Screen sonata

22 avril 2024 à 20:47

Deux séries fantastiques pour la jeunesse ont démarré ce mois-ci : The Spiderwick Chronicles (sur Roku) puis La partitura secreta (du côté de Disney+). Cela faisait deux jours que j’essayais laborieusement d’écrire sur la première, quand pour me changer les esprits j’ai décidé de jeter un oeil vite fait à la seconde. Et en fait, vous savez quoi ? The Spiderwick Chronicles est bien trop ratée pour que je lui consacre toute une review ; alors parlons de la série mexicaine à la place.
Pourtant, La partitura secreta (ou The Secret Score de son titre anglophone) n’est pas, dans le fond, révolutionnaire. Elle emploie au contraire des recettes employées depuis, au bas mot, les 25 dernières années. Eh bien vous savez quoi ? Il y a une raison.

Maya est une jeune saxophoniste qui, pendant l’été, reste en contact avec son petit ami Leo par le biais de son téléphone. Ou en tout cas c’était vrai jusque récemment ; quelques jours avant que ne commence l’intrigue, Leo lui a envoyé une video un peu énigmatique, avant de cesser complètement de répondre à ses messages. Voilà qui préoccupe Maya, que sa meilleure amie Nati n’arrive pas à convaincre de partir en camp d’été à l’Institut Staqui, un conservatoire de musique réputé pour son programme d’excellence. Mais quand Maya reçoit un colis de la part de Leo, qui lui confie le pendentif dont il a hérité de son père… et que le colis s’avère avoir été envoyé depuis l’Institut Staqui, la jeune fille change rapidement d’avis, et se lance dans une investigation sur la disparition de son petit ami.

La partitura secreta ne perd pas une seconde, et surtout pas en exposition. Il faut que les choses bougent, et la série n’est absolument pas effrayée par les plot holes pour parvenir à ses fins. No time to explain, get in. Maya reçoit donc l’impulsion nécessaire pour aller à Staqui (installée autour d’un ancien temple, euh… maya ; depuis reconverti en musée de la musique à la gloire de Rebecca Staqui, fondatrice du conservatoire), fait la connaissance de plusieurs autres élèves qui sont là pour des raisons bien plus studieuses qu’elle, et ainsi de suite.
La moitié de l’épisode n’est même pas encore atteinte que, guidée par un mystérieux oiseau rouge, elle est déjà entrée par effraction dans le musée, découvrant que le pendentif du père de Leo est un symbole secret… qui ouvre le passage vers un bureau abandonné ! Dans cet endroit jonché de vieux documents, Maya et sa bande découvrent un clavecin, et surtout, une partition antique, qui dés qu’elle est interprétée, fait entrer des sons magiques dans les oreilles des adolescentes présentes. Quelle n’est pas leur surprise lorsqu’elles découvrent quelques minutes plus tard que chacune d’entre elles est désormais dotée de pouvoirs surnaturels ! Mais tout cela ne nous dit pas ce qu’il est advenu de Leo…

Devant le premier épisode de La partitura secreta, il ne fait aucun doute que la série veut proposer moins un mystère qu’une aventure. Les questions ne se posent jamais longtemps ! Par exemple, si vous vous demandez comment les amies de Maya vont dissimuler leurs pouvoirs alors qu’elles ne les contrôlent pas du tout, eh bien l’épisode y répond prestemment : d’autres élèves, ainsi que des adultes, vont rapidement s’apercevoir des talents de plusieurs d’entre elles (il faut dire que le pauvre Tenoch se téléporte et que l’agaçant Andy prend l’apparence d’autrui, ce qui est un peu compliqué à camoufler). Voilà, problème réglé. La partitura secreta est lancée sur une intrigue bien précise et elle n’a pas de temps à perdre dans des quiproquos ou des intrigues secondaires : il faut que ça se fasse.
A côté de ça, The Spiderwick Chronicles n’en finit plus de se répandre en exposition, en contexte, en nuances. Mettons en place un « méchant » complexe, explorons les tensions familiales, psychanalysons les comportements adolescents… On mentionne le racisme (parce qu’on a décidé d’embaucher une distribution majoritairement noire, et que maintenant ça pose toutes sortes de questions sur comment la traiter : dialogues colorblind ou pas ?), on s’interroge sur la santé mentale (toute réflexion à ce sujet étant vouée à tomber à l’eau une fois qu’on aura prouvé que ces protagonistes ne sont pas folles, la magie existe vraiment !), on essaye d’avoir l’air atroce (sans montrer une goutte de sang). La série se débat dans son désir d’être vue comme « réaliste », « adulte » et « sombre », et au final finit par être complètement chiante… parce que ce sont des objectifs difficilement compatibles avec son sujet fantastique et sa cible jeune. Et, surtout, c’est profondément incompatible avec son intrigue absolument simpliste.
En ne s’encombrant pas de thèmes annexes (pas de propos ici sur la santé mentale par exemple, même quand une des antagonistes qui a également été touchée par la musique magique entend littéralement des voix !), en refusant de s’expliquer sur ses mécanismes (Maya a besoin de rejoindre un conservatoire très prisé, alors qu’elle n’étudie pas la musique et joue juste pour le plaisir… bien-sûr, pas de problème, elle est acceptée pour l’été, on va même pas parler d’admission !), en acceptant que ses personnages comme ses dynamiques soient simples (l’impétueuse Maya et le ténébreux violoniste Max ne peuvent pas s’encadrer, mais éprouvent aussi de l’attirance, bon bah voilà c’est acté), La partitura secreta va droit au but. Pourquoi s’embarrasser de choses annexes, et faire durer ce que l’on sait être nécessaire à la série pour progresser ? Cette efficacité au service d’une intrigue en mouvement permet de lui passer une grande partie des clichés présentés, parce qu’elle ne s’apesantit pas dessus comme si elle les avait inventés.

Est-ce que La partitura secreta est surprenante ? Pas une seule seconde. Il n’y a pas un souffle pendant ces 25 minutes qui aille là où on ne l’attend pas. Et alors !
En tout cas, l’épisode est sincèrement divertissant. Il se propose d’emmener ses jeunes spectatrices dans un univers facile d’accès, où la musique tient une place prépondérante (mais la musique classique, pour une fois, pas la pop à la Violetta ou la K-pop de L-Pop !), et qui ne laisse pas de répit à ses protagonistes. On connaît la sonate par coeur, mais elle n’a pas perdu de son efficacité et fournit exactement ce qu’on en attend, sans faux-semblant ni illusions de grandeur.


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