Comedy crumbs

7 juin 2024 à 21:15

Ayant passé une mauvaise semaine, j’avais envie de rire un peu. Surtout qu’en ce moment, je suis assez préoccupée par l’impression que j’ai que les séries que je regarde nécessitent toutes un trigger warning, et que réviser à la hausse ma consommation de fictions plus légères ne pourrait pas faire de mal.
Dans cette démarche, en fouillant dans mes dossiers, j’ai réalisé également que j’avais pas mal de sitcoms dans mes archives, lancés il y a plusieurs mois voire un peu plus, auxquels je n’avais pas touché du tout depuis leur diffusion. Alors plutôt que de continuer à donner la priorité à d’autres séries, j’ai donc décidé d’en regarder le premier épisode et puis, bah, de vous en parler.

Act Your Age (2023 / Bounce TV)
J’étais totalement passée à côté de cette série lors de sa diffusion l’an dernier (ce qui est souvent le cas pour les fictions des chaînes afro-américaines, qui ne se retrouvent pas aussi souvent sur la toile que les autres…), jusqu’à ce que son unique saison fasse son apparition sur Netflix en mai. Preuve qu’il n’est jamais trop tard.
Et c’est d’ailleurs le sujet de la série : il n’est jamais trop tard. Act Your Age, comme le suggère son titre, s’intéresse à trois femmes dans la cinquantaine qui ont un peu perdu contact avec le temps, mais qui sont toujours amies. L’une d’entre elles organise une réunion sous un prétexte mineur, avant de leur annoncer que, surprise ! Elle est sur le point de se marier et de commencer une nouvelle vie. Les voilà donc qui s’embarquent dans une virée nocturne d’enterrement de vie de « jeune » fille qui va conduire à une série de gags plus ou moins drôles. Mais ce n’est pas l’essentiel. Une grande partie du charme d’Act Your Age tient en effet dans les interactions de son trio de tête (trois comédiennes qui ne sont plus à présenter, et que l’on trouve à la télévision depuis deux ou trois décennies). Et de ce côté-là, ça marche bien ! Par exemple, une dynamique qui m’a beaucoup plu, c’est combien Angela et Keisha sont dans une sorte de rivalité vis-à-vis de l’amitié de Bernadette, dont elles veulent, malgré les années et l’éloignement, toujours être la meilleure amie préférée. Cela donne quelques échanges vraiment dynamiques, qui éclipsent d’autres choses plus classiques et oubliables dans cet épisode.
Act Your Age embarque aussi l’entourage de ces femmes (deux d’entre elles ont des enfants… qui sont aujourd’hui jeunes adultes, ça change de la plupart des sitcoms) dans certaines choses, notamment la conclusion de l’épisode qui consiste à inciter nos héroïnes à profiter de la vie, parce que c’est pas parce qu’on a 50 ans qu’il faut se ranger et arrêter de s’amuser. C’est un principe plutôt rafraîchissant, pour le genre, et je trouve que ça fonctionne bien dans l’ensemble.

Extended Family (2023 / NBC)
Avec l’ambition humble de raconter une énième histoire de famille recomposée, Extended Family essaie de proposer quelque chose de positif et moderne, en évitant si possible les clichés. Ce premier épisode, en tout cas, produit un effort visible en ce sens, et il est plutôt bien récompensé.
Jim et Julia ont été mariées pendant 17 ans, mais ont divorcé quelques mois plus tôt de façon plus qu’amiable. Et elles le répètent haut et fort : elles ne pourraient pas être plus heureuses de cette séparation ! Depuis, Julia s’est mise en couple avec Trey, son nouveau petit-ami. Grace et Jimmy, leurs enfants, font la navette entre ces deux bouts de leur famille, et tout paraît bien se passer. Mais les apparences sont trompeuses, comme ce premier épisode va le prouver…
D’une intrigue un peu bateau (le poisson rouge de Grace meurt pendant qu’elle était en colonie de vacances, ses parents s’interrogent sur la meilleure façon de gérer cette crise), Extended Family arrive à extirper une exposition efficace. Démonstration est progressivement faite que, non, tout n’est pas si fluide dans ce divorce dont Julia et Jim se disent si satisfaites. Et de la même façon que Grace n’a pas digéré le divorce, on sent poindre un peu de jalousie résiduelle de la part de Jim envers Trey, et toutes sortes de petits détails qui montrent que tout n’est pas aussi amiable que l’ex-couple aime à le dire. Ces nuances, Extended Family arrive à les montrer et en jouer sans lourdeur, camouflées quelques gags un peu convenus mais efficaces ; le mélange fonctionne plutôt bien, même sans rien réinventer.
La partie la plus maladroite de la série consiste à créer des scènes d’interview sur un canapé, afin de fournir aux personnages une excuse pour expliciter leurs intentions ou émotions ; outre le fait que ce soit pas franchement intéressant, on ne sait même pas vraiment qui est supposée interviewer ce couple anonyme. Surtout qu’Extended Family n’est même pas un vrai mockumentary, donc euh… Bon. Admettons. Mais c’était pas nécessaire.

