Le rire est ailleurs

23 octobre 2012 à 15:49

A chacun ses méthodes. Lorsqu’il s’agit de vous parler d’un pilote, j’aime le faire aussi rapidement que possible après visionnage, et à la condition de n’avoir pas encore vu les épisodes suivants. Généralement, ça veut dire que si je n’ai pas pris le temps de vous parler d’un pilote que j’ai déjà vu, je n’ai donc pas vu la suite. C’est le cas par exemple pour Puberty Blues, que je tente de reviewer depuis quelques semaines maintenant, et dont je n’ai pas encore vu le deuxième épisode pour cette raison. Ma logique derrière cette règle personnelle (libre à chacun d’en penser qu’elle est absurde, évidemment) est que cela me permet de vous parler du pilote et juste lui, de ce que la série promet, de ce que la première impression produit. Je me réserve ensuite la possibilité d’écrire sur les épisodes suivants et/ou un bilan de saison, selon l’humeur et les choses à en dire, mais ce rituel des pilotes « nus » me semble précieux, à plus forte raison parce que je parle d’énormément de pilotes variés, souvent pour vous les faire découvrir s’ils sont exotiques, et que je ne pense pas que je parlerais correctement de la découverte potentielle que représentent certains épisodes si j’avais déjà en tête les développements qui suivent.
Le problème est que toute règle a ses exceptions. Dans le cas de The Neighbors, je partais sur la série avec un point de vue négatif, le pilote m’a laissée circonspecte, et j’ai fini par suivre les épisodes suivants sans avoir parlé du pilote dans ces colonnes, pour essayer de clarifier ma position à son sujet. Ce qui serait tout-à-fait acceptable, après tout (un cas de conscience similaire m’avait été posé par Girls, à un degré différent), s’il n’y avait pas le défi avec whisperintherain, consistant à reviewer chaque pilote. Même ceux pour lesquels on ne sait pas trop ce qu’on va dire.
Aujourd’hui est donc une exception : je vais vous parler d’un pilote que j’ai non seulement vu dés sa diffusion, il y a bien des lunes, mais pour lequel j’ai déjà suivi plusieurs épisodes. Mais, on l’a dit, j’aime bien réussir mes défis…

Le concept de The Neighbors augurait du pire comme du pire : des créatures étranges, qu’on confronte à notre bon mode de vie américain, et qui sont supposées nous faire rire avec un choc civilisationnel à peu de frais… Des idées comme ça, on en avait déjà vu quelques unes, et ça avait donné des horreurs du genre de Cavemen. C’est précisément avec cette idée bien arrêtée que j’avais lancé le pilote de The Neighbors, convaincue que le concept était mauvais jusqu’à la racine et qu’il ne pouvait rien en sortir de bon. A cela encore fallait-il ajouter le handicap Jami Gertz (si vous n’avez jamais vu Une Famille Presque Parfaite, vous ne pouvez pas comprendre l’ampleur de l’horreur), et, osons le dire parce qu’on y est tous quand même un peu réceptifs, aucun autre nom, derrière ou devant la camera, qui ne donne vraiment confiance.
Au temps pour mes espoirs de neutralité, envoyée ici au tapis.

Dans le fond, je crois que je m’étais convaincue à un moment, et allez savoir comment puisque je ne regarde aucun trailer, que The Neighbors serait une sorte de comédie grossière, maladroitement filmée en single camera mais reposant sur les réflexes des pires sitcoms en multi-camera, reprenant les clichés sur la vie d’une famille de banlieue, comme une façon nouvelle de filmer, je sais pas moi, disons According to Jim (si vous n’avez jamais vu According to Jim, vous ne pouvez pas comprendre l’ampleur de l’abomination).
Les premières images m’ont en réalité à peine détrompée. L’arrivée de ces étranges voisins sur Terre semblait caricaturale, et les blagues n’étaient pas très fines. L’arrivée de la famille humaine dans leur petit quartier résidentiel (sur un court de golf) ne répondait pas tellement plus à mes interrogations.

Pourtant, quelques choix ont commencé à me mettre dans de meilleures dispositions, progressivement. Le fait, d’abord, que l’identité secrète des voisins de l’étrange ne soit pas connue que des spectateurs, mais au contraire, rapidement dévoilée aux protagonistes humains. Voilà qui aurait, sans nul doute, été à l’origine de nombreux scénarios pénibles sur la nature réelle qui manque in extremis d’être découverte une semaine sur deux, ou, au contraire, les démonstrations d’ingéniosité des extraterrestres pour ruser et berner leurs voisins trop bêtes pour voir ce qui est sous leurs yeux. L’épisode inaugural tentera quelques plaisanteries sur le mode « ils doivent être Européens », mais la résolution rapide du mystère des origines du quartier coupera court à ces blagues éculées, par exemple.
Avantage corollaire, les humains ne sont donc, dans The Neighbors, pas des imbéciles : certes, la situation les effraie initialement, et à juste titre, leur faisant perdre temporairement leurs moyens, mais ils ne font pas complètement honte à leur espèce et font montre de facultés d’adaptations louables.

