Des skis contre l’atome

19 janvier 2015 à 15:57

La review d’hier m’a fait repenser à Kampen om Tungtvannet, la mini-série norvégienne dont je vous rebats les oreilles depuis… ah oui, c’est ça, bientôt trois ans. Fort heureusement, NRK a décidé d’enfin lancer la diffusion au début du mois, mais vous le saviez déjà parce que vous consultez le Pilot Watch. En tous cas, mille hourras, il existe déjà des sous-titres pour le pilote ! Ça ne fait donc pas un pli, vous allez avoir droit à une review aujourd’hui.
Kampen om Tungtvannet (dont le titre international est Heavy Water War, parfois précédé d’un The, preuve que les titres originaux sont la meilleure chose au monde), c’est l’histoire à la fois d’un défi scientifique et d’une aventure militaire de la dernière chance.

Tout commence pour la série en 1932, alors que le scientifique Werner Heisenberg reçoit un prix Nobel à Stockholm pour ses travaux en physique. La série va couvrir l’avancement de sa carrière à partir de là, jusqu’au moment où il ne peut plus ignorer que l’actualité (Hitler est arrivé au pouvoir l’année après cette consécration) se mêle de science… et que l’inverse va devenir nécessaire également.
En 1938, il est ainsi interrogé par la police pour citer les travaux de scientifiques juifs dans ses recherches et ses déclarations ; sur le point d’être envoyé au front, il est sauvé in extremis par un lettre de Himmler : leurs mères se connaissent et le piston a marché. Hélas cette faveur a une contrepartie et désormais il est vivement encouragé à rejoindre les efforts scientifiques du Gouvernement nazi. Il devient alors, en 1942, la figure de proue de l’Uranverein, autrement dit le club de l’uranium, dans lequel l’élite de la physique allemande développe l’arme atomique.
En couvrant ainsi 10 ans de l’histoire de Werner Heisenheimer pour ouvrir son intrigue, Kampen om Tungtvannet fait le pari de laisser le spectateur se lier à ce personnage qui incarne pourtant la « partie adverse ». Bien qu’ayant un esprit scientifique avant tout, et désapprouvant l’insinuation du politique dans ses travaux, Heisenberg devient progressivement l’ennemi dans la dynamique de la série, et de l’Histoire. Apporter de la nuance à son personnage était un pari en soi, mais faire de lui le héros quasi-unique de la série pendant la première-demi heure de la série relève de l’exploit. Et pourtant ça fonctionne, ça fonctionne même à un tel point qu’on finit par se prendre de passion pour les recherches du scientifiques, pour ses moments de gloire, pour ses réussites dans tous les domaines. Une scène entière décrivant comment Werner Heisenberg pense, pour le moment en théorie, qu’une bombe atomique pourrait fonctionner, est même galvanisante comme un épisode de Masters of Sex : l’esprit de conquête scientifique fascine avant toute autre chose. Mais les enjeux sont clairement différents, mais malgré cela, à l’instar de Heisenberg lui-même, on en oublie parfois les conséquences pour simplement se prendre de passion pour la recherche pure.

A côté de ça, pourtant, Kampen om Tungtwannet a un autre protagoniste central, qui lui, est véritablement le héros. Leif Tronstad est un physicien norvégien ; il a aidé à construire à Rjukan la seule usine qui soit en mesure de produire de l’eau lourde, ce matériau qui permettra à terme de développer la fission nucléaire. L’usine a désormais stoppé la production, mais conserve quelques litres d’eau lourde dans un coin. Désormais titulaire d’une chaire à l’université, il découvre progressivement que les Allemands, ayant besoin d’eau lourde, veulent s’emparer des maigres réserves de l’usine, mais surtout en relancer la production, contre une monnaie sonnante et trébuchante qui ne peut que séduire. L’Uranverein ne lésine en effet pas sur la dépense, et est prêt à tout pour aider Heisenberg à réaliser la bombe atomique ; et ce avec d’autant plus de précipitation que l’Allemagne soupçonne la France d’être la seule autre nation au monde au courant de l’utilité de l’eau lourde.
Tronstad a d’abord l’espoir que l’eau lourde soit vendue en priorité à la France. Mais lorsque l’Allemagne occupe le Danemark puis la Norvège, et que la production d’eau lourde s’apprête à reprendre à l’usine de Rjukan, il devient clair que l’eau lourde est en danger et, avec elle, l’avenir de l’Europe. Tronstad décide alors de partir en exil à Londres, où il a trouvé le soutien des Alliés et où il espère pouvoir trouver le moyen de stopper les plans atomiques des Nazis.

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Ce premier épisode est clairement tourné sur l’exposition ; la toute première scène de la série nous montre ce qu’il adviendra progressivement, c’est-à-dire une opération militaire tournée vers l’action. Kampen om Tungtvannet avertit d’emblée ses spectateurs : il va y avoir du suspense plus tard, promis, mais pour le moment, laissez-nous vous offrir du drama historique pur. Le pilote en rajoute même en insérant un troisième personnage, l’avocat Bjørn Henriksen, un employé loyal du groupe industriel possédant la fameuse usine de Rjukan. Lorsque l’Allemagne occupe la Norvège, Henriksen est promu à la tête de l’usine, et devient donc le responsable de la fabrication de litres d’eau lourde. Si ses scènes restent assez sporadiques (et que l’homme est assez avare de ses mots même quand il est à l’écran), Henriksen se place immédiatement comme un protagoniste sombre, quoique pas nécessairement pas mal intentionné, dans la dynamique de la série.

Werner Heisenberg, Leif Tronstad et Bjørn Henriksen sont donc les trois pôles de cette saga historique. Entre les trois hommes, qui a priori ne se sont jamais rencontrés, se construit subtilement une confrontation. Leurs actions tirent le monde dans une direction, ou une autre, peut-être même une troisième.

Arrivé à Londres, Tronstad va finir par créer une unité dont la mission sera d’aller saboter l’usine de Rjukan. Si l’entreprise réussit, ils auront sauvé des milliers, peut-être des millions de vies. Et si jamais ça rate, eh bien… ça finira comme The Man in the High Castle.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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