Outmatched (2020 / FOX)
Dans Malcolm in the Middle, il avait fallu que Lois et Hal s’adaptent à l’intelligence hors-normes de l’un de leurs fils. Dans le premier épisode d’Outmatched, Kay et Mike, qui ont déjà du mal à comprendre leurs deux aînées qui sont des « génies », apprennent après un test de QI qu’un troisième enfant est également en avance pour son âge. Il ne leur reste plus qu’une fille « normale », comment vont-elles gérer ?!
Fonctionnant sur les mécanismes typiques de ces sitcoms où les parents sont dépassées, Outmatched pense avoir trouvé un angle unique en faisant en sorte que trois des quatre gosses soient « surdouées », créant des défis supposément insurmontables pour ce couple débordé. Mais déjà, sa vision de l’intelligence est si stéréotypée qu’en fait ce n’est pas drôle. Les gamines s’expriment comme des encyclopédies, font régner la terreur sans qu’on comprenne trop pourquoi vouloir mener une expérience dans la salle-à-manger sème la zizanie, et ainsi de suite. Outmatched semble aussi adhérer à une conception très classiste de l’intelligence : les parents, en plus d’être d’un intellect supposément moyen, sont aussi de la classe moyenne (et vivant à Atlantic City), quand les goûts de leur marmaille tendent vers l’opéra, les grands peintres classiques, les langues anciennes, ce genre de choses. Du coup la série joue moins sur la question de l’intelligence que sur un étrange complexe d’infériorité…
Le résultat n’a ni queue ni tête, on n’adhère à rien et certainement pas aux misères de ces parents qui semblent, honnêtement, avoir des problèmes formidables… et qui s’en rendraient sûrement compte si elles arrêtaient de courir vapoter ou boire dans leur cave chaque fois qu’une gamine dit quelque chose qu’elles ne comprennent pas. En même temps, pas étonnant qu’une série qui semble partir du principe eugéniste que le QI est un truc uniquement déterminé à la naissance n’ait pas l’idée de faire une seule fois ouvrir Wikipedia à Kay et Mike pour essayer de se mettre au niveau de leur marmaille.

United We Fall (2020 / ABC)
Un bel exemple de sitcom « à l’ancienne » et notamment le début des années 2000, dans le même esprit que Still Standing, qui suit un couple tentant de faire face aux défis de la parentalité. C’est novateur, comme vous le voyez.
Mais le plus gros problème de cet épisode tient moins dans son manque d’originalité (qualité dont beaucoup de comédies parviennent à se passer) que dans son écriture un peu faiblarde. La série ne semble en fait pas trop savoir où aller. Elle établit mal qui sont ses parents, dont le seul trait de personnalité consiste en gros à être parents ; elle établit mal ses protagonistes secondaires pourtant supposées servir d’entités perturbatrices (la grand’mère, qui pourtant vit avec le couple, est à peine visible dans deux scènes et demies) ; l’intrigue part dans tous les sens…
On nous dit que Bill et Jo s’interrogent sur la capacité à être de bons parents, surtout parce que la mère de Bill, qui vit avec la famille, critique tout ce qui se passe sous son toit. Mais ces insécurités, au lieu d’être explorées, sont écartées lorsque la maîtresse de leur fille aînée, qui les avait convoquées pour leur parler… leur annonce que la petite va bien (Jo fera remarquer qu’une convocation juste pour dire ça était peut-être superflue, et je suis d’accord). Donc qu’a-t-on appris ? Pas grand’chose. C’est d’autant plus bizarre que leur fille aînée démontre à plusieurs reprises des traits qui indiquent qu’elle est peut-être en avance pour son âge, ou éventuellement neurotypique (selon ce que les scénaristes comprennent de la neurotypie, en tout cas) et ç’aurait vraiment mérité une discussion avec la maîtresse, pour le coup, mais non. Donc tout va bien ? Non, parce que tout d’un coup leur fait FAIT UN PROLAPSUS ANAL. Qu’est-ce que quoi ? Et donc voilà toute la famille qui passe la nuit aux urgences, découvrant que « ça arrive même aux bons parents », avant de rentrer au petit matin à la maison. Et donc euh, bah, je sais pas quelle leçon il faut en tirer.
Vous me direz, peut-être ne faudrait-il pas en tirer de leçon : la vie est trop complexe pour qu’on en tire des certitudes juste sur la base d’une journée (certes forte en émotions). Mais United We Fall n’est pas assez fine, ni dans son intrigue ni dans ses dialogues, pour nous laisser penser qu’elle soit capable de ce genre de nuances. Structurellement et historiquement, on devrait sortir de l’épisode d’un sitcom familial tel que celui-ci avec une conclusion claire, or là il n’y a aucune forme de résolution. C’est juste vingt minutes de chaos suivies du générique de fin. Je ne suis pas étonnée que cette série ait été annulée au bout d’une saison, il n’y avait pas grand’chose à sauver à part le capital sympathie de Will Sasso, et il s’est reconverti dans le Sheldonverse depuis.

Bon, je vous l’accorde, c’est un bilan un peu en demi-teinte. C’est d’ailleurs sûrement la raison pour laquelle je n’avais pas regardé ces séries plus tôt, au moment de leur diffusion initiale ou au moins avant leur annulation : j’ai tendance à être un peu sévère avec les séries multi-camera, aussi je n’ai pas souvent une raison de me précipiter dessus juste pour découvrir que je n’avais pas envie de les voir… Mais au moins, je me serai forcé la main pour regarder des séries plus « innocentes » que ce dont j’ai l’habitude, et c’est l’essentiel.
La découverte, c’est aussi ça, dans le fond, je suppose : s’obliger à sortir de sa zone de confort (puisque paradoxalement des séries avec vingt trigger warnings sont, il faut croire, normales pour moi), quitte à y retourner plus tard. Il n’y a pas d’obligation à changer nos habitudes, juste à nous donner une chance de trouver une série qui nous plaise là où on ne l’aurait pas naturellement cherchée.
D’ailleurs… hm, non. Je ne sais pas si je vais vous parler d’une série que j’ai commencée en mai et dont j’ai déjà vu deux saisons. Je crains un peu de l’aborder, parce qu’on sait toutes que je suis nulle quand il s’agit de ce genre télévisuel. Enfin, j’ai pas décidé. On verra. Pour le moment, tenons-nous en aux sitcoms.


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