Les excentricités de ces voisins venus d’ailleurs sont parfois peu originales, je le maintiens, mais ce n’est pas lourd non plus et c’est ce qui présente des avantages certains.
Ainsi, ce qui va devenir un effet récurrent est souvent efficace : la communauté d’extraterrestres habitant l’enclave a tendance à être très soudée, et à se regrouper pour toutes sortes d’activités des plus anodines, comme dans ce pilote, venir souhaiter la bienvenue aux nouveaux-arrivants. Certains passages du pilote de The Neighbors ont presque des airs de Suburgatory (si vous n’avez pas vu Suburgatory, vous ne pouvez pas comprendre l’ampleur de la déception), dans la façon de mettre en place un univers à la fois résolument familier et un décalage loufoque tentant de passer pour une norme locale.

Finalement, l’épisode s’oriente vers une comédie mettant en scène deux couples, deux façons de fonctionner, qui vont sympathiser malgré tout, et que l’un de ces couples manque de sacrifier son dernier-né afin de pouvoir contacter la planète-mère n’est finalement qu’un à-côté. Rapidement, les hommes plaisantent entre eux, les femmes entre elles, dépassant leurs différences, se confrontant au regard de l’autre ; ça ne donne pas nécessairement des histoires foudroyantes, mais au moins les dialogues valent le coup, le ton souvent peu expressif ou lunaire des voisins accentuant l’absurde de certaines conversations.
The Neighbors n’est pas la catastrophe annoncée. Au stade du pilote, toutefois, ce n’est pas non plus une grande réussite. Sans être l’abomination que je craignais, la série manque d’énergie, et à plusieurs reprises, elle prouve aussi que son cast manque régulièrement de charisme, notamment chez les humains où personne ne se donne beaucoup de mal (porter le rôle de repère de la normalité n’aide évidemment pas ce phénomène). Il manque à The Neighbors quelque chose, une étincelle, qui provoque l’hilarité, et donc le coup de foudre ; on en est même très loin.
Difficile pour The Neighbors d’offrir quelque chose du niveau par exemple de Raising Hope, référence absolue des séries à l’humour increvable de ces dernières années (si vous n’avez pas vu Raising Hope, il faut vous y mettre).

Fort heureusement, avec le recul, et puisqu’une fois n’est pas coutume j’en ai au moment de rédiger cette review de pilote, il faut admettre que The Neighbors a quelques tours dans sa manche par la suite, y compris, ponctuellement, dans le domaine de l’émotion, et j’étais la première surprise. Sans être non plus extra-touchante (pardon), la série parvient à donner corps à des personnages pas tout-à-fait unidimensionnels et sympathiques. Quelques bonnes idées attendent les spectateurs patients par la suite, rattrapant des intrigues souvent peu motivantes sur le papier, mais relativement bien troussées (je pense par exemple à l’épisode dans lequel des amis du couple viennent les visiter dans leur nouveau voisinnage), montrant que, même s’il manque quelque chose à The Neighbors, ses auteurs tentent des choses et, parfois, les réussissent vraiment. Ce n’est pas la norme dans les épisodes diffusés jusqu’à présent, où beaucoup de scènes se regardent d’un air blasé, mais quand ça se produit, ça fait plaisir.

Clairement, The Neighbors n’est pas mon coup de coeur de la saison, loin s’en faut. Mais je crois que ce qui m’avait laissée certes rassurée, mais pas complètement convaincue à l’issue du pilote, en fin de compte : on s’y fait. On admet qu’on ne se tordra pas de rire. On admet aussi que ne pas se tordre de rire devant une comédie ne signifie pas qu’elle est nulle. The Neighbors ne nous prend pas pour des spectateurs auxquels il faudrait bourrer le mou avec des ingrédients, des gags et des personnages ridicules, et c’est toujours ça de pris. Après, je ne sais pas s’il faut vraiment laisser du temps à cette série, qui confirme dans ses épisodes suivants les mêmes mollesses, les même maladresses, que dans son pilote ; si ce dernier ne vous rebute pas après visionnage, sachez qu’il y a peu de chances pour que vous développiez une profonde aversion pour la série dans les épisodes qui suivent. En revanche, si vous êtes en quête d’un moment de drôlerie absolue, et que le pilote ne vous décroche pas même un rictus fatigué, changez de crèmerie.
Mais ça se trouve, sur Zabvron, les spectateurs sont pliés en quatre, on sait pas.


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1 commentaire

  1. Ludo dit :

    Et ben, Lady, je te trouve très cruelle avec ces pauvres Zabvronniens : même si j’ai un peu de retard, j’ai beaucoup ri dés les premières minutes de cette série : les situations font sourire, détendent, et préparent à quelques éclats de rire. On est certes pas face à du tBBT, et je ne pense pas qu’on l’atteindra, car the Neighbors restera plus légère, à mon avis (même si je ne désespère pas de la voir appréhender des concepts plus lourds), mais elle est pour moi bien meilleure, bien plus drôle que le pitch ne le laissait entendre.

    Peut-être as-tu trop appréhendée la série comme tu l’indiques en début d’article, avec un a-priori trop négatif, mais je compte sur toi pour te détendre : laisse-lui sa chance, je crois que c’est une série dont le rôle est « juste » de nous divertir : n’y cherchons ni réalisme, ni constance scénaristique, ni fil rouge : juste se détendre, et passer un bon moment

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