De mère en fille

7 avril 2019 à 18:48

Danielle a décidé d’emménager à Montréal, au grand désespoir de sa fille Chloé. Eh oui parce que tout l’agace, chez cette mère : une aptitude tout terrain à dire des choses blessantes en s’abritant derrière « l’honnêteté », une capacité à juger en permanence ce qu’elle ne comprend pas, une obsession pour Simon (l’ex avec lequel Chloé n’est plus en couple depuis des années…), et surtout, ah surtout, une nette préférence pour son frère Fred. Maintenant que Danielle habite si près, il n’est plus possible de la tenir à distance, et voilà la vie de Chloé envahie.

En tout cas, qui est non seulement le titre de la série mais aussi l’expression avec laquelle Danielle finit tant de ses commentaires les plus irritants, s’intéresse aux interactions entre la mère et la fille avec plus de nuance qu’il n’apparaît de prime abord. Le premier épisode pose les jalons d’une cohabitation difficile, mais sans totalement tourner les prises de bec en chemin de croix : si elles ne sont pas capables de communiquer, les deux femmes s’aiment, sans nul doute.

Alors oui, En tout cas donne l’occasion, en moins d’une demi-heure, d’assister à plein de petits accrochages, souvent en se rangeant du point de vue de Chloé. Par des scènes de bisbille, la comédie tente de montrer combien Chloé sait à l’avance quel sera le prochain « coup » de sa mère, ou ne connaît que trop bien ses idées parfois pas très modernes sur la thérapie ou le voile. Des opinions souvent dispensées en public par Danielle, malgré les tentatives de sa fille pour la faire taire. Il n’y a tout simplement rien à faire, et Danielle n’a jamais aucun filtre.

Certes, a priori on l’a tous vue, cette série où un personnage insupportable doit être supporté tout de même par l’un de ses proches. Mais il se passe bien plus au cours de ces scènes, qui apportent un peu de complexité à la relation : elle a beau s’en plaindre (et pas toujours à tort), Chloé aime sa mère. Elle a beau rouler des yeux, dans le fond elle ne la déteste pas du tout, chose qui mérite d’être explicitée et ne l’est pas nécessairement dans des séries similaires.
Chloé connaît Danielle sur le bout des doigts, et une part de son agacement, en fait, vient de son impression de pouvoir prévoir la moindre de ses réactions. En un sens ce qui crée des tensions, c’est justement de trop bien connaître ce parent ! Et de savoir pertinemment à quel moment une parole va appuyer très précisément là où ça fait mal, ou embarrasser devant un tiers, parce que la familiarité est à ce prix. Ce n’est ainsi pas juste une relation mère-fille qu’En tout cas interroge, mais au sens plus large, le principe-même de connaître par cœur un membre de son entourage, et comment ce qui use, c’est d’être autant rompu aux défauts de l’autre.

Mais en parallèle, Chloé est aussi bien contente que sa mère, désormais vivant en ville et n’ayant pas grand’chose à faire en-dehors de voir sa famille, lui rende des services, par exemple. Elle se plaint d’elle mais n’hésite pas à l’inviter à aller faire du yoga ensemble. Bref, Chloé a beau lever les yeux au ciel, elle est contente aussi de l’avoir dans sa vie. La familiarité a du bon !
C’est d’autant plus vrai que, comme le prouve la séquence mettant en avant la relation entre Helène, la sœur de Danielle, et sa fille Alexandra, la relation entre Chloé et Danielle a ses inconvénients, mais elles n’en changeraient pour rien au monde. Cliché de l’amitié mère-fille type Gilmore Girls, ce duo ne correspond ni aux dynamiques auxquelles nos deux héroïnes aspirent, ni aux échanges dont elles sont capables. Même quand elles ne se comprennent pas, Chloé et Danielle se préfèrent telles qu’elles sont ! Une jolie variation sur ce thème éternel des parents et des enfants qui ne s’entendent pas : dans En tout cas, les chamailleries font partie de ce qui soude la mère et la fille, de ce qui les rapproche, de ce qui fait que leur lien est unique.

A coups de petites scènes aux dialogues rapides, où Guylaine Tremblay se dépense sans compter, En tout cas essaie de décrire un lien complexe, sans forcément se prendre trop au sérieux mais sans tomber dans le stéréotype en permanence. Le premier épisode d’En tout cas se termine, en outre, sur une merveilleuse mise en abime, quand Claudette (mère de Danielle et donc grand’mère de Chloé) s’avère elle aussi avoir des phrases et comportements un peu irritants  pour sa fille. L’agacement, c’est une affaire de famille !

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Toeman dit :

    En plus de commencer cette série, ça me donne envie de reprendre Unité 9 que j’ai laissée tomber par la force des choses alors que j’étais toujours assez fan.
    Je regarde plus grand-chose, du coup, j’ai aussi abandonné le Québec qui avait une grande place dans mon coeur de sériephile. Je vais remédier à ça !

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