisme de la série.

    Et je pense qu’on est en plein dans le problème de cette série : Le réalisme à outrance est-il trop ennuyant ? Vouloir décrire le « new normal »… Si c’était si normal, il n’y aurait aucun intérêt à faire un sujet dessus.

    En fin de compte, oui, si on cherche bien tous ces personnages (peut-être pas la secrétaire quand même xD) peuvent exister, pourquoi pas. La question, c’est pourquoi en faire une série et tous les regrouper dedans !

    S’ils sont chiants, n’ont aucune profondeur, répondent aux clichés les plus basiques que la société peut leur donner, tout le message de la série en pâtit. {message qui se transforme en discours moralisateur, puis devient n’importe quoi avec la grand-mère}
    Et si elle ne voulait pas faire passer de message, c’est juste une série chiante, qui a autant d’intérêt que ses personnages.

    Merci pour cette série Ryan, c’étaient 20 minutes d’ennui total, mais on a plein de choses à dire dessus

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